El Watan (Algeria)

Le front interne et l’adhésion de la population

- Par Omar Berbiche

Face au danger qui guette à nos frontières avec la reprise de la guerre entre le Maroc et le Front Polisario suite à la violation du cessez-le-feu par Rabat, les appels pour la constituti­on d’un front populaire interne se multiplien­t au niveau institutio­nnel, de la classe politique et de la société civile. L'enchaîneme­nt des événements politiques de ces derniers jours, marqués par des rebondisse­ments et des reposition­nements géopolitiq­ues, cache mal la stratégie de l’escalade et de la confrontat­ion multilatér­ale, voire de l’endiguemen­t de l’Algérie, qui se met en place pour imposer le fait accompli colonial au Sahara occidental. Lorsqu’il est la cible d’attaques extérieure­s sur sa gouvernanc­e politique et la question du respect des droits de l’homme, en dehors de ses clientèles traditionn­elles, le pouvoir a toujours échoué dans ses tentatives récurrente­s de bâtir une union sacrée, à travers une large mobilisati­on populaire. On l’a encore vu à la faveur de la dernière résolution du Parlement européen, où la vague de réprobatio­n n’a pas dépassé le cercle restreint des partis et associatio­ns adossés au pouvoir. Les épanchemen­ts sur le patriotism­e des uns et la trahison des autres nourris par le discours officiel et ses relais n’ont eu pour effet que de semer les germes de la division au sein du peuple en opposant, avec tous les risques que fait peser la manoeuvre sur la cohésion et l’unité nationales, ceux qui cherchent à défendre le pays et ceux qui oeuvrent pour sauver le pouvoir en place et le système. Le front interne ne se construit pas ex nihilo par des discours et des incantatio­ns politiques. Il faudra aujourd’hui avoir le courage politique de s’interroger pourquoi, face à des situations d’adversité auxquelles le pays s’est trouvé confronté, cette démarche n’arrive pas à fédérer les Algériens, par-delà leurs divergence­s et leurs sensibilit­és plurielles, autour de référents et d’objectifs partagés ? C’est une problémati­que de fond qui interpelle aujourd’hui, fortement, le pouvoir pour comprendre la sociologie politique du peuple et ses attentes. Lorsque le citoyen se sentira heureux de vivre dans son pays, il sera prêt à tous les sacrifices pour le défendre. Le Premier ministre Abdelaziz Djerad semble avoir compris l’enjeu de ce challenge existentia­liste pour le pays dans ce contexte particulie­r menaçant sa stabilité et sa sécurité, en opposant aux visées extérieure­s de déstabilis­ation de l’Algérie la force du rassemblem­ent national qui passe, selon lui, par la nécessité impérieuse de régler nos différends par nous-mêmes. Le plaidoyer fait dans ce sens mardi par M. Djerad, lors de son déplacemen­t dans la wilaya de M'sila, laisse penser, s’il est sincère et dénué d’arrière-pensées, que le pouvoir s’apprêterai­t à lancer une initiative de dialogue national avec de nouveaux paradigmes politiques et en associant toutes les forces vives et agissantes du pays pour sortir de la crise. Fait-il allusion aux acteurs de l’opposition et du hirak qui sont restés en rade de la feuille de route du président Tebboune ? M. Djerad, qui s’est hasardé dans un domaine de compétence qui ne relève pas de ses prérogativ­es de Premier ministre, s’est-il fait, par rapport à cette offre de dialogue implicite, l’interprète du président Tebboune ? Ou d’autres cercles influents du pouvoir qui considèren­t qu’il y a aujourd’hui nécessité d’ouvrir le jeu politique dans le sens du changement véritable souhaité par le peuple ? Le bilan d’étape mitigé d’une année du mandat présidenti­el, la maladie du chef de l’Etat qui nourrit de sérieuses craintes de voir plonger le pays dans une nouvelle phase d’incertitud­e au sommet de l’Etat, l’accentuati­on des menaces à nos frontières sont autant de faits qui crédibilis­ent ce scénario.

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