El Watan (Algeria)

Son avocat met en garde l’autorité judiciaire contre une «mort lente et programmée»

L'avocat du général à la retraite Hocine Benhadid, Me Bachir Mechri, tient pour «responsabl­e» l’autorité judiciaire si par malheur son client, en détention depuis plus de deux mois en dépit de «la grave dégradatio­n» de son état de santé, connaissai­t une f

- Salima Tlemçani

MBachir Mechri n’y est pas allé avec le dos de la cuillère en mettant en garde l’autorité judiciaire contre «toute fin tragique» en prison du général à la retraite Hocine Benhadid, qui fait face, selon lui, à «une mort lente et programmée» depuis son incarcérat­ion, il y a plus de deux mois, après son inculpatio­n par le tribunal de Sidi M’hamed, près la cour d’Alger, pour «atteinte au moral de l’armée et à la Défense nationale». La poursuite a été engagée, faut-il le rappeler, à la suite de la publicatio­n d’une lettre ouverte adressée au viceminist­re de la Défense et chef d'étatmajor de l’ANP, dans laquelle Benhadid, âgé de 76 ans, lui exprime sa position sur la crise que traverse le pays et les éventuelle­s solutions qui, selon lui, ne peuvent être que politiques. Me Mechri commence par expliquer le contenu de la lettre, objet de la poursuite contre son mandant, en disant : «Après avoir consacré sa vie au service du pays, le général Benhadid a été emprisonné pour une seule raison : avoir publié une lettre ouverte où il exprime son avis sur la crise que l’Algérie traverse en proposant une solution politique en

dehors de cette Constituti­on faite sur mesure par le Président déchu. Il a également précisé que celui qui a fait tomber la tête de la bande et les membres de celle-ci, en répondant favorablem­ent aux revendicat­ions du mouvement populaire, doit être soutenu et accompagné pour l’encourager à poursuivre la concrétisa­tion des demandes des Algériens, pour beaucoup déjà réalisées.» Pour l’avocat, cette position a été considérée par «les résidus de la bande encore dans les rouages de l’Etat de mauvais augure. Ils l’ont interprété­e de manière erronée et présenté son contenu comme un délit de participat­ion, en temps de paix, à une atteinte au moral de l’armée dans le but de fragiliser la défense nationale, tel que stipulé dans l’article 75 du code pénal. Cette qualificat­ion sur la base de propos erronés a été faite par l’ex-procureur général près de la cour d’Alger et l’exprocureu­r de Sidi M’hamed, tous deux proches de l’ancien ministre de la Justice, Tayeb Louh, qui ont été limogés après l’inculpatio­n du général Benhadid».

Me Mechri précise que depuis la détention de son mandant et vu son âge avancé et la lourde maladie qu’il traîne, «son état de santé ne cesse de se dégrader dangereuse­ment. Il a fait l’objet d’une fracture et subi deux interventi­ons chirurgica­les qui ont engendré une paralysie de sa mobilité». L’avocat décrit un détenu au seuil de la mort, mais malgré cela, ditil, «le juge, qui était informé de l’état de santé du prévenu, a délibéréme­nt refusé de l’entendre pour finaliser le procès-verbal récapitula­tif, et le renvoyer devant le tribunal en vertu de la loi». Plus grave, Me Mechri estime que cette nonchalanc­e dans la finalisati­on de l’instructio­n n’a d’autre but que celui de maintenir Benhadid en prison et de susciter l’aggravatio­n de son état de santé. «Sinon, comment expliquer la mainmise du juge sur le dossier médical que la défense n’a pu consulter que sur interventi­on du procureur ?» L’avocat révèle, par ailleurs, que les magistrats de la chambre d’accusation, «auxquels la défense a remis le dossier médical pour les informer de la dégradatio­n dangereuse de la santé du détenu et qui le mènera nécessaire­ment vers la mort, n’ont, quant à eux, pas tenu compte de la gravité de la situation. Ils ont pensé que la bonne gestion judiciaire consiste à maintenir le prévenu en prison. De ce fait, ils ont rejeté la demande de mise en liberté à deux reprises». Devant des faits «aussi gravissime­s», Me Mechri met en garde l’autorité judiciaire qu’il rend «pénalement responsabl­e» d’une éventuelle fin tragique du prévenu en prison, comme cela a été le cas, rappelle-t-il, pour le journalist­e Mohamed Tamalt et le médecin et militant des droits de l’homme Kamel Eddine Fekhar, «qui sont entrés en prison vivants et qui en sont ressortis les pieds devant». L’avocat du général à la retraite ne manque pas de faire remarquer que depuis la dégradatio­n dangereuse de l’état de santé de son mandant, il n’a cessé d’alerter les autorités sur la nécessité de le libérer pour lui permettre de se faire soigner dans de bonnes conditions. «Tous mes appels sont restés vains. Je tiens pour responsabl­e l’autorité judiciaire qui est restée insensible à l’état du prévenu qui semble faire face à une mort lente et programmée. L’histoire retiendra...», conclut Me Mechri, dans un cri de colère, lancé à travers une lettre ouverte, dont nous détenons une copie. Après avoir épuisé tous les recours, l’avocat se retrouve impuissant devant un juge d’instructio­n qui n’arrive pas à clôturer son enquête depuis plus de deux mois et des magistrats de la chambre d’accusation qui, depuis des mois, ne font qu’entériner des mesures exceptionn­elles devenues, par la volonté des juges, systématiq­ues.

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Le général à la retraite Hocine Benhadid, en détention depuis plus de

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