«L’espoir est un acte de résistance»
Médecins, enseignants, hommes de loi, défenseurs des droits de l’homme, acteurs et militants politiques, tous espèrent que l’année 2021 sera celle de l’«endurance» pour réussir à rester à flot et refuser de céder à la fatalité. Tous ont rappelé que l’année qui vient de s’écouler était pénible, mais qu’il faut continuer à avancer et à espérer. Maître Noureddine Benissad, avocat et défenseur des droits de l’homme, parle d’une année 2020 qui était «un sale temps» pour les droits de l’homme au vu des atteintes répétées, selon lui, aux droits humains, notamment avec la répression qui s’est abattue sur des militants politiques, associatifs, blogueurs ou simplement des personnes qui n’ont fait qu’exercer leur métier de journaliste ou exprimer leur opinion, et les milliers de personnes impactées dans leurs droits économiques et sociaux par la crise sanitaire de la Covid-19. Mais malgré tous ces «reculs» en matière des libertés, l’espoir, de l’avis de Me Benissad, est permis car aucune perspective ne peut être envisagée dans une société sans un SMIG de droits.
Hakim Belahcel, militant et acteur politique, pense que le peuple algérien, éprouvé par plusieurs décennies de mépris et déni de ses droits et de sa liberté, accueille le Nouvel An dans un contexte politique national «figé et incertain», entouré d’un bourbier régional explosif et d’une cascade de bouleversements géostratégiques mondiaux menaçants. «Notre rôle de militants politiques engagés dans un parti d’opposition historique à l’ordre établi (FFS), c’est justement d’être un gisement de lucidité et d’espérance pour résister à la fatalité et construire des alternatives politiques et sociales au statu quo imposé par les tenants du pouvoir dans le pays. L’Algérie, dit-il, à toutes les chances de s’en sortir victorieuse si nous parvenons à construire un vrai rapport de force sociopolitique.» «Notre pays se retrouve aujourd’hui à la croisée des chemins entre un avenir fait de sécurité démocratique et de liberté ou des perspectives sombres d’une reproduction d’un régime centré sur lui-même et isolé du monde. Puisse l’année 2021 être celle d’un retour à la raison politique et à la sagesse chez les dirigeants de fait», espère Belabbas, qui rappelle que les Algériens ont trop souffert de voir leur pays à la traîne dans tous les domaines et à tous les niveaux. Il est plus que temps, assure-t-il, de mettre en place les fondations de l’Etat de droit et de progrès.
L’année 2020 restera, pour Abdelwaheb Fersaoui, président du RAJ, gravée dans la mémoire des Algériens : des séquelles sur le plan politique, économique, social. Une année marquée, recense-t-il, par la répression, l’interpellation et l’emprisonnement arbitraires de centaines d’Algériens, les atteintes aux libertés.
«ANNÉE DE RATTRAPAGE» ?
Fersaoui espère que 2021 sera l’année de la réalisation des objectifs du hirak, une «année de rattrapage et de construction démocratique, avec plus de solidarité, de synergie et de jonctions entre les dynamiques dans la société». «Je reste optimiste que le peuple algérien puisse relever ce défi, comme il a déjà montré. J’espère que le pouvoir cessera son entêtement et sa politique du fait accompli et se rendra compte que le changement démocratique du régime est une nécessité historique et inéluctable», tranche-t-il.
Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), n’est guère optimiste. Il reste persuader que l’impact de la situation sanitaire exceptionnelle que nous vivons va perdurer et que les Algériens auront encore à subir ses conséquences durant l’année 2021, car la maîtrise, dit-il, des indicateurs de santé rattachés à la pandémie évolueront en fonction de paramètres endogènes, propres à notre pays, et d’autres exogènes en raison de la réussite des campagnes de vaccination, de la relance économique mondiale et des déplacements des marchandises et des populations que cela va engendrer. «Nous devons réorganiser l’offre de soin, ou plutôt le parcours des soins de manière à dédier un ensemble de structures sanitaires hospitalières et extra-hospitalières à la prise en charge des cas avérés ou suspects d’atteinte à la Covid19 avec des effectifs pluridisciplinaires de personnel soignant affectés uniquement à la prise en charge de ces cas. Cela, permettrait la continuité pour d’autres activités de soins aussi nécessaires qu’indispensables aux malades qui souffrent d’autres pathologies», observe Merabet.
Président du syndicat de l’éducation Snapest, Meziane Meriane, qui craint qu’avec la dévaluation du dinar, les travailleurs perdent beaucoup d’acquis sociaux, considère néanmoins que l’espoir existe, mais seulement s’il y a une volonté de sauver l’Algérie au lieu de sauver le système politique qui a mené le pays vers le désastre économique que l’on vit. «Le problème provient du système politique et non pas des hommes. Prendre un virage progressivement pour rendre la parole au peuple, avec une véritable transparence dans la gestion des deniers publics, une visibilité politique et recréer une symbiose entre les gouvernés et les gouvernants pour affronter l’avenir, avec la liberté de la presse et le respect des libertés en général, voilà ce qui peut rendre espoir», estime Meriane.