En attendant la restitution…
■ Conformément à la démarche du «pas à pas» qu’il semble avoir adoptée dans le dossier mémoriel algérofrançais, le président Macron – une semaine après avoir reconnu au nom de la France l’assassinat de Ali Boumendjel par l’armée française – a décidé de faciliter l’accès aux archives classifiées, dont celles sur la guerre d’Algérie, a annoncé hier l’Elysée.
•Conformément à la démarche du «pas à pas» qu’il semble avoir adoptée dans le dossier mémoriel algéro-français, le président Macron – une semaine après avoir reconnu, au nom de la France, l’assassinat d’Ali Boumendjel par l’armée française – a décidé de faciliter l’accès aux archives classifiées, dont celles sur la guerre d’Algérie, a annoncé hier l’Elysée.
Le président français, Emmanuel Macron, a décidé de faciliter l’accès aux archives classifiées de plus de 50 ans, notamment celles sur la guerre d’Algérie, comme le préconisait le rapport de l’historien Benjamin Stora.
Le chef de l’Etat français «a pris la décision de permettre aux services d’archives de procéder, dès demain, aux déclassifications des documents couverts par le secret de la Défense nationale (...) jusqu’aux dossiers de l’année 1970 incluse», indiquait la Présidence française dans un communiqué hier.
«Cette décision sera de nature à écourter sensiblement les délais d’attente liés à la procédure de déclassification, s’agissant notamment des documents relatifs à la guerre d’Algérie», selon le communiqué.
«Le gouvernement a engagé un travail législatif d’ajustement du point de cohérence entre le code du patrimoine et le code pénal “afin de” renforcer la communicabilité des pièces, sans compromettre la sécurité et la défense nationales», précise l’Elysée. Avec, comme objectif, de parvenir à un nouveau dispositif «avant l’été 2021».
Cette annonce intervient une semaine après la reconnaissance par le président Macron, «au nom de la France», que l’avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel avait été «torturé et assassiné» par l’armée française en 1957. M. Macron «a entendu les demandes de la communauté universitaire», qui se plaint des difficultés d’accès aux archives classifiées de plus de 50 ans en raison de l’application scrupuleuse d’une circulaire sur la protection du secret de la Défense nationale française.
Cette dernière circulaire avait suscité une vive réaction de la part d’historiens, universitaires, chercheurs, archivistes et associations, à l’instar de l’association Josette et Maurice Audin, qui se sont mobilisés pour sa levée.
CONTRADICTION DANS LE DISCOURS PRÉSIDENTIEL
Dans une récente interview, l’historienne Raphaëlle Branche nous a affirmé qu’«il y a une contradiction de taille entre le discours présidentiel d’ouverture (Le président Macron annonçait en 2018 qu’il était favorable à l’ouverture des archives relatives à la période de la Guerre de Libération nationale, en reconnaissant la responsabilité de l’Etat français dans l’enlèvement et la disparition du militant anticolonialiste Maurice Audin, ndlr) et la pratique administrative de fermeture». «Dans le cas de la guerre d’Algérie, évidemment, les entraves mises à l’accès aux documents classés ‘‘secret défense’’ de cette période alimentent les idées les plus complotistes selon lesquelles l’Etat a quelque chose à cacher. S’il n’en est rien, pourquoi ne pas revenir rapidement à l’application de la loi de 2008 qui réglemente très précisément quels types d’archives peuvent être communiqués et dans quels délais». Rappelons que sur ce sujet précis, Benjamin Stora préconise dans son rapport «l’application stricte de la loi sur le patrimoine de 2008 en France». Concrètement, il s’agit, selon l’historien, de «revenir, dans les plus brefs délais, à la pratique consistant en une déclassification des documents ‘‘secrets’’ déjà archivés, antérieurs à 1970 – étant entendu qu’il revient à l’administration de procéder à la déclassification des documents postérieurs à cette date avant leur versement».
Quant au contentieux bilatéral global sur le dossier des archives, l’historien propose l’activation du groupe de travail conjoint sur les archives, constitué en 2013 à la suite de la visite en Algérie du président de la République, François Hollande, en 2012. «Ce groupe de travail sur les archives devra faire le point sur l’inventaire des archives emportées par la France et celles laissées en Algérie. Sur la base de ce travail d’inventaire, certaines archives (originaux) seraient récupérées par l’Algérie.» «Celles laissées en Algérie pourront être consultées par les chercheurs français et algériens.» Le «comité de pilotage» pourrait proposer la constitution d’«un premier fonds d’archives commun aux deux pays, librement accessible». Il pourrait également demander «l’application stricte de la loi sur le patrimoine de 2008 en France». Il reste à savoir si la facilitation de l’accès aux archives telle qu’annoncée par l’Elysée concernera également celles relatives aux expérimentations militaires chimiques et nucléaires de l’armée française tout aussi sensibles et cruciales pour les Algériens. De par les ravages sur la santé des populations et sur l’environnement de ces expérimentations, il est plus qu’urgent que ce dossier puisse enfin être dénoué et que les documents dans leur intégralité soient communiqués aux autorités et aux experts algériens qui n’ont eu de cesse de les réclamer pour pouvoir assainir les sites contaminés.