Zeghmati et le gouvernement désavoués
Le très controversé projet de loi portant sur la déchéance de la «nationalité» algérienne d’origine est définitivement enterré. Le texte élaboré par le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, et adopté par le gouvernement Djerad est officiellement retiré. C’est ce qu’a annoncé, dimanche soir, le président Abdelmadjid Tebboune lors de sa rencontre avec des représentants de deux quotidiens nationaux. Selon lui, le texte «a été retiré en raison de son interprétation erronée». «On a considéré qu’une infime minorité ne peut pas nous amener à mettre en place une loi parce que c’est une chose qui n’intéresse pas les Algériens», ajoute-t-il. Le chef de l’Etat, qui ne s’est pas attardé sur les éléments de débat suscité par l’annonce ce projet, évoque une tout autre raison. «La double nationalité ou la pluri-nationalité n’est pas un crime et nous respectons cela, car supposé apporter un plus au pays d’origine du concerné dans un climat empreint de nationalisme», déclare-t-il. Et d’ajouter : «Cette procédure concernait uniquement la question de l’atteinte à la sécurité de l’Etat que nous défendrons d’une manière ou d’une autre.» L’abandon de ce projet constitue, en tout cas, un cinglant désaveu au ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, qui l’a élaboré et pour l’ensemble du gouvernement Djerad qui l’a adopté, au début du mois de mars dernier. Pour justifier la disposition de la déchéance de nationalité d’origine, le Garde des sceaux l’a emballé, rappelons-le, dans le slogan vague de «la protection des intérêts de l’Etat et de l’unité nationale». Cachant mal l’arrière-pensée dangereuse de ses initiateurs et de ses défenseurs, ce texte a suscité un tollé général dans le pays. Des personnalités, des juristes, des acteurs politiques et tout ce que compte l’Algérie comme gens sages se sont élevés contre une disposition inique qui n’a d’existence que dans les régimes totalitaires. «Cette proposition inutile et singulière procède de la dérive totalitaire systémique, activée chaque fois que le peuple exige davantage de liberté et de droits et dans un contexte marqué par une restriction du champ des libertés individuelles et collectives», avait affirmé l’ancien diplomate, Abdelaziz Rahabi dans une déclaration publiée sur sa page Facebook. Dans la foulée, il a rappelé que «tout enfant né de père ou de mère algériens est algérien de plein droit et ne peut à ce titre être déchu de sa nationalité». «Ce droit naturel ne peut être remis en cause pour des raisons politiques, sécuritaires ou autres invoquées par le projet du gouvernement», avait-il précisé. Et d’ajouter : «Faute de réponses concrètes aux revendications pacifiques et légitimes de son peuple, notre pays se radicalise dans tous ses segments sociaux et institutionnels, s’éloigne peu à peu de la voie de la raison et de la modération et nourrit ainsi ses propres fragilités. Là réside, à mon sens, la plus grosse menace contre la stabilité et la cohésion de la nation algérienne». L’avocat de défenseur des droits de l’homme, Mustapha Bouchachi avait également rappelé que «personne n’a le droit de déposséder un Algérien d’origine de sa nationalité, quels que soient les actes qu’il a commis». «Il est possible, d’après la loi, de déchoir une personne ayant acquis la nationalité après avoir commis un crime ou attenté à la sécurité de l’Etat. Un étranger ayant vécu en Algérie et qui a acquis la nationalité peut voir sa nationalité retirée. Mais un Algérien de par son père et son grand-père ne peut être déchu de son droit à la nationalité ni par l’Etat ni par une toute autre institution. Cela va à l’encontre de la loi», avait-il martelé. Pour sa part, Noureddine Benissad avait qualifié le projet du ministre de la Justice de «violation grave de la Constitution». Finalement le bon sens l’a emporté sur les impulsions de vengeance qui animent certains responsables au pouvoir…