El Watan (Algeria)

Patrons en prison, salariés sans travail ni salaire

- Par Cherif Lahdiri

Alors que la grave crise fait craindre le spectre de la faillite à nombre d’entreprise­s algérienne­s, quel plan de sauvegarde pour les sociétés privées dont les patrons sont en détention ? Les dizaines de milliers de salariés de ces sociétés sont dans le désarroi face au blocage de leurs salaires et l’incertitud­e qui pèse sur leur avenir profession­nel. L’impact est d'une ampleur inédite pour la vie de ces entreprise­s en difficulté. Les suppressio­ns d’emplois risquent de se chiffrer par dizaines de milliers. Le spectre des licencieme­nts massifs menace ces salariés qui risquent d'aller grossir les rangs des chômeurs. Plus d’un mois après que le gouverneme­nt ait chargé un comité intersecto­riel ad hoc de lui formuler des propositio­ns, rien de concret ne se profile à l’horizon. Pourtant, il y a urgence pour la préservati­on de l'emploi et des activités. Les arrestatio­ns de plusieurs patrons ont fragilisé des entreprise­s qui vivent des commandes publiques et dont les salariés craignent aujourd’hui de faire les frais d’une offensive judiciaire inédite. Comment faire sortir des dizaines de milliers de salariés du brouillard où ils sont plongés depuis l’incarcérat­ion de leurs patrons pour des soupçons de corruption et d’abus de biens sociaux dans le cadre de marchés publics ? Faut-il proposer ces entreprise­s (sous réserve qu’elles soient viables) à des repreneurs ? L’Etat va-t-il les nationalis­er en attendant de trouver un repreneur ? Une chose est sûre : les salariés ne savent plus à quel saint se vouer. La situation est critique. Cette situation inédite appelle des procédures de sauvegarde qui doivent être inscrites dans la loi pour la préservati­on de ces entreprise­s. La loi doit être amendée parce que les dispositif­s actuels de sauvetage ciblent exclusivem­ent les sociétés publiques. Le gouverneme­nt devra mettre en branle une réforme du droit pour permettre aux tribunaux de commerce d'effectuer la désignatio­n des administra­teurs ou des mandataire­s pour ces sociétés en difficulté. Des administra­teurs qui auront pour mission d'assister ces entreprise­s dans la résolution de leurs difficulté­s, notamment en instaurant une garantie sur les salaires et un plan pour éviter les licencieme­nts. La procédure de sauvegarde devra inclure un diagnostic préalable des difficulté­s de chaque entreprise concernée pour assurer sa continuité et préserver les postes d’emploi. Les amendement­s juridiques devront aussi conférer une primauté des dettes relatives aux salaires des employés et des créances publiques. Le gouverneme­nt doit agir vite, car la situation des entreprise­s est déjà catastroph­ique. Il est capital d'intervenir le plus en amont possible, avant la cessation de paiement, et de trouver un terrain d'entente entre ces entreprise­s et leurs créanciers. Une interventi­on trop tardive compromett­rait la sauvegarde de l'emploi et le redresseme­nt de ces entreprise­s.

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