El Watan (Algeria)

«NOUS N’AVONS JAMAIS PARLÉ DE L’ÉTAT D’URGENCE NI DU LIMOGEAGE DU CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE L’ANP»

- S. T.

Le juge appelle le général de corps d’armée à la retraite Mohamed Mediène, dit Toufik. Le dos courbé, la démarche très lente, il se met en face du président, puis déclare :«Comment pourrais-je être accusé de complot contre l’autorité de l’Etat, alors que la rencontre a eu lieu avec le frère et conseiller du Président encore en exercice ? Avec les événements que traversait le pays, Saïd Bouteflika a voulu nous voir pour pour nous demander notre avis sur la situation. Je me suis dit que c’est une occasion pour dire ce que je pense.» Le juge : «Est-ce que la situation l’exigeait vraiment ?» Mediène : «Bien sûr, vous pouvez me dire de quoi vous mêlez-vous ? Mais à cette époque, tout le monde était appelé à intervenir pour trouver une solution à la crise…» Le président : «Pourquoi une réunion secrète ?» L’accusé : «Elle n’était pas secrète. EIle devait se dérouler dans un endroit officiel. La villa appartient à la Présidence…». Le magistrat : «Quel était le but ?» L’accusé : «Echanger les avis. Saïd Bouteflika incarnait le pouvoir. Il était le frère et le conseiller du Président encore en poste.» Le juge : «Pourquoi avec lui ?» L’accusé : «Pourquoi pas avec lui ? Il a voulu prendre l’avis d’autres personnes afin d’agir. C’est naturel. Dans de telles situations, on discute avec beaucoup de gens pour trouver la solution.» Le juge : «Quel a été le résultat de cette rencontre ?» L’accusé : «On a parlé de beaucoup de choses. J’ai dit que le gouverneme­nt doit changer et qu’il fallait trouver un nouveau premier ministre doté de larges prérogativ­es, qu’il soit crédible et accepté par le peuple…». Le juge : «Qui a fait appel à Liamine Zeroual, l’ancien Président ?» L’accusé : «C’était mon idée. On a aussi parlé d’autres personnali­tés, mais c’est le nom de Liamine Zeroual qui a fait consensus.» Le juge : «Mais lui a refusé.» Mediène : «C’est secondaire. Ce n’est pas l’endroit pour dire s’il a refusé ou accepté. Pour moi, il n’avait pas refusé, mais il a fini par le faire…». Le magistrat : «pourquoi ?». L’accusé : «Je ne sais pas. Je ne l’ai pas revu. L’essentiel, c’est qu’il était la personnali­té principale qui a été proposée.» Le juge : «Et Louisa Hanoune, qui l’a invitée ?». Mediène : «C’est une femme politique connue. Elle a été invitée par Saïd Bouteflika. Quelle différence entre moi et Louisa ? Moi j’étais responsabl­e d’un service de sécurité, et elle était à la tête d’un parti politique très connu.» Le juge : «Dans quel intérêt ? Est-ce celui du pays ?». L’accusé : «Bien sûr. Ce qui est certain, c’est que cela n’a pas été fait dans le cadre d’un complot. On dit complot contre l’Etat et l’autorité militaire. Contre l’Etat ? Saïd Bouteflika, le frère conseiller du Président était présent. Contre l’armée ? Nous étions à Dar El Afia, une résidence qui appartient à l’armée. Moi-même j’ai dit à Saïd Bouteflika qu’il faut parler avec le chef d’état-major, Gaïd Salah. Pour moi, tout cela était normal.» Le juge : «Ce n’était pas normal. Est-ce que Saïd Bouteflika était mandaté pour vous réunir ?» L’accusé : «Pour moi, rien n’est anormal. Ce n’était pas la première fois qu’il agissait dans le cadre de l’Etat.» Le juge interroge Mediène sur le communiqué de la Présidence signé par Mohamed Boughazi, un des conseiller­s, annonçant le limogeage de Gaïd Salah, et il répond : «Je ne suis pas au courant.» Le juge : «N’était-il pas question d’écarter Gaïd Salah et d’instaurer l’état d’urgence ?» L’accusé : «Nous n’avons jamais parlé de l’état d’urgence ni du limogeage du chef d’étatmajor de l’ANP. Ce qui m’a amené ici, ce sont des choses dont je ne pourrais parler aujourd’hui, un jour peut-être, mais pas ici.»

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