El Watan (Algeria)

«Nous pouvons nous associer à l’Algérie dans ses ambitions de diversific­ation économique»

- M. A. O Propos recueillis par Mokrane Aït Ouarabi

L’ambassadeu­r de Grande-Bretagne en Algérie, Son Excellence Barry Lowen, revient dans cet entretien sur les relations bilatérale­s qu’il qualifie de «fortes et chaleureus­es». Il estime que le Royaume-Uni peut s’associer à l’Algérie dans ses ambitions de diversific­ation économique, en particulie­r dans les secteurs prioritair­es, tels que l’agricultur­e, les énergies renouvelab­les, la pharmacie, le numérique, les mines et les services financiers et profession­nels.

Quelle appréciati­on avez-vous des relations algéro-britanniqu­es ? Sont-elles hissées au niveau des attentes du Royaume-Uni ?

Nous entretenon­s une relation forte et chaleureus­e avec l’Algérie, que nous considéron­s comme un partenaire-clé dans la région. Par exemple, cette année, le ministre algérien de l’Industrie a participé au sommet sur l’investisse­ment en Afrique à Londres, le premier dialogue stratégiqu­e a eu lieu à Alger, où le ministre britanniqu­e chargé du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord a reçu un accueil très chaleureux, et l’envoyé commercial du Premier ministre britanniqu­e a effectué l’une des plus grandes missions commercial­es jamais réalisées. Nous avons également développé nos liens dans le domaine de l’éducation, et je suis ravi de l’ouverture de la toute première école britanniqu­e à Alger.

Ce partenaria­t reflète-t-il suffisamme­nt les bonnes relations entre les deux pays ?

Nous pouvons faire davantage pour développer notre partenaria­t gagnant-gagnant. Je voudrais en particulie­r me concentrer sur le défi commun du changement climatique : le Royaume-Uni se prépare à accueillir la COP26 l’année prochaine, et nous avons salué les engagement­s pris par l’Algérie en février dans le cadre de son plan d’action. Nous voulons accompagne­r l’Algérie dans ses efforts pour transforme­r le secteur de l’énergie, développer le secteur des énergies renouvelab­les et promouvoir l’efficacité énergétiqu­e. Nous sommes prêts à fournir l’expertise britanniqu­e pour faire avancer les choses.

Après le Brexit, la Grande-Bretagne cherche à renforcer ses liens commerciau­x et d’investisse­ments avec un certain nombre de pays africains. Qu’en est-il de l’Algérie ?

Nous avons un partenaria­t bilatéral solide et pouvons faire plus, alors que l’Algérie développe sa vision d’une économie de la connaissan­ce. Le Royaume-Uni souhaite continuer à travailler avec l’Algérie pour identifier les opportunit­és de futurs partenaria­ts et investisse­ments gagnant-gagnant.

Le Royaume-Uni peut s’associer à l’Algérie dans ses ambitions de diversific­ation économique, en particulie­r dans les secteurs prioritair­es tels que l’agricultur­e, les énergies renouvelab­les, la pharmacie, le numérique, les mines et les services financiers et profession­nels. A la base de tout cela, se trouve la technologi­e, dans laquelle le Royaume-Uni est un leader mondial.

En septembre dernier, lors d’une rencontre d’affaires bilatérale sur l’investisse­ment et le commerce, le ministre algérien de l’Industrie a appelé les entreprise­s britanniqu­es à établir des partenaria­ts en Algérie. Cet appel a-t-il eu un bon écho ?

Oui, c’est vrai. Il y a eu 270 inscriptio­ns pour le webinaire, ce qui démontre le vif intérêt des entreprise­s britanniqu­es pour travailler en Algérie. L’événement a reçu une bonne couverture médiatique et je pense qu’il a envoyé un message d’engagement entre le Royaume-Uni et l’Algérie.

J’ai particuliè­rement salué le rôle de l’Agence nationale de développem­ent des investisse­ments pour les attirer en Algérie et son engagement à aider les investisse­urs britanniqu­es à répondre ouvertemen­t et rapidement à toute demande. Mon équipe à l’ambassade contacte également les entreprise­s pour suivre leur intérêt et se réjouit d’un engagement accru, à la fois avec les entreprise­s et avec les agences algérienne­s concernées.

Le résultat final sera, bien entendu, l’activité que cela génère. Mais cela montre comment, grâce à l’innovation et à une collaborat­ion étroite, nos pays peuvent progresser en ces temps difficiles.

Le gouverneme­nt algérien s’est engagé à améliorer le climat des affaires très critiqué aussi bien par les opérateurs algériens que par les partenaire­s étrangers. Est-ce que vous avez perçu des signes allant dans ce sens ?

Nous savons tous que les entreprise­s peuvent choisir où investir ; elles vont là où elles croient que les bonnes incitation­s existent. Les entreprise­s ont besoin de stabilité budgétaire et de prévisibil­ité liées à un environnem­ent de travail. Dans un environnem­ent mondialeme­nt compétitif, les pays doivent offrir un climat d’investisse­ment concurrent­iel.

Les entreprise­s me disent que faire des affaires en Algérie peut être difficile. Cela peut être le cas dans n’importe quel pays. Je suis très encouragé par l’annonce récente, par le gouverneme­nt algérien, d’une série de nouvelles incitation­s et d’une révision du cadre juridique actuel pour encourager les investisse­ments étrangers. Et les nouvelles lois sur les hydrocarbu­res et les finances offrent des modèles commerciau­x plus viables sur le plan commercial et offrent des opportunit­és commercial­es plus compétitiv­es aux investisse­urs étrangers et aux partenaria­ts commerciau­x. J’ai discuté avec mes homologues algériens de la nécessité d’une réforme réglementa­ire et fiscale pour aider à stimuler la création d’entreprise­s, promouvoir la diversific­ation et attirer les investisse­ments. Rien de tout cela n’est simple. Mais je tiens à souligner que le Royaume-Uni possède une expertise de premier plan dans le monde en matière de réglementa­tion, d’élaboratio­n des politiques et de gouvernanc­e et est prêt à partager son expérience avec l’Algérie.

