Une accalmie et des interrogations
Absence de vaccin, nouveaux variants en circulation et les cas d’infection à la Covid-19 en baisse l Les scientifiques à court d’arguments Le comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie observe un silence inquiétant face à une population livrée à elle-même.
Le ralentissement de l’activité virale se poursuit aussi bien à l’échelle nationale que régionale, où l’on note une diminution des notifications et des hospitalisations, avec quelques petites fluctuations, précise l’Institut national de santé publique dans son dernier bulletin épidémiologique de suivi de l’épidémie de Covid-19. Le bilan du lundi 22 mars fait état de 98 nouveaux cas confirmés, 91 guérisons et 4 décès, selon le communiqué du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Le total des cas confirmés s’élève ainsi à la même date à 116 255 et celui des décès à 3061, alors que le nombre de patients guéris est passé à 80 887.
La décrue de l’épidemie de la Covid-19 en Algérie, en plus de l’arrivée des variants britannique et nigérian étonnent de plus en plus les spécialistes, qui peinent à donner des explications scientifiques et sûres. «On ne sait pas», «rien n’est sûr», «une immunité collective acquise», «respect des mesures de prévention et fermeture des frontières», «manque de tests PCR», sont autant de réponses données par les scientifiques que nous avons interrogés sur cette diminution progressive du nombre de cas d’infection et de décès, alors que la pandémie flambe ailleurs dans le monde malgré la vaccinations accélérée. Autour de tout ce «vacarme», on fait face à une absence incompréhensible de communication officielle, qui viendrait rassurer et informer la population qui a baissé en vigilance, et qui fait fi des gestes barrières et mesures de prévention. Est-ce l’accalmie qui précède la tempête, ou simplement la fin du SARS-CoV-2 ? Un argument qui pourrait arranger les pouvoirs publics pour faire oublier aux Algériens la campagne de vaccination, qui connaît le plus long ralentissement au monde et un grand flou sur l’avancée de l’opération entamée en janvier dernier. Des centaines de milliers de doses devaient être réceptionnées à la fin du mois de février, dont celles promises par le Covax, qui tardent à arriver, ainsi que les doses restantes de la commande du vaccin russe Sputnik V, dont les clauses du contrat fixent la fin du mois d’avril pour réceptionner la totalité, à savoir un million de doses achetées. Selon certaines sources, l’arrivage d’un lot de vaccins AstraZeneca, dans le cadre du programme Covax, était prévu pour le lundi dernier, mais aucune information n’a été communiquée pour le moment par l’Institut Pasteur ou le ministère de la Santé. «Il est actuellement très difficile de réceptionner dans les délais les quantités commandées, vu les décisions tardives du ministère de la Santé, dès le début, pour l’acquisition des vaccins», note une source proche du dossier, qui estime qu’«il n’y a que la production du vaccin Sputnik V, dont le projet est déjà engagé, qu’il faut lancer dans les plus brefs délais pour pouvoir assurer une vaccination massive».
La vaccination, considérée aujourd’hui comme «le coeur de la bataille» ailleurs dans le monde pour préparer un été serein, est toujours absente. Quelles sont les explications scientifiques de la situation épidémiologique actuelle ? Qu’en pensent les spécialistes ? Ils sont unanimes à dire que tous les indicateurs permettant de surveiller et d’évaluer une épidémie sont à la baisse et ils traduisent effectivement une accalmie sur le front de l’épidémie, alors que d’autres croient à l’hypothèse de l’immunité collective. «Les services Covid sont actuellement vides et peu de malades viennent à l’hôpital. En tout, nous avons entre deux à trois prélèvements par jour, alors qu’on était à des centaines de malades qui affluaient entre octobre et novembre derniers. Cette accalmie s’explique, à mon avis, par les mesures de restriction prises depuis une année, notamment la fermeture des frontières. L’absence des échanges et de voyages entre les différents continents a permis d’aboutir à cette stabilité, voire à cette décrue de la courbe épidémique. Mais la partie n’est pas encore gagnée», souligne un épidémiologiste d’un CHU d’Alger, qui n’écarte pas une nouvelle vague dans les prochains mois. «Il y a un relâchement total visà-vis des mesures barrières, et cela ne sera pas sans conséquences, surtout avec la circulation du variant britannique. Il suffit que ce variant gagne du terrain et prenne le dessus pour que la situation épidémiologique se dégrade», a-t-il averti, tout en appelant les pouvoirs publics à renforcer la sensibilisation et faire respecter les mesures barrières. Concernant la thèse de l’immunité collective, le spécialiste se veut prudent et estime que «tant que des études épidémiologiques n’ont pas été réalisées selon les normes requises, il est difficile d’être affirmatif. L’accélération de la vaccination reste le moyen de prévention efficace avec, bien sûr, le respect des mesures barrières, notamment le port du masque». «La fermeture des frontières est l’unique explication, à mon avis, à donner à la situation actuelle, puisque cela a empêché l’introduction massive des nouveaux variants», souligne le Dr Amel Zertal, infectiologue à l’hôpital d’El Kettar. Elle explique que, par ailleurs, «il se pourrait que l’immunité collective a atteint un certain niveau au sein de la population par rapport à l’ancienne souche. La preuve en est que suite aux derniers rassemblements du vendredi, le nombre de cas de contamination n’a pas pour autant augmenter. Nous assistons au contraire à une baisse de cas d’infection». Le Dr Zertal plaide pour l’accélération de la vaccination pour protéger la population, tout en respectant les mesures barrières, notamment le port du masque.