UN BERCEAU DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE À PROTÉGER, MAIS...
Les zones humides sont parmi les milieux les plus productifs du monde. Elles sont le berceau de la diversité biologique», affirme Abdelhakim Bouzid, chercheur en conservation des zones humides et enseignant à l’université de Ouargla. Elles jouent également un rôle capital dans l’atténuation des changements climatiques car elles aident à gérer les phénomènes météorologiques extrêmes en jouant le rôle de tampons contre les crues et les ondes de tempêtes côtières et en fournissant de l’eau en temps de sécheresse. D’ailleurs, Abdelhamid Hamdani, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, a reçu, il y a quelques jours, la représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en Algérie, Blerta Aliko. Lors de cette rencontre, ils ont, entre autres, évalué l’état d’avancement de la mise en oeuvre initiale du plan de gestion intégrée du complexe de zones humides Guerbes-Sanhadja situé Skikda : réhabilitation et valorisation à travers l’utilisation à travers l’utilisation rationnelle des ressources en eau. D’ailleurs, le projet d’élaboration d’un plan de gestion intégrée du site Ramsar du Complexe des zones humides de Guerbes-Sanhadja à Skikda a été initié en 2007 au travers d’un partenariat entre le gouvernement algérien et le PNUD et le WWF et clôturé en 2017. Notez que le complexe forme une large plaine côtière de plus de 42 000 ha, caractérisée par des dunes avec des lacs et marais comprise en Skikda et Chetaibi.
RICHESSES
A savoir que les zones humides sont des communautés biotiques uniques, comprenant diverses plantes et animaux, qui sont adaptées à des régimes hydrologiques peu profonds et souvent dynamiques. Ce sont, selon M. Abdelhakim Bouzid, des zones terrestres qui sont périodiquement inondées ou couvertes d’eau. Il s’agit de la présence d’eau à la surface ou près de la surface du sol (sol engorgé d’eau). Ces écosystèmes peuvent être, selon le chercheur, naturels ; tels que les lacs, les étangs, les marais, les marécages, les fleuves, les rivières et les oueds ; ou artificiels, tels que les barrages, les bassins de décantations (stations d’épuration) et les palmeraies (oasis). «La nature de l’eau est variable, notamment en ce qui concerne la salinité ; elle peut être douce, saumâtre ou salée», précise M. Abdelhakim Bouzid. Ajoutant que d’autres paramètres entrent dans la typologie des zones humides, comme la profondeur, la vitesse d’écoulement et la position géographique. Il existe aussi des zones humides particulières, telles que les gueltas (Hoggar et Tassili), les mangroves et les estuaires. Pour ce qui est de l’Algérie, M. Abdelhakim Bouzid assure que la diversité des zones humides (lacs, marais, marécages, oueds, chotts, sebkhas, gueltas, barrages, stations d’épuration et oasis) témoigne d’une richesse importante et variée.
CARTOGRAPHIE
En termes de chiffre, l’Algérie compte, selon le chercheur, près de 2400 zones humides, dont 2000 sont naturelles. «On a pu classer 50 dans la convention de Ramsar (zones humides à importance internationale) couvrant une superficie avoisinant 3 millions
d’hectares», affirme-t-il. Toutefois, ce recensement reste, de l’avis du chercheur, toujours imprécis car chaque année, on observe l’apparition de nouvelles zones humides (ruptures au niveau des collecteurs de drainage, construction de nouveaux barrages et de stations d’épuration ainsi que la remontée des eaux de la nappe phréatique) et la disparition d’autres (assèchement, drainage, etc.). C’est d’ailleurs l’une des raisons qui rend la cartographie de ces zones essentielle. A cet effet, M. Abdelhakim Bouzid assure que la cartographie des zones humides est indispensable pour évaluer et conserver ce patrimoine très précieux. «Malheureusement, on n’a pas encore pu cartographier toutes les zones humides nationales, et nous nous sommes limités aux zones humides d’importance internationale (selon la convention de Ramsar)», précise-t-il. Et s’il est essentiel de les protéger, c’est car elles offrent des services environnementaux divers, notamment la réduction des risques d’inondation et l’atténuation de la sévérité des climats (température, vent, etc.).
BRACONNAGE
«Elles surtout abritent par une une biodiversité végétation particulière importante, (hygrophile représentée et halophile) et une faune diversifiée», ajoute M. Abdelhakim Bouzid. Cette dernière est composée, selon lui, d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens, de reptiles et de poissons. On trouve même des macroinvertébrés, des champignons et des lichens. «Beaucoup de bio-indicateurs informent sur l’état des zones humides, parmi les plus visibles et répandus les oiseaux d’eau», précise-t-il. Malheureusement, les zones humides restent parmi les écosystèmes les plus menacés du monde. De l’avis de M. Abdelhakim Bouzid, elles le sont, ou du moins en partie, en raison, des productions offertes par ces écosystèmes. «La pression est énorme ce qui induit une fragilisation de ces espaces et les rendent vulnérables», soutient-il. Toutefois, si quelques zones humides sont protégées par des conventions et des accords, le chercheur se
désole : «En réalité, il n’y a aucune protection. Les braconnages, la collecte des oeufs, la destruction des habitats, la surchasse, la surpêche, le rejet des eaux usées, la décharge des gravats issus des démolitions d’habitations… sont une monnaie courante». Ce dernier appelle d’ailleurs à appliquer les stratégies existantes : «Les stratégies existent ! Nous pouvons citer les plans de gestion préparés par les services de forêts mais qui demandent une application effective et un suivi rigoureux.»
Les zones humides sont des écosystèmes-clés, riches en biodiversité et en carbone, qui jouent un rôle important pour prévenir et réduire l’impact des catastrophes naturelles. Malheureusement, leur état continue à se dégrader partout dans le monde. Les activités humaines y sont pour beaucoup dans sa dégradation. Elles jouent même un rôle déterminant dans l’altération de ces milieux. Plus elles sont nombreuses au sein d’un site humide ou de son bassin versant, plus son état écologique et fonctionnel et les services qu’il rend se dégradent.