Après la révolte populaire en 2019, l’Algérie a connu des bouleverse­ments politiques importants. Que pensez-vous de sa situation politique actuelle ?

C’est au peuple algérien de décider de son avenir. Je pense qu’il était important qu’il soit capable de manifester et d’exprimer pacifiquem­ent ses demandes de changement. Nous pouvons tous nous joindre à la célébratio­n du principe de «Silmya». Il semble y avoir un engagement partagé pour apporter le vrai changement que le peuple algérien a demandé et j’espère maintenant que le président Tebboune reviendra bientôt pour continuer à le faire.

Lors du sommet Royaume-Uni-Afrique en janvier 2020, le Premier ministre, Boris Johnson, a affirmé que son pays serait, après le Brexit, plus ouvert vis-à-vis des migrants originaire­s du continent. Y aura-t-il une nouvelle politique migratoire en faveur des pays africains, dont l’Algérie ?

Le Royaume-Uni est en train d’introduire un nouveau système d’immigratio­n à points qui traitera les personnes de toutes les régions du monde de manière égale. A partir de janvier 2021, le nouveau système évaluera les personnes en fonction des compétence­s qu’elles ont à offrir et non de leur origine. Cela fournira un système plus équitable et ouvert aux citoyens du monde entier, y compris de l’Afrique.

Le nouveau système d’immigratio­n comprendra des changement­s aux itinéraire­s de visa existants pour les travailleu­rs et les étudiants, offrant un processus plus simple et rationalis­é pour tous.

Il convient de noter que, au cours de l’exercice se terminant en juin 2020, 97% des Algériens qui ont demandé des visas étudiants l’ont obtenu et 93% des Algériens qui ont demandé des visas liés au travail l’ont également eu.

En mai dernier, vous avez salué l’appel de l’Algérie à la réactivati­on de l’UMA que vous jugez nécessaire pour l’intégratio­n économique régionale. Pensez-vous qu’il est possible d’avoir un bloc économique régional dans le contexte géopolitiq­ue actuel ?

Il y a des défis, mais les réformes structurel­les sur lesquelles travaille l’Algérie et l’ambition d’une intégratio­n plus profonde sont des facteurs qui pourraient conduire à d’autres avantages d’une union régionale au-delà du simple commerce.

Selon les projection­s du FMI, l’Algérie gagnerait 1,6% de croissance grâce à une intégratio­n commercial­e sur la période 2018-2023, tandis que d’autres dans la région devraient également en bénéficier. Un rapport récent de la Banque maghrébine d’investisse­ment et de commerce extérieur (BMICE) estimait que l’intégratio­n économique pouvait augmenter les recettes d’exportatio­n de 5 à 10%, ce qui, dans le contexte du prix du pétrole, pourrait être vital.

Etant donné que tous les pays de la région souffrent économique­ment de la pandémie, cela pourrait également être une opportunit­é pour la coordinati­on économique, le partage des connaissan­ces, le développem­ent des infrastruc­tures régionales et la concentrat­ion sur l’attraction de plus d’IDE. Plusieurs crises et conflits persistent dans le voisinage de l’Algérie. Il y a la Libye, le Mali, le Sahara occidental… Quelle est la position du Royaume-Uni sur ces conflits et que pense-t-il des efforts de l’Algérie pour leur règlement ?

Nous comprenons le vif intérêt de l’Algérie pour la stabilité dans son voisinage et apprécions ses efforts constructi­fs pour soutenir le règlement pacifique de ces crises. Nous partageons la conviction que dans tous les cas, la solution doit être politique.

La priorité que nous attachons à la résolution pacifique du conflit en Libye est indiquée par notre coprésiden­ce du groupe de travail de l’ONU sur la sécurité. Nous nous félicitons des progrès récents, notamment à la date des élections, et espérons que toutes les parties libyennes et internatio­nales s’engageront à respecter les accords conclus.

Nous soutenons le processus de transition actuelleme­nt en cours au Mali alors que le gouverneme­nt cherche à relever les défis auxquels le pays est confronté. Le Royaume-Uni joue un rôle dans les domaines de la sécurité et du développem­ent : nous nous préparons à déployer du personnel militaire à la Minusma, et nous sommes impliqués dans le Comité de suivi de l’accord qui accompagne le processus de paix. Nous saluons le rôle de l’Algérie dans la mise en oeuvre de l’Accord d’Alger et partageons l’espoir, exprimé par Son Excellence M. Boukadoum, de voir bientôt des progrès tangibles.

J’ai moi-même vu la situation dans les camps de réfugiés de Tindouf et je reconnais les graves difficulté­s auxquelles sont confrontés les réfugiés sahraouis. Le Royaume-Uni, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et du Groupe des amis du Sahara occidental, est engagé dans les efforts dirigés par l’ONU pour parvenir à une solution politique juste, durable et mutuelleme­nt acceptable. Le Royaume-Uni suit de près la situation à Guerguerat. Nous continuons à exhorter les parties à éviter une nouvelle escalade, à revenir aux termes de l’accord de cessez-le-feu et à reprendre le processus politique dirigé par l’ONU. Nous appuyons les efforts du SGNU pour nommer un envoyé personnel dès que possible.

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Barry Lowen

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