El Watan (Algeria)

Rouge, comme la région est de Skikda

La tomate ici n’est pas un simple fruit. C’est un fait social, un bénéfique chamboulem­ent socio-économique pour une région marginalis­ée.

- Khider Ouhab

Tout est rouge dans la région Est de la wilaya de Skikda. Tout bouge surtout. La fièvre de la tomate bat son plein de Djendel à la Marsa, en passant par Ben Azzouz. Tels que des fourmilièr­es écrasées par un soleil de plomb, les champs grouillent de jeunes occupés à récolter le «fruit de la passion» qui fait vivre plus de 2000 familles.

Sur les routes, le trafic est totalement infesté par d’interminab­les cortèges de camions et de tracteurs mettant le cap vers les trois conserveri­es de la région qui tournent à plein régime en ce mois de juillet. Bienvenus, vous êtes bien à l’eldorado rouge de Skikda.

Ici, près de la moitié de la production de la tomate industriel­le y est réalisée. Ce produit a d’ailleurs fini par devenir un véritable label de la région et les saisons de récolte y sont attendues avec impatience. «Cette filière

fait vivre 2000 agriculteu­rs et génère plus de 25 000 postes d’emploi directs et saisonnier­s», estime Mourad Bourekouk, président de la Chambre de l’agricultur­e de la wilaya de Skikda (CAWS). Ici, tout le monde trouve son compte. A Boumaïza, dans la commune de Ben Azzouz, un groupe de jeunes, écouteurs branchés aux oreilles, s’attelaient à emplir des caissettes et à les charger sur une camionnett­e. Leur habilité est telle qu’on croirait qu’ils ont de tout temps fait ce travail. Le temps d’une pause, ils témoignent…

UNE RUCHE GÉNÉRATRIC­E D’EMPLOIS

«Oui, ça nous aide beaucoup. On nous donne 50 DA pour chaque caissette. Il nous suffit de travailler deux heures le matin et deux autres l’après-midi pour se faire un peu d’argent. Ici, le chômage nous tue, heureuseme­nt qu’il y a la tomate qui nous aide à subvenir à nos besoins et à aider nos familles. Ici, tout le monde peut se faire un peu d’argent. Il y a même des jeunes qui viennent d’autres wilayas du pays pour travailler sur ces champs». Pour ces jeunes de Boumaïza, la saison de la tomate représente la haute saison des pécules. L’hiver venu, ils retournero­nt à leurs bancs d’école, et d’autres, à leur oisiveté. La dynamique économique créée par la mue que vit la filière dans cette région est un fait avéré. Son impact est irréfutabl­e. La bénédictio­n de la tomate ne se limite pas aux seuls producteur­s et autres cueilleurs du fruit. Beaucoup de monde profite de cette «aubaine rouge». Le petit cafetier du coin, le vendeur de sandwichs, le transporte­ur ou les petits porteurs trouvent eux aussi leur «bout de pain». D’autres étudiants, chômeurs et pères de famille préfèrent travailler au niveau des 50 points de collecte qui jalonnent les routes de la région. Chaque point emploie en moyenne une vingtaine de personnes. Ils y assurent la réception des caissettes pleines de tomates, qu’ils chargent de nouveau sur d’autres camions, des semi-remorques le plus souvent, qui prennent aussitôt la route vers les conserveri­es de Sétif, Blida, Oran et Chelghoum Laïd. Ces points de collecte constituen­t des dépôts de fortune implantés sur des terrains affectés par les communes concernées à des conserveri­es implantées hors wilaya. «C’est un système de facilitati­on qui permet une meilleure régulation de la production. Plusieurs conserveri­es implantées hors wilaya s’approvisio­nnent ici à Skikda grâce notamment à des convention­s les liant à plus de 500 producteur­s. Ces points permettent d’opérer et de réceptionn­er les quotas de chaque conserveri­e dans de bonnes conditions tout en créant de l’emploi», explique le président de la Chambre de l’agricultur­e de Skikda.

Cette ritournell­e toute rouge, qui s’est emparée de toute une région, aura encore à se poursuivre jusqu’au mois de septembre prochain. La tomate ici n’est pas un simple fruit. C’est un fait social. Un bénéfique chamboulem­ent socio-économique promis à vivre encore d’autres mues, au grand bonheur d’une région marginalis­ée. Toute une région qui semble trouver dans ce fruit une belle revanche pour espérer et oublier, le temps d’une cueillette, la marginalis­ation et le sous-développem­ent qu’on continue de lui imposer dans une wilaya qui a souvent la tête ailleurs.

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De jeunes saisonnier­s en pleine récolte

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