La triste année du cheikh Boukmama

Sa femme ayant utilisé son dernier masque comme couche pour son petit-fils de 8 mois, celles-ci étant trop chères, il est sorti sans masque pour acheter un masque. Au premier magasin, on lui a demandé de porter un masque, ce à quoi il a répondu qu’il voulait justement en acheter. Intransigeant, son magasin ayant été déjà fermé deux fois par la police, le commerçant a catégoriquement refusé de laisser entrer le Cheikh Boukmama venu acheter un masque sans masque. Il a fait trois autres magasins, dont une pharmacie, et s’est vu opposer le même argument, il faut un masque pour acheter un masque. Au quatrième, le Cheikh Boukmama, dont ce n’est pas le vrai nom, s’est énervé, mais manque de chance pour lui, il y avait un policier en civil et masqué, ce qui le rendait doublement invisible. Le policier a sorti son badge, a mis du gel sur l’épaule du Cheikh Boukmama et l’a fait sortir par l’épaule avec une amende de 10 000 DA pour non-port de masque dans un endroit public. Ne pouvant rien faire face à la force de l’autorité de la loi et l’ordre, il est allé à la Poste pour payer son amende, mais on lui a refusé l’entrée, ne portant pas de masque. Cheikh Boukmama est allé au commissariat se plaindre et il s’est vu infliger une deuxième amende pour non-port de masque dans un commissariat. C’est à ce moment qu’il a commencé à proférer des gros mots indéfinis, dont une référence, selon des témoins masqués, à la grand-mère du commissaire. Il a été arrêté et conduit devant le juge puis condamné à 1 an de prison pour outrage à corps constitué, rassemblement non armé, complot contre l’armée, l’autorité de l’Etat et les valeurs d’offense à l’Islam. Seule bonne nouvelle pour lui, en entrant en prison, on lui a donné un masque pour ne pas qu’il contamine les autres prisonniers, dont le général Toufik ne faisait pas partie. Libéré le 2 janvier 2022 après un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême, il n’aura pas vu l’année 2021. D’après sa femme, sa famille, ses amis, il n’aurait rien raté.