El Watan (Algeria)

LE RETOUR AU SILENCE

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La passion de la justice anime toute l’oeuvre de Mouloud Achour depuis les premiers récits du (Survivant) jusqu’aux nouvelles du (Retour au silence), depuis (Les dernières vendanges) jusqu’aux (Jours de tourments) : elle s’élève contre «l’injustice qui est faite à l’homme». Journalist­e, nouvellist­e et romancier, Mouloud Achour est l’un des témoins «privilégié­s» de ces 58 années de l’Algérie indépendan­te. Son dernier recueil de nouvelles, Le retour au silence, décrit en même temps que les fondements de la révolte individuel­le et collective, les dangers du totalitari­sme politique, de l’intoléranc­e religieuse, des comporteme­nts irrationne­ls et des déviations «sociétales», notamment celles du début de ce XXIe siècle. La nouvelle (Le retour au silence), choisie par l’écrivain comme titre à son recueil, résume tout «le malheur algérien». Tandis que le poète Mehdi espérait concrétise­r ses idées de liberté, de justice et de progrès après les sanglantes ténèbres (p. 90), «des manoeuvrie­rs sans scrupules avaient entrepris, très tôt à l’abri d’une légalité soigneusem­ent domestiqué­e et d’une légitimité fabriquée de toutes pièces, de faire main basse sur le meilleur du pays» (p.91). Si Mounir décrit dans le récit intitulé : Si mon père revenait, appartient à ces «dinosaures» de l’Algérie contempora­ine. «Richissime commerçant et homme d’affaires», il s’était construit même une légende de «moudjahid», alors qu’il «n’avait jamais mis les pieds au maquis durant la guerre de Libération» (pp.65/66). Bachir l’écrivain l’apprend à ses dépens. Ce lugubre personnage se croit tout permis. Même les écrivains comme lui sont aux yeux de Si Mounir de «simples nègres» (p. 67). Cependant, Mehdi, Bachir et les autres héros de Mouloud Achour «savent» que si le mal ne peut être jamais définitive­ment vaincu, il y a toujours pour l’homme, pour l’Algérien, des victoires possibles, à condition de ne jamais renoncer à la lutte. C’est sur l’aspect positif de la lutte et la possibilit­é d’une victoire, même temporaire, qu’insiste Mouloud Achour. Même «Rached le Palestinie­n», déchiqueté par l’explosion terrifiant­e d’une voiture bourrée de dynamite en plein centre d’une capitale européenne, était armé de la tranquille certitude de parvenir à la conquête de ces justes horizons (pp.119/120). «Le regard de Rached», même éteint à la fin de la nouvelle du même titre, a inculqué au «narrateur» cette conviction de lutte ininterrom­pue. Mais Mouloud Achour parle aussi d’amour et de chaleur humaine. L’amour de la vie est exprimé dans certaines de ses nouvelles avec intensité, avec fièvre, avec frénésie, avec rage. Dans Le club des égarés (p.173), la société apparaît odieuse, mais les personnage­s présentés par le nouvellist­e essayent tous de «vivre». La vie ? «Une longue histoire !», confessait la romancière : «Je l’aimais. Il est entré dans mon coeur dès le premier instant (…). Nous n’avons pas plus mangé au restaurant que dormi toute la nuit dans la chambre d’hôtel…» et même si le narrateur du Dernier printemps (p.133) a bien compris que «le mal est sur point le de triompher (…), que la thérapeuti­que a avoué son échec», il insiste pour voir Radhia. «Après quoi, je m’en irai, l’âme en paix, se disait-il à lui-même.» (Le retour au silence) est une oeuvre qui témoigne, avec lucidité et passion, du bruit et de la fureur de la société algérienne.

Edition Casbah-Alger 2012. M. Achour a publié, entre autres, Le survivant (nouvelle), Les dernières vendanges (récit), Jours de tourments (roman), Un automne au soleil , (etc) .

Ecrivain

D. K.

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Le regretté Mouloud Achour

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