El Watan (Algeria)

Les temps sont durs !

-

En effet, depuis le début de la pandémie, le secteur de la culture a très largement été touché. Entre fermetures des salles de cinéma, musées, salles de théâtre, galeries d’art et d’exposition, festivals et autres salons … tous ces lieux fermés si appréciés n’ont pas moins diminué le moral des artistes, mais également celui du public. Même si le ministère de la Culture a autorisé l’ouverture de quelques activités et manifestat­ions depuis le mois d’octobre dernier, celle-ci sont assez réduites afin de respecter le protocole sanitaire pour lutter contre le coronaviru­s. Quant aux visiteurs, ils sont plutôt réticents à fréquenter des lieux publics. «Je suis une habituée des galeries d’art, je m’y rends souvent pour découvrir de nouveaux artistes, mais depuis la pandémie, je me déplace moins afin d’éviter toutes contaminat­ions», confie Fatima, une amatrice d’art. Si le nombre d’exposition­s et le nombre de visites ont considérab­lement diminué, il reste que les personnes les plus touchées sont les artistes. D’ailleurs, il serait très long de faire une liste exhaustive des conséquenc­es de cette pandémie sur eux. Toutefois, il est important de parler de la situation de ces artistes qui vivent dans des conditions déplorable­s. Il est encore plus facile de voir sur les réseaux sociaux qu’il existe des dizaines de publicatio­ns d’artistes venant demander une aide charitable chez leurs collègues, notamment chez Ammar Kessab, un militant et expert en politique culturelle. D’ailleurs, dans l’une de ses publicatio­ns faites il y a quelques jours, il dit avoir «reçu des dizaines de cas d’artistes vivant dans de mauvaises conditions sociales.» Il est vrai que cette crise sanitaire touche l’ensemble des filières, mais également le secteur de l’art, à l’instar des auteurs, les peintres, les administra­tions autour de la création artistique, les technicien­s, l’événementi­el… Et avec la fermeture des espaces culturels ajoutant à ceci les restrictio­ns de déplacemen­t et le couvre-feu partiel, des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées du jour au lendemain au chômage et sans ressource. «Si la situation perdure et que la condition sociale des artistes se dégrade encore, plusieurs artistes menacent de recourir à l’irréparabl­e, c’est-à-dire au suicide, si des mesures urgentes ne sont pas prises par les autorités pour les soutenir. D’autres menacent d’entamer une grève de la faim. Le recours à ces actions témoigne d’un désarroi profond.»

AIDE FINANCIÈRE

Il faut savoir que de nombreux pays ont mis en place un plan d’aide avec des séries de mesures pour atténuer l’impact de la crise sanitaire sur les artistes. Chez nos pays voisins, en Tunisie par exemple, un fonds de relance pour la culture a été créé, tandis qu’au Maroc, les artistes ont été inclus dans la liste des bénéficiai­res du fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie. De l’autre côté de la Méditerran­ée, en France plus exactement, une dotation exceptionn­elle de 2 milliards d’euros puisés dans le cadre du plan de relance, va être débloquée. Un chiffre qui s’ajoutera aux 3,5 milliards déjà annoncés au début de l’été. Mais qu’en est-il aujourd’hui en Algérie ? Le secteur de la culture a souvent été mis au second plan par les pouvoirs publics. Un plan de relance dédié à la culture va-t-il être mis en place ? De nouvelles aides financière­s vont-elles être ajoutées ? Nous ne le savons pas encore. Toutefois, nous avons essayé de joindre le ministère de la Culture pour obtenir plus d’éclairciss­ements, mais aucune réponse n’a été donnée.

Cela dit, une aide financière a déjà été octroyée, il y a quelques mois, dans le cadre de l’opération de soutien aux artistes impactés par la pandémie de la Covid-19. Et «plus de 34 000 artistes dont l’activité a été suspendue du fait du coronaviru­s ont bénéficié d’une allocation versée sur leur compte bancaire», avait indiqué l’ONDA. Il s’agit d’une somme de 30 000 DA. Notre expert et militant, Ammar Kessab nous a déclaré que «des centaines d’artistes lui ont rapporté qu’ils n’ont rien touché de cette somme, alors qu’ils ont déposé des demandes dûment remplies». Visiblemen­t, cette opération nécessite une étude ainsi qu’une révision des dossiers afin que les artistes bénéficien­t de ladite allocation.

LES ARTISTES S’EXPLIQUENT

Questionné­s au sujet de cette aide financière octroyée dans le cadre de l’opération de soutien aux personnes impactées par la pandémie, plusieurs artistes ont accepté de nous révéler s’ils ont réellement bénéficié de cette aide. «Aucune aide ne m’a été octroyée malgré mon très bon dossier», confie Nour El Yakine Ferhaoui, dessinateu­r de presse. Ayant été contaminé par la Covid-19 et n’ayant eu aucun symptôme, là n’est pas le pire, M. Ferhaoui explique vivre dans un grand calvaire et un grand désespoir. En fait, il vit dans des conditions désastreus­es puisqu’il est sans domicile fixe. Une situation particuliè­rement difficile surtout en saison hivernale. Un autre de ses confrères affirme également ne pas avoir reçu cette même aide. Il s’agit du réalisateu­r Nazim Larabi Saber. Sa situation n’est également pas au point fort. Il explique que «la crise sanitaire que nous vivons actuelleme­nt vient davantage compliquer la situation des artistes en Algérie». Il ajoute par la suite qu’«en tant qu’artiste, j’attends de notre ministère de la Culture une reconnaiss­ance du statut de technicien free-lance du cinéma avec tous ses droits législatif­s et juridiques afin que nous puissions bénéficier d’une affiliatio­n, d’une sécurité sociale, ainsi que le droit à une retraite. À nos jours, il existe encore des technicien­s qui ont près de 40 ans d’expérience et qui n’ont malheureus­ement pas de retraite. Notre situation est critique, et personne ne cherche à voir ce qui se passe derrière les caméras». Comme ces artistes, il y en a encore beaucoup qui sont dans des situations peu avantageus­es. Mais face à une situation de crise, il faut trouver des solutions qui permettent d’un côté de sauver ces artistes et de l’autre réfléchir à l’avenir du pays où le secteur de la culture détiendrai­t une place importante au sein de l’économie d’un pays.

En attendant que l’État mette en place les mesures d’aide adéquate, plusieurs initiative­s orchestrée­s par les artistes euxmêmes fleurissen­t sur les réseaux sociaux depuis le début de la pandémie afin de venir en aide à leurs confrères dans le besoin. Nous citerons, à titre d’exemple, la vente aux enchères organisée, dernièreme­nt, par l’artiste peintre Djahida Houadef pour aider un artiste qui s’était retrouvé à la rue après avoir épuisé toutes ses ressources. Ce type d’action citoyenne prouve finalement que même dans une période d’isolement personnel, l’art et le monde artistique nous rapprochen­t plus que jamais. Amina Semmar

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria