Le montant échappe aux autorités
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, est revenu dans un entretien accordé aux médias sur le poids de l’argent qui circule en dehors du circuit bancaire, affirmant que le montant est beaucoup plus important que celui communiqué récemment pa
Selon le chef de l’Etat, le montant des fonds en circulation dans le marché parallèle oscillerait entre 6000 et 10 000 milliards de dinars. Ce qui confirme le poids considérable du marché parallèle de la monnaie dans l’économie nationale.
Les autorités financières peinent à cerner le montant réel de ce qui circule dans l’informel, notamment l’argent qui est thésaurisé et qui ne figure pas dans la circulation ni dans les banques, ni même dans le circuit informel. Selon les estimations de la Banque d’Algérie, l’argent thésaurisé représente la moitié de ce qui est quantifié dans le parallèle, à savoir près de 3000 milliards de dinars. Cependant, ce montant est encore plus important et demeure loin de la réalité, si l’on se réfère aux déclarations du chef de l’Etat ou de certains opérateurs économiques. «Nul ne détient le chiffre exact de l’argent en circulation en dehors du circuit officiel», a souligné le président de la République. A ce sujet, le financier Omar Berkouk a estimé que «le chef de l’Etat n’est pas tenu par l’obligation de la précision dans les chiffres», le fait est qu’il «est dans un rôle politique», contrairement «au gouverneur de la Banque centrale, ou bien le ministre des Finances, qui sont tenus par la précision». Pour sa part, le consultant en management Mohamed Saïd Kahoul a estimé que «les chiffres avancés sur l’informel par M.
Tebboune est une décrédibilisation totale dans une situation de dégradation des indicateurs macroéconomiques de la première institution financière du pays à l’international, compte tenu de son rôle face aux institutions internationales mondiales». Le même consultant se demande : «Quelle crédibilité lui reste-t-il après ces déclarations, elle qui essaye aujourd’hui de se refaire une image en voulant soigner sa communication ?» M. Kahoul a souligné que «la BA, avec les banques et le Trésor et le CCP, est censée être capable de faire un état exhaustif à un instant T de la monnaie fiduciaire en circulation, en banque ou thésaurisée, parce qu’elle varie en fonction des moments entre retrait et dépôt, mais comparées à la masse importante dans l’informel, ces variations ne seront pas très significatives». Selon notre interlocuteur, «l’informel qui détient la plus grande masse monétaire fudiciaire est dans l’illégalité totale, entre la fraude fiscale des opérateurs économiques, les opérateurs dans l’informel total, le commerce des produits prohibés et des fonctionnaires en col blanc cravate affairistes et corrompus». Tebboune a aussi souligné que des mesures ont été prises pour drainer une partie de cet argent qui échappe aux banques, citant le lancement et la généralisation de la finance islamique et l’émission de titres qui peuvent donner des résultats «positifs» avançant la «récupération de quelque 100 milliards de centimes en un seul mois». Mais là aussi, le consultant Kahoul estime que «le chiffre de 1 milliard sur les produits islamiques annoncé par M. Tebboune ne représente qu’une molécule d’eau retirée de l’océan, parce que, d’une part, les mêmes produits islamiques existent dans l’informel et, d’autre part, ces capitaux n’ont pas peur de ‘‘Dieu’’, mais du ‘‘fisc’’».
Toujours dans le même entretien, Tebboune a éloigné le recours de l’Etat à la solution du changement des billets de la monnaie nationale pour drainer les fonds en dehors du circuit bancaire, considérant qu’une telle démarche sera «sans résultat», expliquant qu’un changement de la monnaie nationale «entraînerait de longues files de citoyens modestes et non d’hommes d’affaires venant échanger des montants à coups de milliards». A propos de ce sujet, qui a fait déjà coulé beaucoup d’encre, Mohamed Said Kahoul a estimé que «demander à ce ‘‘beau monde’’ de venir changer les billets en dévoilant leur identité et le montant de leurs capitaux est une déclaration de guerre dont l’état actuel de l’économie ne peut supporter les conséquences du séisme provoqué». Ainsi, M. Kahoul a considéré que «même une amnistie ne peut se faire que dans le moyen terme», mais pour «éviter le retour au galop de l’informel», il a conseillé de «réformer le système financier pour le sortir de sa léthargie et devenir dynamique pour absorber les capitaux en circulation». Pour le même consultant, «la gouvernance aujourd’hui se cherche un chemin pour récupérer ces capitaux qui ne peut se faire que dans le moyen et long termes, si on ne veut pas bricoler une sortie en rétablissant d’abord la confiance dans les institutions très malmenées». «Aujourd’hui, il doit beaucoup plus agir sur les éléments sur lesquels il a une emprise, c’est réduire les transferts sociaux et libérer le capital des EPE pour soulager ses minces ressources», a-t-il encore ajouté.
Aussi, pour encourager la bancarisation, M. Kahoul a estimé que les banques peuvent «cibler l’épargne des ménages en relevant les taux d’intérêt des dépôts pour l’indexer sur la dépréciation du dinar sur l’inflation tout en appliquant deux autres taux inférieurs, l’un pour les crédits à la consommation et un autre beaucoup plus bas pour l’investissement nettement inférieur au taux des dépôts». Ainsi, entre les solutions préconisées par les experts et les marges de manoeuvre pour lesquelles oeuvrent pour l’instant les autorités, il demeure que c’est l’économie nationale qui reste prisonnière de l’activité informelle, l’empêchant gravement à instaurer des bases d’une relance sérieuse et pérenne.