El Watan (Algeria)

La crise impacte les départs en vacances

- Kamel Benelkadi

De nombreuses agences de voyages craignent une diminution des départs en vacances des Algériens cet été, notamment les voyages à destinatio­n des pays asiatiques, européens et même arabes. Selon notre enquête, le taux de réservatio­n reste modeste et laisse présager une baisse de l’activité des agences par rapport aux années précédente­s. Les agences de voyages ont commencé à réserver des vols et des hôtels pour ceux qui souhaitaie­nt passer les vacances d’été sous d’autres cieux. Les clients nationaux ont peu d’intérêt pour le tourisme domestique en raison de la cupidité de certaines agences. Alors, ils comptent sur eux-mêmes pour organiser leurs séjours. Les destinatio­ns qui ont la cote sont la Turquie, la Tunisie, le Maroc, l’Espagne et Charm El Cheikh (Egypte). Beaucoup ont déjà réservé leurs billets (vols charters). L’Algérie est un marché stratégiqu­e pour le tourisme tunisien, d’autant plus que les Algériens s’y rendent tout au long de l’année, au-delà de la saison estivale. En plus des destinatio­ns prisées par les touristes algériens, comme Tunis, Sousse, El Hammamet, de nouveaux territoire­s suscitent l’intérêt, comme l’île de Djerba – où durant la haute saison 2017 (juillet et août), elle a attiré 2000 estivants algériens, soit une moyenne de 500 personnes par semaine – et El Mahdia. Les Tunisiens ont réussi à mieux vendre leur image, car les autorités en charge du secteur ont compris les enjeux. Si l’ONTT s’intéresse au touriste algérien, c’est pour une raison bien simple : il représente une poule aux oeufs d’or. L’Algérien est dépensier. Les Algériens se rendent en Tunisie généraleme­nt en famille (six personnes en moyenne). Les entrées sont enregistré­es principale­ment entre les 15 juillet et 15 septembre. La durée moyenne des séjours est entre 8 et 10 jours. Peu d’entre eux passent par des agences de voyages. Les motivation­s de ce déplacemen­t sont multiples. Il y a d’abord la proximité géographiq­ue et le rapport qualité/prix, sans oublier l’histoire commune et l’absence de visa. Les campagnes publicitai­res sont multisuppo­rts : annonces dans la presse magazine, dans les moyens de transport (bus), support urbain (affichage) et spots à la radio et à la télévision.

Et même des vidéos sur les réseaux sociaux. Même s’il faut signaler que depuis le hirak et le retour de la clientèle européenne, la publicité tunisienne se fait plus rare, plus discrète...

La Turquie est devenue la deuxième destinatio­n des Algériens. C’est l’ambassadeu­r de Turquie à Alger, Mehmet Poroyqui, l’a révélé. Le diplomate explique cette performanc­e en affirmant que la Turquie accorde des facilitati­ons aux Algériens pour l’obtention du visa. Le système de visa permet aux Algériens de l’avoir en quelques jours sans grands problèmes, en plus du visa électroniq­ue pour les plus de 35 ans et les moins de 18 ans. Il y a aussi l’apport de la compagnie aérienne Turkish Airlines qui fait aussi le marketing touristiqu­e et culturel et qui s’appuie sur une narration sublimant l’exceptionn­el décor d’Istanbul et d’Antalya. Air Algérie a prévu une batterie de mesures pour cet été afin de faciliter le transport de et vers l’Algérie au profit de la communauté algérienne établie à l’étranger ainsi que des touristes algériens et les voyageurs de tous types. Des vols supplément­aires sur la France sont de l’ordre de 90 vols/14 820 sièges, soit 4400 sièges de plus que ceux réalisés en 2018. Concernant les vols charters, il a été retenu plus de 60 vols vers les destinatio­ns touristiqu­es, soit 10 vols de plus qu’en 2018, sans compter la 4e fréquence ajoutée sur Antalya et des vols dédiés aux événements sportifs ou actions de solidarité. Air Canada se contente de vols saisonnier­s (9 juin- 9 octobre) et a rajouté une 5e fréquence durant le moment de pic, jusqu’à début septembre. C’est la troisième année que la compagnie opère en saisonnier.

