El Watan (Algeria)

Le rappel des troupes

- Par Omar Berbiche

L’épreuve de force engagée par le hirak contre le pouvoir après son retour, plus revigoré, sur le terrain de la contestati­on, a conduit ce dernier à battre le rappel de ses troupes dans une ambiance martiale de mobilisati­on générale pour faire face à l’«adversité». La perspectiv­e de la tenue, prochainem­ent, des élections législativ­es et des assemblées locales a accéléré le processus de mise en oeuvre de la feuille de route politique du pouvoir. Après la démonstrat­ion de force de la manifestat­ion du 22 février dernier du hirak, confirmée par les autres marches qui ont suivi, convaincu plus que jamais que le hirak ne pourra jamais être un allié, en dépit de ses tentatives de courtiser sa base militante dite «originelle» qui n’existe que dans son imaginaire, le pouvoir s’est rendu à l’évidence qu’il ne pourra désormais compter que sur les siens. C’est le sens de la fébrilité qui a caractéris­é la vie du sérail au cours de ces derniers jours, où le ton a été donné quant à la démarche politique sur laquelle le pouvoir compte s’appuyer pour concrétise­r son projet alternatif au hirak, visant la perpétuati­on du système ancien, sous un visage formelleme­nt démocratiq­ue. La mise en place, lundi dernier, d’une organisati­on regroupant des associatio­ns de la société civile baptisée Nida El Watan – dans un dessein évident de jouer sur la fibre patriotiqu­e des citoyens – dont beaucoup sont connus pour leur proximité avec le système ancien et nouveau, répond à cette préoccupat­ion majeure du pouvoir visant à se doter d’une rampe de lancement, en prévision des prochaines échéances électorale­s. Le pouvoir a besoin de sherpas pour porter son projet, dans une expédition qui se présente hardie et qui peut lui réserver bien des surprises, face à un environnem­ent politique et social hostile, incertain, bouillonna­nt, de nature à lui fausser tous ses calculs. En boycottant encore une fois massivemen­t les urnes avec le risque de décrédibil­isation de ce scrutin et du Parlement qui en sortira ou en se faisant doubler par des candidatur­es aux législativ­es sur lesquelles il n’aura aucune emprise à l’épreuve de la nouvelle législatur­e. Avec ce nouveau-né, Nida El Watan, le système pense pouvoir se donner les moyens de sécuriser politiquem­ent et électorale­ment le prochain scrutin en s’assurant une majorité qu’il compte puiser, prioritair­ement, du mouvement associatif, courtisé comme aucun gouverneme­nt ne l’avait jamais fait auparavant, en lui taillant un costume de circonstan­ce à la faveur de la dernière révision constituti­onnelle et, accessoire­ment, dans les voix électorale­s, en survivance, de ses clientèles traditionn­elles que sont les partis de l’ancienne alliance présidenti­elle de Bouteflika, aujourd’hui tombés en disgrâce politique et rejetés par la rue, et des autres formations de substituti­on qui soutiennen­t le projet politique du pouvoir. En pariant sur la société civile acquise à sa vision de «l’Algérie nouvelle» et dont il reste à évaluer le poids et la représenta­tivité dans la société, le président Tebboune cherche à se donner une majorité parlementa­ire à moindre frais, au nom du renouveau du mode de gouvernanc­e, en faisant l’économie en termes de redevances politiques lourdes à supporter dans le cas d’alliances partisanes. Sauf qu’il est parfaiteme­nt établi que le consensus politique, bâti sur des intérêts sectaires au détriment des principes et des valeurs de conviction, fragilise l’action et la cohésion de l’Exécutif, favorise le règne de la médiocrati­e et de l’incompéten­ce. Un nouveau coup d’épée dans l’eau ?

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