Les chauffeurs de taxi lourdement impactés
Dimanche dernier, plus de 300 chauffeurs de taxi ont manifesté au centre-ville de Constantine à l’initiative de l’Union générale des commerçants algériens pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur triste condition .
Lotfi B. est chauffeur de taxi de ligne basé à Constantine. Depuis le 14 mars, son taxi est immobilisé sur décision du gouvernement, dans le cadre des mesures de lutte contre la Covid-19. Comme les 70 000 chauffeurs de taxi de ligne interwilayas, Lotfi a perdu son unique source de revenu. «Je n’ai pas vu venir cette situation. Je gagnais bien ma vie, et du jour au lendemain, j’ai perdu mon travail et mes revenus», confie-t-il à El Watan. Comme la majorité des Algériens, il ne se doutait pas que l’épidémie allait s’inscrire dans la durée entraînant la prolongation de la suspension de son activité. Les conséquences sont désastreuses. Au bout de neuf mois de chômage, Lotfi, âgé de 37 ans, marié et père d’une fille, est passé sous le seuil de pauvreté. «J’ai d’abord consommé toutes mes économies, et ensuite j’ai dû ouvrir des ardoises chez les épiciers et les marchands de fruits et légumes du quartier pour ne pas mourir de faim. Je vivote aussi grâce à l’aide des amis et des proches, mais ce n’est pas suffisant», dit-il impuissant.
Comme tous ses collègues, Lotfi pense que l’Etat a abandonné la corporation. La somme de 30 000 DA que le gouvernement a versée sur trois mois, durant l’été dernier, en guise d’aide aux chauffeurs de taxi, est insignifiante, affirme-t-il. De plus, les promesses d’une autre aide sous forme de dédommagement, dont le montant a été fixé à 30 000 DA/mois, tardent à être concrétisées après avoir été conditionnées par l’affiliation à la Casnos. De quoi accentuer la précarité de la corporation et sa défiance à l’égard des autorités. En octobre dernier, la Coordination des chauffeurs de taxi, affiliée à l’UGTA, avait exprimé son rejet de cette décision qualifiée de rédhibitoire. La coordination avait expliqué que cette condition éliminerait quelque 95% des chauffeurs du bénéfice de cette aide, selon Nacer Smida, le secrétaire général de la coordination de la wilaya d’Alger.
Des actions de protestation ont eu lieu le 19 octobre à Constantine, Sétif, Sidi Bel Abbès, Saïda, Mostaganem et d’autres wilayas. A Alger, le rassemblement tenu au siège de l’UGTA a été dispersé par les forces de l’ordre, et des arrestations ont été signalées parmi les organisateurs. Les manifestants revendiquaient, entre autres, la levée de la suspension de leur activité, mais le gouvernement est resté de marbre.
Dimanche dernier, plus de 300 chauffeurs de taxi ont manifesté au centre-ville de Constantine à l’initiative de l’Union générale des commerçants algériens. Encore une fois, ils ont exprimé l’état de paupérisation qu’ils subissent, et exigé une solution de la part du gouvernement pour leur permettre la reprise de leur activité. Comme leurs collègues des autres wilayas, les chauffeurs de taxi de Constantine ont profité de l’occasion pour revendiquer des solutions pour l’ensemble de leurs problèmes.
Parmi ces problèmes, la rareté des licences est posée par l’UGTA et ses 241 000 chauffeurs affiliés au niveau national, toutes catégories confondues.
Lotfi, qui exerce le même métier que son père, a aussi hérité de la licence d’exploitation louée auprès des ayants droit d’un moudjahid au prix de 9000 DA par mois. Et malgré le chômage auquel il est soumis, il doit honorer cette mensualité sous peine de voir son contrat résilié. A ce stade de paupérisation et d’absence de perspectives, Lotfi envisage sérieusement de changer de travail. Son métier est devenu trop précaire pour qu’il se risque, nous confie-t-il à la fin, à s’y fier davantage