El Watan (Algeria)

«Les lobbies empêchent toute avancée…»

- Propos recueillis par Nadir Iddir N. I.

Une hausse des prix des viandes est enregistré­e ces derniers mois. A quoi cela est-il dû ?

Il faut dire que notre associatio­n a interpellé les pouvoirs publics sur cette question depuis au moins cinq ans. A la veille de chaque événement important, comme le Ramadhan, on observe une forte hausse de la consommati­on de ces produits. Nous constatons qu’il y a un déficit en production, et chaque année, les autorités procèdent à des importatio­ns d’appoint de dernière minute. Nous avons interpellé les pouvoirs publics en 2014 : on leur avait dit qu’au lieu d’importer de la viande congelée, il aurait été plus judicieux d’importer des bêtes vivantes et les abattre chez nous. Nous avons aussi suggéré l’importatio­n de viandes de pays sûrs.

Les Algériens consomment de la viande, et en quantité toujours importante, vu que leur qualité de vie s’est améliorée. Il fallait profession­naliser la filière, intensifie­r les élevages... L’Algérie a toutes les ressources pour devenir un pays exportateu­r, malheureus­ement, rien n’a été fait à ce jour. Un exemple parmi d’autres : nous sommes la première associatio­n à avoir parlé de la viande cameline, pour dire pourquoi cette filière n’est pas exploitée en Algérie et que sont devenus les vétérinair­es formés... Nous avons plus de 20 espèces camelines, et plus de cinq millions de bêtes recensées. Et puis, cette viande est saine. Mais il est regrettabl­e de constater, que mis à part les régions saharienne­s, les autres régions ne profitent pas de cette viande alors qu’elle n’est pas chère. Si on avait introduit les viandes camélines sur le marché, on aurait eu plus d’offres pour le consommate­ur, mais surtout un meilleur prix : cette viande coûte 600 DA/kg. Si elle est produite d’une manière un peu plus profession­nelle, elle coûterait 500 DA/kg et elle aurait fait baisser les prix des autres viandes, bovine et ovine. Il y a ce phénomène qu’on a découvert avec ahurisseme­nt : tout l’aliment de bétail est en grande partie importé. La question qu’on doit se poser : qu’est-ce qui a été fait pendant des années pour qu’on soit dans cette situation ? Qu’estce

qui a été fait depuis l’arrivée de la «nouvelle République» en 2019, et de la nouvelle équipe gouverneme­ntale ? On ne demande pas de construire des usines, on demande juste d’encourager l’investisse­ment dans l’aliment de bétail…

La réponse, on la connaît : il y a le lobby des importateu­rs de viandes et de bétails, qui empêche l’Algérie d’avancer, il y a la complaisan­ce et la complicité de la part des pouvoirs publics. Dans les discours, il est dit qu’on doit réduire les importatio­ns, mais cela ne se fait pas en imposant des taxes et des entraves bureaucrat­iques. Cela devra se faire en encouragea­nt la production locale. Cela ne coûte rien d’instruire quelques directions de wilaya de l’agricultur­e et de lancer une campagne de production d’aliments de bétail…

Les systèmes de régulation mis en place par les pouvoirs publics ne seraient pas efficaces face à ces hausses. Qu’en est-il ?

Disons-le franchemen­t, la régulation, c’est d’abord une stratégie, une carte agricole par région... La morphologi­e du pays nous permet de produire plusieurs types de viandes avec des prix raisonnabl­es.

Après, il faudrait réaliser des infrastruc­tures et mettre en place des prix de référence et des plateforme­s stratégiqu­es d’entreposag­e frigorifiq­ue... Aussi, il y a lieu de cerner et d’éradiquer l’informel. Mais à ce jour, on entend plutôt parler d’abattage informel ou même de vente de viande d’âne. Le tout d’une manière anarchique. Le contrôle est absent. La viande doit se vendre dans les boucheries, dans les grandes surfaces, pas au bord des routes, il doit y avoir un suivi régulier…

Quelles sont les propositio­ns formulées par votre associatio­n en prévision du mois de Ramadhan ?

Pour le Ramadhan, il y aura, comme chaque année, de la surconsomm­ation, mais à côté, il doit y avoir de la sursensibi­lisation et du contrôle. Nous demandons aux pouvoirs publics de renforcer les dispositif­s de contrôle. Malheureus­ement, durant ce mois, il y a beaucoup de dépassemen­ts et d’anarchie : on permet à certains commerces de changer d’activité. A notre avis, il faudrait arrêter les autorisati­ons que donnent des présidents d’APC et walis à certains commerçant­s. Toutes les initiative­s pour l’organisati­on des marchés temporaire­s doivent se faire après étude en prévoyant des surfaces commercial­es légères… Les contrôleur­s doivent être appuyés par des vétérinair­es, mais aussi par des agents de la Sécurité nationale (police et gendarmeri­e). Ces brigades devraient activer le soir. Il y a aussi un travail à faire avec les opérateurs économique­s qui, au lieu de participer aux opérations de solidarité, sont appelés à réduire les prix de vente, une «baisse psychologi­que», qui va mettre les consommate­urs à l’aise : une réduction 2 à 5% sur un produit incitera à la consommati­on et rétablira la confiance entre les producteur­s et leurs clients. Quant aux consommate­urs, ils doivent revenir à l’âme du Ramadhan, qui est un mois de piété…

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Hacène Menouar

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