Le syndrome du troisième mandat
Quelque 2,5 millions d’électeurs sont appelés à approuver demain ou non huit amendements à la Constitution de 1986. Une consultation qui inquiète l’opposition : voir le président George Weah briguer un jour un troisième mandat après avoir revu la Constitution, comme l’ont fait récemment ses homologues de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, des pays voisins, Alpha Condé et Alassane Ouattara. Un des amendements prévoit la réduction de la durée du mandat présidentiel de six à cinq ans. La révision proposée réduit, également, la durée des mandats des députés et des sénateurs, respectivement de six à cinq ans et neuf à sept ans. Le référendum du 8 décembre est couplé avec les élections sénatoriales de mi-mandat. Depuis l’élection de George Weah, la situation économique du pays, l’un des plus pauvres du monde, s’est encore aggravée, en raison notamment de la crise du coronavirus,
«Il briguera un troisième mandat simplement parce que ses six premières années se seraient déroulées sous une autre Constitution. Voter oui au référendum serait une erreur», a indiqué le sénateur d’opposition Darius Dillon, cité par l’AFP. En évoquant une «remise à zéro» de son compteur présidentiel, le président Weah pourrait non seulement se représenter en 2024 pour un second mandat (de cinq ans), mais aussi encore une fois en 2029. Ce qui rendrait possible sa présidence jusqu’en 2034. Son entourage affirme qu’il «ne pense pas à un troisième mandat», alors qu’il n’a même pas achevé le premier. «Je pense sincèrement que garder quelqu’un au pouvoir pendant une longue période n’est pas la chose à faire», a déclaré le Président lui-même lors d’un meeting de campagne la semaine dernière, en appelant ses partisans à dire «oui» à la réduction à cinq ans de la durée du mandat présidentiel.
Une alliance des quatre principaux partis de l’opposition, les Collaborating Political Parties (CPP), a estimé que peu d’électeurs comprennent la portée des changements proposés et a appelé à boycotter le référendum. «On ne sait même pas quelles sont les conséquences de voter oui ou non», a déclaré un dirigeant de la coalition d’opposition, Mohammed Aly. La révision constitutionnelle vise aussi à modifier les règles en matière de nationalité, une question qui continue à diviser la société du Liberia, plus ancienne République d’Afrique noire fondée au XIXe siècle sous l’impulsion des Etats-Unis pour des esclaves noirs affranchis, dont les descendants ont dominé la vie politique pendant 170 ans. Alors que la double nationalité est interdite depuis 1973, le projet de nouvelle Constitution prévoit que tout enfant né d’au moins un parent libérien serait automatiquement un «citoyen naturel» du pays et qu’il aurait le droit de détenir une autre nationalité.
Ces bi-nationaux n’auraient pas le droit d’accéder à certaines hautes fonctions, notamment électives, mais ils seraient autorisés à accéder à la propriété au Liberia, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent. De nombreux membres de l’élite américano-libérienne sont également et secrètement citoyens des Etats-Unis. La population «autochtone» leur reproche d’appauvrir le pays en utilisant l’argent qu’ils gagnent au Liberia pour se construire des propriétés aux Etats-Unis.