APRÈS LE FEU, LA PRÉVENTION
Durant plusieurs jours, les incendies ont ravagé des centaines d' hectares de forêts. Au-devant de la scène, les éléments de la Protection civile sont les premiers à affronter les feux et la colère des citoyens si les incendies se propagent ou perdurent.
Il est 13h. Sous un soleil de plomb, facteur favorisant le déclenchement des incendies, nous nous sommes rendus au lieudit El Maraa, dans la commune de Ben Chicao. Les terres en cendres étaient visibles même de loin. Sèches et fissurées de partout, nous les traversions difficilement. Sur les lieux de ce crime contre Dame Nature, le spectacle était hideux. Des cendres partout, et des arbres entiers partis en fumée. Sur notre chemin, nous avons même découvert des ossements et de la laine brûlée. Selon les éléments de la Protection civile qui nous accompagnaient, il s’agissait d’un mouton cerné par les flammes. Sous nos pieds, la terre flambait encore. «Les feux de forêt sont très compliqués, surtout lorsqu’on n’a pas de voies ouvertes et que nous sommes obligés d’aller au coeur des flammes à pied avec nos seaux à pompe sur le dos. De plus, certains arbres ont la particularité d’être très inflammables. D’autres nous mènent en fausse piste et restent allumés, alors qu’ils paraissent complètement éteints», déclare le lieutenant Karim Bouhafsi, chargé de communication à la direction de la Protection civile de la wilaya de Médéa. Connu pour son riche patrimoine de pins d’Alep, le cône, fruit de ces arbres géants, est une véritable grenade naturelle. Sous l’effet de la chaleur, il éclate pour répandre le feu à d’autres arbres, et ce, jusqu’à 100 mètres de distance. Le cône du pin d’Alep est une véritable menace pour la vie des sapeurs-pompiers qui se sont souvent retrouvés encerclés par les flammes.
ÉTEINDRE LE FEU PAR LA PRÉVENTION
Aussi inflammables que le carburant, les herbes sèches et les détritus sont la première cause des incendies. En effet, tout le long de notre circuit de et vers les lieux d’incendie, ces herbes clôturaient les exploitations agricoles et envahissaient tous les espaces vides. «La nature a horreur du vide. C’est la raison pour laquelle le désherbage est une action majeure dans le processus de prévention. Ceci ne fait pas partie des prérogatives de la Protection civile, mais plutôt de celles des agriculteurs, des conservations de la forêt et surtout des collectivités locales», explique notre interlocuteur. Pour M. Bouhafsi, il y a tout un travail qui doit être mené par les acteurs membres de la chaîne de la prévention. En plus de la Protection civile, qui en est le dernier maillon, elle regroupe les secteurs des collectivités locales, l’agriculture, l’hydraulique, les travaux publics, le commerce et les services de sécurité. «Pour pouvoir éteindre un feu, nous avons besoin d’accès. Un travail du ressort de la direction générale des forêts. Toutefois, dans plusieurs régions forestières, il n’y a pas de pistes nous permettant d’accéder avec nos moyens mécaniques. Pour arriver aux flammes, nos éléments sont obligés d’aller et revenir plusieurs fois de et vers les points d’eau. En plus d’être fatigante, l’extinction des feux peut prendre nettement plus de temps. Je ne parle pas ici des zones rocheuses ou des terrains très accidentés, où il est impossible d’ouvrir des pistes», ajoute-t-il.
Des propos confirmés par Nassim Bernaoui, chargé de la communication à la direction générale de la Protection civile, qui considère que le travail des forestiers ne se limite pas à l’ouverture des pistes mais aussi à l’appui scientifique qu’ils peuvent apporter aux agents de la Protection civile lors des incendies. Il souligne que l’extinction des feux de forêt est essentiellement du ressort des forestiers. La Protection civile ne devrait être, selon ses propos, qu’un renfort. «Ce qui n'est pas le cas», souligne-t-il.
DES INCENDIES PRÉMÉDITÉS
En plus de l’échec du processus de prévention et l’absence de provisions d’eau, la préméditation est confirmée. Même si les résultats des enquêtes ne sont pas encore dévoilés, le directeur de la Protection civile de Médéa, le colonel Chahb El Ain Mohamed, évoque le bénéfice tiré par les agriculteurs qui préfèrent mettre le feu à leurs mauvaises récoltes pour bénéficier de l’assurance ou du remboursement de l’Etat. Une pratique également faite par les apiculteurs qui, selon lui, désirent bénéf icier de remboursement de la part des assurances pour l’acquisition d’un nouveau matériel. «Avec l’approche de l’Aïd El Adha, ces feux de forêt sont une aubaine pour les vendeurs de charbon. Ce sont des auteurs probables, au même rang que les revendeurs de bois. Et involontairement aussi, les adeptes de la forêt qui laissent derrière eux les détritus, les canettes, ou des mégots de cigarettes sont également responsables de ces feux», indique-til, avant de citer également les conditions climatiques qui constituent un élément favorable au déclenchement de foyers. Pour lui, les agriculteurs ayant des exploitations non loin du périmètre forestier doivent être accompagnés et par les forestiers et par les cadres du ministère de l’Agriculture. Il en est de même pour les apiculteurs. Même si un incendie de forêt reste plus ou moins bénéfique à l’équilibre de l’écosystème, il demeure un véritable crime contre la nature et toutes les espèces vivantes, dont la lutte est la responsabilité de tous.