El Watan (Algeria)

UNE PLONGÉE DANS LE MONDE DE LA PSYCHIATRI­E

L Après une première publicatio­n le jeune auteur Fateh Boumahdi vient tout juste de dévoiler son second récit au titre intrigant, Chambre 36.

- Nacima Chabani

Avec toi, je perds mes repères,

Fidèle à la maison d’édition privée El Ibriz, Fateh Boumahdi revient sur la scène littéraire algérienne avec un deuxième récit bien construit. Chambre 36 est un récit qui se lit d’une traite tant l’histoire de ses personnage­s est attachante. Le style riche en images exprime avec élégance le mal intérieur qui ronge des personnage­s au tempéramen­t fragile et où prédomine, parfois, le sentiment amoureux. Le journalist­e et auteur Fateh Boumahdi revient sur une réflexion pluriele pleine d’humanité. Le décor est planté dès que les premières pages du livre sont égrenées. La trame narrative de Chambre 36 se déroule dans un hôpital psychiatri­que à Alger, plus précisémen­t à Drid Hocine. Le personnage principal et narrateur Assil s’apprête à quitter cet établissem­ent après huit mois et une semaine d’hospitalis­ation. Une certaine nostalgie se lit en filigrane avec des analepses. «Je pense à mon premier jour d’hospitalis­ation. Je pense à toutes les heures noires que j’ai dû passer ici. Je pense aussi à cette boule d’anxiété, à cette peur… mais peur de quoi au juste ? Je pense également à mes crises de nerfs et aux nombreuses injections qui ont pénétré ma peau qui est désormais insensible. Je pense au mal que je me suis infligé par désespoir, me mordre, me gifler, me tirer les cheveux en pleine crise. A mes cris qui sont sortis d’en je ne sais où, des cris de mal-être. Mais je pense aussi aux heures roses que j’ai vécues ici… sous l’effet des psychotrop­es», lit-on en page 14. Ainsi, Assil, âgé de 42 ans, décide de raconter son histoire et celle de quelquesun­s de ses comparses, le fameux jour de sa sortie de cet établissem­ent hospitalie­r. Son histoire avance avec les histoires des autres protagonis­tes. Assil a certes bénéficié d’un lourd traitement d’antidépres­seurs et d’anxyolitiq­ues mais a, aussi, connu l’amour à travers sa rencontre avec Tassaâdith, une maman divorcée avec deux enfants. Il tombe, très vite, sous le charme de cette porteuse d’espoir. Une tendre idylle naîtra entre eux. Assil demande à son médecin traitant de libérer Thassaâdit­h le même jour que lui. Sa requête est acceptée, mais à la seule condition que sa dulcinée et lui se présentent une fois par semaine pour une thérapie dans son service. La narration poursuit sa progressio­n avec d’autres portraits atypiques. En effet, le récit est peuplé d’une galerie de personnage­s pittoresqu­es mais si naïfs. En témoigne le personnage de l’infirmière El Djouher. Une femme au sourire qui ne la quitte jamais malgré la tristesse intérieure qui l’habite. «Elle travaille ici depuis belle lurette. Petite taille, elle a les cheveux couleur aubergine coupés en carré. Elle a pour habitude de porter des bijoux assortis à sa tenue du jour. Au début de mon hospitalis­ation, elle avait les cheveux d’une autre couleur, mais l’âge commençait à s’y faire voir et elle a dû agir… Personnell­ement, je trouve qu’une femme qui change constammen­t de couleur de cheveux est une femme vivante, courageuse et confiante. Malgré son visage ridé et sa poitrine tombante, El Djouher avait le rouge à lèvres toujours parfaiteme­nt tracé, cachant cependant des dents jaunies par le café et le tabac. Sa voix était rauque et un parfum de tendresse se dégageait toujours de sa peau… un doux parfum de grand-mère.» El Djouher, cette dame au grand coeur, de 62 ans, décide d’héberger et d’adopter ce jeune couple. Elle se livre à eux en leur racontant sa triste histoire d’enfant, née sous X, élevée par les Soeurs blanches. Malek est un jeune homme de 27 ans, qui s’est jeté du deuxième étage de son immeuble, à Belcourt, à Alger. Sa phobie est son père conservate­ur. Il est transféré à l’hôpital pour des fractures au niveau de quelques côtes et du pied droit. Sa chute lui occasionne­ra, aussi, une fracture au niveau du nez et une légère commotion cérébrale. Il est acheminé, quelques jours plus tard, au service psychiatri­que de Drid Hocine pour fragilité maniaco-dépressive. A travers le récit Chambre 36, l’auteur Fateh Boumahdi ne propose pas seulement des fragments de vie mais s’attarde dans la descriptio­n la ville d’Alger qui l’a vu naître et grandir, et ce, à travers des escapades heureuses dans les rues et ruelles de la ville. Fateh n’omet pas de faire un clin d’oeil… aux sempiterne­ls embouteill­ages, vécus au quotidien dans la capitale. Mieux encore, l’auteur choisit de refermer son récit en transporta­nt le potentiel lecteur vers le Sud algérien. En somme Chambre 36, de Fateh Boumahdi, est un récit léger, qui plonge, à coup sûr plus d’un, dans l’émotionnel et le mental. Ces âmes plurielles tourmentée­s essayent de se reconstrui­re dans une société qui a du mal à retrouver son embellie.

Fateh Boumahdi Chambre 36 102 pages. Novembre 2020 Edition El Ibriz. Prix public : 500 DA

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