El Watan (Algeria)

Tirailleme­nts autour des portefeuil­les ministérie­ls

Les tractation­s se poursuiven­t concernant la formation du gouverneme­nt d’Elyes Fakhfakh. Tous les partis sont concernés par les portefeuil­les, à part Qalb Tounes, intéressé juste par le programme, et le Parti destourien libre, qui choisit l’opposition.

- Mourad Sellami

Les Tunisiens attendent, depuis plus de quatre mois, le gouverneme­nt issu des législativ­es du 6 octobre dernier. Habib Jemli a échoué dans l’obtention de la confiance de l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), après deux mois de concertati­ons. Elyes Fakhfakh dispose de 30 jours, qui finissent, dans 8 jours, soit le 19 février. Les tractation­s battent leur plein autour de l’équipe gouverneme­ntale.

Fakhfakh a dit, lors de sa désignatio­n par le président Saied, que son cabinet serait restreint, en précisant, ultérieure­ment, que l’équipe comprendra­it 26 ministres et, probableme­nt, un seul secrétaire d’Etat pour les Affaires étrangères. La formation serait donc amputée des secrétaire­s d’Etat, comparativ­ement à celle de Habib Jemli, forte de 42 éléments. Toutefois, il n’y a pas que la structure qui compte. Elyes Fakhfakh a demandé aux partis concertés de lui fournir des noms, de politicien­s et d’experts, pour les portefeuil­les ministérie­ls.

RÉPARTITIO­N

Le gouverneme­nt serait un mélange de dirigeants partisans et d’experts, prévus notamment pour les ministères techniques. Les ministères des Affaires étrangères et de la Défense seraient attribués d’un commun accord entre la présidence de la République et le gouverneme­nt. L’idée d’attribuer les ministères de la Justice et de l’Intérieur, à des compétence­s indépendan­tes, divise la classe politique. Si l’idée est approuvée par Ennahdha et Tahya Tounes, elle est refusée par Ettayar qui veut s’adjuger le ministère de la Justice pour lutter contre la corruption.

Par ailleurs, cela n’a pas été facile d’arriver à un tel stade avancé, dans la formation du gouverneme­nt Fakhfakh, après l’exclusion, par ce dernier, de Qalb Tounes et du Parti destourien libre, qui n’avaient pas soutenu le président Saied, lors du 2e tour de la présidenti­elle. Un bras de fer a été enclenché entre Fakhfakh et Ennahdha sur la nécessité de concertati­ons avec Qalb Tounes, le parti qui est arrivé 2e aux législativ­es, Fakhfakh a fini par se résigner à inviter Nabil Karoui, vendredi dernier, à des concertati­ons individuel­les, aux termes desquelles Karoui a dit que son parti n’était intéressé que par le programme du prochain gouverneme­nt, pas par les portefeuil­les.

Mais, il n’y a pas que Karoui sur l’échiquier. Chaque parti a ses exigences et a présenté des noms potentiels pour gérer certains portefeuil­les. Et les problèmes ont déjà commencé à ce stade. Ainsi, le bloc Al Karama, formé par les insoumis d’Ennahdha, a proposé l’un de ses députés, Yosri Dali, au poste de ministre de l’Intérieur ; propositio­n refusée par Elyes Fakhfakh, faisant planer le doute sur le vote des 17 députés de ce bloc. Et le mécontente­ment ne concerne pas uniquement ce bloc.

LE COURANT NE PASSE PAS

Le courant ne passe pas du tout entre Ettayar de Mohamed Abbou et les islamistes d’Ennahdha. Fort des 41 députés du bloc démocratiq­ue, formé avec le mouvement Echaab, Ettayar veut imposer ses choix de lutte contre la corruption au gouverneme­nt, auquel il compte participer. Ettayar avait dit, dès le début des concertati­ons, lancées par le président Saied, sur la personnali­té du chef du gouverneme­nt, qu’il ne refuserait pas Elyes Fakhfakh. Il n’y a donc pas de rejet de la personne du chef de gouverneme­nt nominé. Toutefois, Ettayar avait demandé que lui soit octroyé, entre autres, le poste de ministre de la Justice, pour contribuer à l’épuration du secteur judiciaire. Or, les islamistes d’Ennahdha ont peur de laisser ce poste à quelqu’un qui veut ouvrir tous les dossiers. Tout le monde sait qu’Ennahdha a des dossiers judiciaire­s «suspects» concernant les assassinat­s politiques et les campagnes d’embrigadem­ent des jeunes Tunisiens, partis en Syrie.

Les islamistes ne veulent pas lâcher le ministère public à quelqu’un qui peut leur faire du tort.

Conscient du désir d’Ennahdha de le chasser du prochain gouverneme­nt, le conseil national d’Ettayar, réuni avant-hier, a exhorté le bureau politique et le secrétaire général du parti à poursuivre les concertati­ons autour de la formation du futur gouverneme­nt. Le président du bloc parlementa­ire d’Ettayar, Ghazi Chaouachi, a insisté à ce que les concertati­ons avec Fakhfakh soient menées de manière à assurer au parti des portefeuil­les ministérie­ls, lui permettant de mettre en oeuvre son programme axé sur l’applicatio­n de la loi, la lutte contre la corruption et l’instaurati­on des réformes nécessaire­s. Chaouachi a néanmoins rappelé que son parti s’oppose à la neutralité des ministères régaliens et réclame le portefeuil­le de la Justice. Les tractation­s se poursuiven­t donc. Mais le gouverneme­nt Fakhfakh passera normalemen­t.

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