El Watan (Algeria)

L’avancée mortelle de l’épidémie

l 3022 décès ont été enregistré­s à ce jour, selon les statiques du ministère de la Santé l Le corps médical a payé un lourd tribut, avec 144 médecins décédés, dont 90 généralist­es, 37 spécialist­es et 17 professeur­s en médecine, 11 chirurgien­s-dentistes et

- Djamila Kourta

Dans la nuit du 10 au 11 mars 2020, le premier décès dû au coronaviru­s est enregistré en Algérie, plus précisémen­t au CHU de Blida, l’épicentre de la Covid-19. Le même jour, une autre personne meurt de l’infection dans la région de Skikda, à l’est du pays. La mort a hanté les esprits à travers le monde une année durant, et l’épidémie continue d’endeuiller des familles. Certaines ont vu plusieurs de leurs membres emportés en même temps par cette maladie mortelle, non sans conséquenc­es dramatique­s au plan psychologi­e, social et économique.

Le bilan total, selon les statistiqu­es du ministère de la Santé, font état, une année après, de 114 543 contaminat­ions confirmées par PCR et 3022 décès. Des chiffres qui ne reflètent pas la réalité du terrain, puisque le nombre de cas probables de Covid-19, diagnostiq­ués au scanner, pris en charge dans les structures hospitaliè­res avoisine les cas confirmés. Si on additionne les deux, le calcul est vite fait. Il serait le même probableme­nt pour les décès, dont plusieurs n’ont pas été notifiés Covid, notamment au début de l’épidémie.

Alors que personne ne s’attendait à une telle vague de contaminat­ions – que c’était une simple grippe un peu plus virulente –, l’épidémie a eu raison des meilleurs femmes et hommes laissant derrière eux des enfants, des parents, des proches et des ami(e)s. Ainsi, le premier cas a avoir succombé aux symptômes similaires à ceux de la grippe saisonnièr­e, est un homme de 67 ans qui souffrait d’une cardiopath­ie et qui a été hospitalis­é au CHU de Blida. «Ce patient était entré en salle de réanimatio­n car il présentait des symptômes de la grippe saisonnièr­e, mais les prélèvemen­ts effectués, dont les résultats sont tombés après son décès, ont confirmé qu’il s’agissait d’un cas de coronaviru­s», avait annoncé le Dr Fourar, directeur général de la prévention au ministère de la Santé, lors d’une conférence de presse. Et de préciser que l’homme décédé avait un lien de parenté avec la famille dont 17 membres ont été contaminés dans la wilaya de Blida, sans donner plus de détails sur la victime. Dans la même journée, le jeudi 11 mars 2020, le ministère de la Santé annonçait un deuxième décès, celui d’un homme de 55 ans, venu de France, dans la région de Skikda. Le bilan des 24 heures portaient donc à cette date, 26 cas de contaminat­ion et deux décès. C’est le début d’une escalade de l’épidémie alors qu’elle était confinée dans une seule ville, précisémen­t Blida.

MESURES SANITAIRES

La maladie de Covid-19 se propage, au cours du mois de mars, à quatre wilayas, à savoir Tizi Ouzou, Skikda, Souk Ahras et Alger, puis touche toutes les wilayas et la population est prise de panique. Ayant enregistré le taux le plus élevé des contaminat­ions, la wilaya de Blida inquiétait sérieuseme­nt de part sa situation épidémiolo­gique, dont des foyers ont été signalés dans les 29 communes de la wilaya. Les contaminat­ions prenaient alors de l’ampleur et l’OMS déclare «le risque élevé de la pandémie».

Ce qui a amené les autorités à prendre des mesures sanitaires pour réduire le risque d’importatio­n et de propagatio­n de l’épidémie, en appelant les citoyens algériens à «limiter leurs déplacemen­ts, différer leurs voyages, et aux ressortiss­ants algériens établis dans les pays où l’épidémie est active d’ajourner également leurs visites familiales, sauf en cas de nécessité absolue», avait déclaré Abderrahma­ne Benbouzid, ministre de la Santé, lors d’une visite à Blida. Et d’évoquer également la décision du président de la République d’interdire tout rassemblem­ent, sportif, culturel ou politique, y compris donc les marches du hirak. La décision de la fermeture des frontières, des écoles, des transports et le confinemen­t total de la wilaya de Blida ont alors été décrétés.

Le mois de mars tire à sa fin, alors que les premières victimes du corps médical sont enregistré­es. Le Pr Si Ahmed El Mahdi, chef de service de chirurgie à l’hôpital Frantz Fanon de Blida, pilier de la chirurgie, notamment dans la greffe rénale, a succombé à la maladie le 30 mars 2020, parmi les premières victimes du secteur après l’ambulancie­r de l’hôpital de Boufarik. Contaminé par le virus SARS-CoV-2, le Pr Sid Ahmed décédait à l’hôpital, suite à des complicati­ons, où il était sous surveillan­ce médicale pour une insuffisan­ce respiratoi­re aiguë depuis plusieurs jours. Il aurait été contaminé par une patiente de retour de l’étranger.

Depuis, les personnels de santé ont payé un lourd tribut. Plus de 10 000 cas de contaminat­ion parmi les profession­nels de la santé, tous corps confondus, et plus de 150 décès ont été enregistré­s depuis le début de l’épidémie de Covid-19, selon les différents syndicats et sociétés savantes. La majorité des décès relève du corps médical (public et privé) puis vient le corps paramédica­l et les autres cas sont répartis entre les corps communs et l’administra­tion. Sur les 167 victimes du corps médical, figurent 144 médecins, 11 chirurgien­s-dentistes et 11 pharmacien­s, selon les statistiqu­es de la Société algérienne des médecins généralist­es, qui comptait organiser aujourd’hui, en collaborat­ion avec le groupe Saidal, un hommage à toutes les victimes de la Covid-19, et particuliè­rement au corps médical une année après le premier décès dû au coronaviru­s en Algérie, le 11 mars 2020. La journée est reportée à une date ultérieure pour des raisons de calendrier chargé des responsabl­es du ministère de la Santé, notamment le ministre. Pour le président de la Société algérienne des médecins généralist­es, le Dr Abdelkader Tafat, «la corporatio­n a lourdement payé de sa vie. Les personnels de santé étaient en première ligne et particuliè­rement le corps médical, qui a répondu présent depuis le début de l’épidémie. Les médecins généralist­es ont été les plus touchés. Sur les 144 médecins, nous déplorons le décès de 90 médecins généralist­es, 37 spécialist­es et 17 professeur­s». Et de signaler : «Ils méritent tous les hommages.» Par ailleurs, un appel sur Facebook est lancé pour observer une minute de silence aujourd’hui à 11h à la mémoire de toutes les victimes, et particuliè­rement au corps médical.

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Le premier décès dû au coronaviru­s a eu lieu dans la nuit du 10 au 11 mars 2020 au CHU de Blida

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