L'âge du futur
Dans le grand jeu de cartes qui se dévoilent sur la table, le roi de pique et le joker ont coup sur coup tenu à rassurer sur ce futur incertain aux contours flous. D'abord Ahmed Gaïd Salah, qui a demandé à ce «que chacun sache que nous n’avons pas d’autres ambitions politiques que servir notre pays», conjuguant le verbe avoir à la première personne du pluriel par utilisation du «nous» royal ou pour parler de l'ANP, gentil collectif armé dont il n'est que le porte-parole. Dans la foulée, Ahmed Taleb Ibrahimi s'adresse aux citoyens dans une lettre à la Bouteflika pour expliquer que «mon âge avancé annule toute ambition en moi», parlant à la première personne, ce qui est censé montrer qu'il est tout «seul». Faut-il les croire ? Difficile, vu les précédents, aucun président algérien n'a voulu l'être, «sollicité» par la société civile ou «supplié» par les organisations de masse, y compris le dernier, Abdelaziz Bouteflika, qui voulait rentrer chez lui, mais a dû répondre dans le quartier à «l'appel des citoyens»
continuer son grand oeuvre d'alchimiste inversé, transformer l'or en plomb. Ce qui donnerait dans l'interprétation du «servir notre pays» un destin égyptien à la Sissi pour l'un, avenir tunisien à la Caïd Essebsi pour l'autre. Mais a contrario, les deux ont passé l'âge des projets, le premier Ahmed a 79 ans, le deuxième Ahmed 87, et seraient normalement à la retraite en train de planter du blé. D'ailleurs Taleb Ibrahimi l'avoue lui-même, il est trop vieux pour jouer encore avec les schizophrènes du FLN-RND, et Gaïd
Salah rappelle sans cesse qu'il ne veut que mettre un Président à la Présidence pour ensuite retourner à ses casernes. Faut-il les croire ? Les deux font de la politique, qui consiste actuellement à surfer sur les grandes manifestations qui durent maintenant depuis 3 mois. Gardons quand même innocence et optimisme, un jour, c'est sûr, le lion et la gazelle dormiront dans la même chambre. Mais la gazelle aura certainement du mal à s'endormir.