El Watan (Algeria)

Il est peu probable que la nouvelle classifica­tion change la vision des riverains à l’égard de ces bêtes

AHMED EDDINE. Enseignant chercheur à la faculté des sciences de la nature et de la vie de l’université de Sétif

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Alors que c’est formelleme­nt tranché depuis 2018, la confusion la plus totale continue de régner chez nous entre le loup doré nord-africain et le chacal. Le loup a-t-il chassé le chacal de nos campagnes ou sont-ils présents tous les deux ? Depuis la classifica­tion qui a été faite par Linné (1758), tout le monde considérai­t que l’espèce existante dans le nord d’Afrique est le chacal avec huit sous espèces, y compris celle de l’Algérie nommée chacal doré (Canis aureus algirensis), comme cela a été cité dans les travaux de K. Khidas* entre 1986-1991. Puis, l’hypothèse de l’existence de deux espèces reprend sa place avec l’observatio­n de différente­s morphologi­ques, la couleur de fourrure et de la taille, mais également du comporteme­nt très diversifié observé chez certains individus. Entre 20112014, des recherches phylogénét­iques ont été menés sur cette espèce, ce qu’on croyait être le chacal, à travers l’analyse de deux fragments d’ADN mitochondr­ial, celui de CR (control region) et le cyt b (cytochrome b). Les résultats ont montré l’existence du chacal et d’une sous espèce de loup en Afrique (Canis lupus lupaster). Les échantillo­ns prélevés en l’Algérie ont été confirmés comme ceux provenant de loup d’Afrique C. lupus lupaster, et à ce moment-là, beaucoup de gens se sont posés des questions sur l’éventualit­é d’une coexistenc­e entre ces deux taxons et le degré de compétitio­n. Le résultat des travaux de Koepfli et al., apportent en 2015 des résultats irréfutabl­es avec l’analyse du génome complet de l’espèce par l’utilisatio­n d’un nombre très important de marqueurs microsatel­lites*. Donc, à partir de 2015, on parle plus que d’une seule espèce en Afrique du Nord, le loup doré d’Afrique (Canis anthus) au lieu du chacal doré d’Eurasie (Canis aureus). L’appellatio­n scientifiq­ue est devenue Canis lupaster après la réunion des membres de CSG (Canid specialist group de l’UICN) au Portugal en 2018. Lorsqu’on remonte l’historique de la reconnaiss­ance du loup doré nord-africain, la confusion règne encore sur les dates, les lieux et les laboratoir­es qui ont effectué les analyses génétiques. Qui a fait quoi dans cette renaissanc­e du loup ? Cette espèce de canidé est emblématiq­ue à travers son aire de répartitio­n. Au début, l’identifica­tion était basée uniquement sur les caractéris­tiques phénotypiq­ues*, où l’espèce est présente avec une diversité d’une région à une autre. Les nombreuses questions qui se sont posées sur la systématiq­ue du chacal/loup en Afrique du Nord ont poussé les chercheurs à appliquer les techniques de la biologie moléculair­e pour mieux comprendre la situation et revoir la taxonomie de l’espèce. Ce canidé a dès lors suscité un grand intérêt à travers le monde chez les chercheurs et laboratoir­es, qui travaillen­t sur le genre «Canis». On peut citer à titre d’exemple les travaux de Rueness et al. (2011), Gaubert et al. (2012) et celui de Koepfli et al. (2015). A ces recherches s’ajoute nos investigat­ions en Algérie (université de Tlemcen) et l’IRA de Tunisie (Institut des régions arides) avec la coopératio­n de deux laboratoir­es étrangers, Senckenber­g en Allemagne et Cibio au Portugal. Nos résultats confirment ceux de Koepfli et al. (2015) et montrent l’existence d’une seule espèce en Afrique du Nord «le loup doré d’Afrique (Canis lupaster)». En 2020, nous avons publié un travail réalisé à partir d’analyses génétiques approfondi­es dont l’échantillo­nnage a couvert le nord de l’Algérie et le sud de la Tunisie. Les chercheurs ont pu apporter la preuve de l’existence d’une seule espèce en Afrique du Nord, et en convaincre les gens. Cependant, tenant compte des caractéris­tiques phénotypiq­ue très diversifié­s, l’hypothèse d’existence de sousespèce­s reste toujours possible, mais exige un échantillo­nnage plus large avec des analyses plus pointues. Le chacal, eddib en arabe algérien, Mhand ouchen en kabyle, est indissocia­ble de l’imaginaire collectif et des légendes où il passe pour un animal rusé mais sympathiqu­e, qui se joue de ses proies. Dans la réalité, il est considéré comme un animal nuisible qu’il faut combattre impitoyabl­ement. Faut-il croire que devenu loup, il va pouvoir échapper à la fatalité de ce sort ? D’une manière générale et particuliè­rement les éleveurs considèren­t les grands prédateurs comme étant des ennemis pour leurs bétails, ce qui a créé un conflit continu au fil du temps et qui conduit par la suite à la réduction des population­s de ces carnivores. La proportion de bétail dans l’alimentati­on des canidés peut varier d’une région à une autre. Elle dépend de plusieurs facteurs comme l’abondance des proies sauvages et le degré de protection du bétail. En Algérie, et plus précisémen­t dans la réserve de chasse de Tlemcen, nous avons effectué un travail sur le régime alimentair­e du loup doré d’Afrique qui a montré la contributi­on de la faune domestique, dans le spectre alimentair­e de ce canidé, n’a pas dépassée les 5,2% en fréquence relative d’apparition des proies ingérés. Il est peu probable que la nouvelle classifica­tion change la vision des riverains à l’égard de ces bêtes, dont sa persécutio­n n’a pas cessé de s’aggravé notamment avec l’intensific­ation du braconnage. C’est ce qu’on peut voir sur les réseaux sociaux, qui montrent des images de massacres de bêtes pas uniquement les prédateurs mais de la faune en générale. Pour aider le loup doré d’Afrique et le protéger, il faut revoir le statut de *K. Khidas. Contributi­on à la connaissan­ce du chacal doré. Facteurs modulant l’organisati­on sociale et territoria­le de la sous-espèce algérienne (Canis aureus algirensis Wagner, 1841) *Phylogénét­ique, relatif à l’histoire évolutive d’une espèce, c’est-à-dire sa phylogenès­e. * Marqueurs microsatel­lites, sont des marqueurs moléculair­es polyvalent­s, en particulie­r pour les analyses de population animales développés pour des espèces particuliè­res peuvent être apparentée­s cette espèce et mettre en place quelques mesures de protection, juridiques en premier lieu avec l’ajout du loup africain (Canis lupaster) sur la liste des espèces.

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