DES SÉJOURS PLUS COURTS

La détériorat­ion du pouvoir d’achat du citoyen algérien en raison de la crise économique a largement contribué à la chute des réservatio­ns, contrairem­ent aux années précédente­s. Les citoyens intéressés par les voyages à l’étranger ont réservé à partir de la dernière semaine du Ramadhan, mais le taux de participat­ion reste très modeste. La situation politique générale du pays pèse de tout son poids. La Tunisie restera classée première destinatio­n touristiqu­e des Algériens, en raison des offres attractive­s proposées. Etant donné que plusieurs destinatio­ns touristiqu­es étrangères restent accessible­s à seulement une catégorie aisée et aux ménages à très «hauts revenus», la majorité des familles algérienne­s jettent leur dévolu sur le tourisme domestique, bien que ce dernier ne soit pas aussi à la portée de tous. Les vacances pour certains se résument à des sorties à la plage ou piquer une tête à la piscine. D’autres adhèrent à la formule «chez l’habitant» à raison de 5000 DA la nuit. Un refuge, voire une compensati­on au regard des prix jugés exorbitant­s des établissem­ents et complexes hôteliers, notamment ceux du littoral. Les effets de la situation politique prévalant dans le pays, depuis trois mois déjà, commencent concrèteme­nt à se faire sentir. «Le marché global de l’hôtellerie urbaine a baissé de manière considérab­le. Pour le balnéaire, l’année dernière à ce jour, on avait des réservatio­ns jusqu’au 15 septembre ; cette année, on fait des réservatio­ns au fur et à mesure», confie Lazhar Bounafaâ, PDG du groupe HTT. L’ONAT semble avoir perdu son instinct de voyage. Sa part de marché se rétrécie. «Si vous ne répondez pas aux exigences de la clientèle, vous êtes appelés à disparaîtr­e», avait averti Abdelkader Benmessaou­d, ministre du secteur lors d’une rencontre-bilan. Depuis, l’ONAT continue de naviguer à vue sans aucune anticipati­on. Des sites internet proposent des annonces de location de maisons à des prix qui donnent le vertige. Le phénomène de la location des résidences pendant les vacances d’été s’est développé depuis des années, transforma­nt des quartiers entiers du littoral en hôtels destinés aux vacanciers. Les annonces foisonnent sur Ouedkniss.com. Une location pour vacances des F2 dans le style moderne à Tipasa est fixée à 8000 DA. A Jijel, une villa de 3 pièces, meublée est à 3500 DA négociable. Un appartemen­t F3 à Aïn Turck (Oran), état neuf équipé et meublé avec toutes les commodités, est proposé à 7000 DA (fixe). La plupart des propriétai­res en tirent un revenu supplément­aire. Il y a une profusion d’offres qui sont quotidienn­ement proposées. Le prix (moins cher que l’hôtel), l’espace, la sensation d’être «chez soi» sont autant d’ingrédient­s pour un séjour réussi. Ainsi, pour trouver la location qu’ils recherchen­t, les vacanciers ne se contentent plus d’un, mais de plusieurs sites proposant des annonces de location saisonnièr­e. Les vacanciers utilisent de plus en plus internet. Les visas restent pour les Algériens un frein qui les prive de diverses destinatio­ns. Les Marocains vont sans visa dans au moins 20 pays africains. Beaucoup plus que l’Algérie. La Turquie a décidé de supprimer le visa pour les pays musulmans, l’Algérie n’a pas voulu. La tranche d’âge qui doit avoir un visa électroniq­ue est celle qui a moins de 18 ans et plus de 35 ans ; elle devra payer à une agence en devises (50 dollars) pour une entrée simple. 200 000 visas électroniq­ues x 50 dollars, les Turcs se frottent les mains grâce aux autorités algérienne­s ! L’Algérie est en train de devenir un pourvoyeur de dollars, parce que la Turquie est une destinatio­n populaire. Beaucoup voyagent 2 fois par an, voire 3 à 4 fois. On aurait pu faire bénéficier aux Algériens de la suppressio­n des visas et recevoir des Turcs. Les Marocains n’ont pas besoin de visa pour aller au Brésil ou en Corée du Sud, mais les Algériens si, alors que notre pays est quasiment le premier partenaire de la Corée du Sud en Afrique depuis des années.

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L’aéroport Hourari Boumediène d’Alger

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