El Watan (Algeria)

Yasmina Gharbi-Mechakra, une écrivaine «témoin» s’en est allée

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Son ouvrage, inspiré de cas réels, est un plaidoyer pour l’émancipati­on des femmes. Après une carrière de 34 ans dans l’éducation, elle s’investit dans les causes sociales, particuliè­rement contre le phénomène de la violence faite aux femmes. De son expérience, à travers le prisme d’un centre d’écoute fréquenté par des femmes en détresse à Constantin­e, il ressort un témoignage poignant tissé de pans de vérité, de douleur, de vécu et de refus de soumission. «Ce livre est un hommage à toutes les femmes qui ont fréquenté le centre d’écoute Nedjma. Celles qui sont venues pour ‘vider leur sac’ parce qu’elles n’en pouvaient plus», a-telle écrit. Elle a réussi à dépeindre ce rapport de force qui régit les relations sociales et familiales. Par le truchement d’un récit saisissant, elle rappelle la fragilité sociale et statutaire de la femme algérienne : «Ils pensent que les femmes veulent tous les droits et ils ont peur pour les leurs. Or, cette prétendue expansion des femmes n’est qu’un acte de survie, une voix qui veut exister, être reconnue comme différente, mais respectée.» L’héroïne de cette synthèse

l’écrivaine Yasmina Gharbi-Mechakra

de la condition des femmes s’appelle Sonia. Victime du poids des traditions d’une société qui ne lui reconnaît qu’un rôle domestique. Elle passera de statut de belle-fille à celui de bru, sans que le spectre de la violence s’éloigne. Mariée à seize ans, elle changera de domicile parental, devenu un lieu de supplice, entre un père en retrait et une belle-mère tyrannique qui l’éduque «physiqueme­nt», à celui conjugal qui n’est pas si différent du premier. Car la maltraitan­ce va la poursuivre, s’accentuer et devenir permanente. Mourad, le mari, la «corrige» parce qu’elle a manqué de respect à sa mère, aspire à poursuivre ses études, ou veut prendre son destin en main. Au fait, il n’avait pas besoin de prétexte. Son ego de mâle en prend un coup à chaque fois qu’il est confronté aux velléités d’affranchis­sement de sa femme. N’a-t-elle pas fugué au lendemain de son mariage pour aller passer le bac ? Tiraillé entre un mode d’éducation patriarcal et une rébellion latente qui risque de le bousculer dans ses certitudes, arborées depuis toujours par son environnem­ent, il laissera déborder son agressivit­é. Sa femme devient son souffre-douleur, celui de la belle-famille avec laquelle elle cohabite.

Elle ne se résignera jamais à cette situation, veut s’affranchir de cette tutelle imposée. C’est aussi une histoire plurielle, dépourvue de clichés, celle de toutes les femmes harcelées, violentées ou martyrisée­s. Yasmina est partie pendant la semaine dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Son roman n’a pas pris une ride depuis sa publicatio­n, en 2017. La liste des victimes de ce phénomène s’allonge chaque jour.

Depuis le début de l’année, le décompte macabre établi par les associatio­ns féministes fait état de 43 féminicide­s. L’écrivaine, native de Meskiana, s’en est allée, laissant en legs un témoignage sur ces nombreuses «Sonia».

Naïma Djekhar

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