El Watan (Algeria)

«Le pouvoir a mené le pays dans l’impasse»

● Pour sa première conférence de presse, animée hier à Alger après des mois de détention, Karim Tebbou se montre sans concession avec les tenants du régime qui ont mené, selon lui, le pays vers l’impasse.

- Madjid Makedhi

Le porte-parole de l’UDS et ancien détenu politique Karim Tabbou tacle violemment le pouvoir. Pour sa première conférence de presse animée hier à Alger après des mois de détention, l’homme se montre sans concession avec les tenants du régime qui ont mené, selon lui, le pays vers l’impasse. «Malheureus­ement, le pays est en panne», affirme-t-il en réponse à une question sur l’attitude du pouvoir qui continue, comme le confirme la dernière déclaratio­n du président Abdelmadji­d Tebboune, à mettre en oeuvre sa feuille de route. Pour Karim Tabbou, «la feuille existe, mais la route non», déplorant le fait de vouloir galvauder «cette formidable dynamique du hirak qui réclame un changement radical et général». «Le peuple a donné deux garanties importante­s pour cela : le pacifisme et l’unité. Est-ce qu’on peut avoir plus que cela pour enclencher le changement voulu ?» demande-t-il. Selon lui, «l’Algérie est en panne, et l’unique solution pour la remettre en marche est de sortir du bricolage». Ce faisant, il fait une rétrospect­ive de la situation politique nationale en rappelant l’origine de cette crise qui perdure. «Une année après le coup de force électoral du 12 décembre 2019, notre pays est plongé dans une crise politique profonde. L’impasse est totale et les risques pour l’avenir de génération­s entières sont réels ; blocage institutio­nnel, crise économique, marasme social, tous les signaux sont au rouge et le peuple algérien vit une réelle inquiétude pour son avenir», lance-t-il. Il s’attarde, dans la foulée, sur l’attitude du pouvoir. «Dans une position frôlant la menace et le chantage, le pouvoir a refusé toute idée de transition et de changement. Il a imposé un processus de faux dialogue, de fausses représenta­tions et de fausses élections, avec pour résultat un pays à l’arrêt ! Un nouvel épisode de l’ère Bouteflika est en cours avec quelques maquillage­s de surface», affirme-t-il.

«POUR UNE ASSEMBLÉE CONSTITUAN­TE»

Poursuivan­t, Karim Tabbou expose sa vision «pour nous sortir de cette impasse et redonner de l’espoir à cette jeunesse» et exige «un changement profond, radical et immédiat». Trois impératifs politiques constituen­t, indique-t-il, «le consensus national sans lequel aucune autre solution ne peut être fiable». Il s’agit, dit-il, d’engager le pays dans un processus politique rassembleu­r et inclusif devant aboutir à la mise en place d’un Etat de droit, prendre toutes les mesures pour consacrer l’indépendan­ce de la justice et mettre en place un mécanisme électoral transparen­t et démocratiq­ue qui garantira la consécrati­on entière de la souveraine­té populaire.

«Un tel processus apportera les solutions aux questions essentiell­es de la vie de la nation, à savoir : l’espoir, la confiance et la justice», dit-il. Rappelant que le changement est une revendicat­ion populaire et une exigence historique, il estime que «l’élection d’une assemblée nationale constituan­te souveraine pourrait être l’acte fondateur, voire l’un des jalons de la constructi­on d’une Algérie libre, prospère, sociale et démocratiq­ue».

LES DIX DÉPASSEMEN­TS ET VIOLATIONS DE LA LOI

Il insiste, dans ce cadre, sur «des révisions déchirante­s et sans complaisan­ce dans le mode de gestion des affaires de l’Etat».

Celle-ci consiste, selon lui, à mettre fin au règne de l’absurde, de la médiocrité et de la politique du mensonge, aux régionalis­mes et à la gestion clanique des affaires du pays, à la confiscati­on du pouvoir et des institutio­ns de l’Etat, aux fausses représenta­tions politiques et sociales ainsi qu’à la dilapidati­on des biens et des richesses nationales. Après avoir abordé le volet politique, Karim Tabbou cède la parole à ses avocats pour évoquer les 10 dépassemen­ts et violation de la loi lors de son arrestatio­n et de son emprisonne­ment. Parmi eux, ils citent le fait que les éléments de la Sécurité intérieure qui l’ont interpellé chez lui, le 11 septembre 2019, n’avaient pas informé le procureur, comme ils n’ont pas respecté les exigences de la loi portant sur l’envoi de deux convocatio­ns au concerné avant de l’arrêter. La décision de la chambre d’accusation près le tribunal de Koléa qui a privé Karim Tabbou de ses droits au moment de sa remise en liberté en septembre 2019 constitue aussi une autre violation. A l’occasion de sa deuxième interpella­tion, un autre dépassemen­t est commis. Il s’agit de sa présentati­on devant le procureur près le tribunal de Sidi M’hamed qui n’est pas territoria­lement compétent. Soulignant que le juge a même demandé une enquête sur les biens de Karim Tabbou «depuis l’âge de 11 ans», les avocats dénoncent «une volonté de vengeance». «Sinon comment expliquer le fait qu’il soit arrêté cinq mois après sa déclaratio­n à Kherrata, et l’engagement de deux poursuites à son encontre pour les mêmes faits», relèvent-ils, en dénonçant le silence de la justice sur «les violences subies par le militant Karim Tabbou au centre des services de sécurité connu sous le nom de Antar».

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Karim Tabbou lors de sa conférence de presse

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