Le front interne et l’adhésion de la population
Face au danger qui guette à nos frontières avec la reprise de la guerre entre le Maroc et le Front Polisario suite à la violation du cessez-le-feu par Rabat, les appels pour la constitution d’un front populaire interne se multiplient au niveau institutionnel, de la classe politique et de la société civile. L'enchaînement des événements politiques de ces derniers jours, marqués par des rebondissements et des repositionnements géopolitiques, cache mal la stratégie de l’escalade et de la confrontation multilatérale, voire de l’endiguement de l’Algérie, qui se met en place pour imposer le fait accompli colonial au Sahara occidental. Lorsqu’il est la cible d’attaques extérieures sur sa gouvernance politique et la question du respect des droits de l’homme, en dehors de ses clientèles traditionnelles, le pouvoir a toujours échoué dans ses tentatives récurrentes de bâtir une union sacrée, à travers une large mobilisation populaire. On l’a encore vu à la faveur de la dernière résolution du Parlement européen, où la vague de réprobation n’a pas dépassé le cercle restreint des partis et associations adossés au pouvoir. Les épanchements sur le patriotisme des uns et la trahison des autres nourris par le discours officiel et ses relais n’ont eu pour effet que de semer les germes de la division au sein du peuple en opposant, avec tous les risques que fait peser la manoeuvre sur la cohésion et l’unité nationales, ceux qui cherchent à défendre le pays et ceux qui oeuvrent pour sauver le pouvoir en place et le système. Le front interne ne se construit pas ex nihilo par des discours et des incantations politiques. Il faudra aujourd’hui avoir le courage politique de s’interroger pourquoi, face à des situations d’adversité auxquelles le pays s’est trouvé confronté, cette démarche n’arrive pas à fédérer les Algériens, par-delà leurs divergences et leurs sensibilités plurielles, autour de référents et d’objectifs partagés ? C’est une problématique de fond qui interpelle aujourd’hui, fortement, le pouvoir pour comprendre la sociologie politique du peuple et ses attentes. Lorsque le citoyen se sentira heureux de vivre dans son pays, il sera prêt à tous les sacrifices pour le défendre. Le Premier ministre Abdelaziz Djerad semble avoir compris l’enjeu de ce challenge existentialiste pour le pays dans ce contexte particulier menaçant sa stabilité et sa sécurité, en opposant aux visées extérieures de déstabilisation de l’Algérie la force du rassemblement national qui passe, selon lui, par la nécessité impérieuse de régler nos différends par nous-mêmes. Le plaidoyer fait dans ce sens mardi par M. Djerad, lors de son déplacement dans la wilaya de M'sila, laisse penser, s’il est sincère et dénué d’arrière-pensées, que le pouvoir s’apprêterait à lancer une initiative de dialogue national avec de nouveaux paradigmes politiques et en associant toutes les forces vives et agissantes du pays pour sortir de la crise. Fait-il allusion aux acteurs de l’opposition et du hirak qui sont restés en rade de la feuille de route du président Tebboune ? M. Djerad, qui s’est hasardé dans un domaine de compétence qui ne relève pas de ses prérogatives de Premier ministre, s’est-il fait, par rapport à cette offre de dialogue implicite, l’interprète du président Tebboune ? Ou d’autres cercles influents du pouvoir qui considèrent qu’il y a aujourd’hui nécessité d’ouvrir le jeu politique dans le sens du changement véritable souhaité par le peuple ? Le bilan d’étape mitigé d’une année du mandat présidentiel, la maladie du chef de l’Etat qui nourrit de sérieuses craintes de voir plonger le pays dans une nouvelle phase d’incertitude au sommet de l’Etat, l’accentuation des menaces à nos frontières sont autant de faits qui crédibilisent ce scénario.