El Watan (Algeria)

Une «économie»… sur fond de récession

- A. Benyahia

Le président Tebboune se félicite d’avoir fait baisser de 10 milliards de dollars la facture des importatio­ns.

«Par rapport à 2019, la baisse des importatio­ns a été de 10 milliards de dollars en 2020, en dépit de la pandémie» et ce, «grâce à la production, à la maîtrise de la surfactura­tion et un contrôle plus sérieux de certains services», a-t-il souligné. «Nous avons réalisé tout cela sans créer de déficit ou de pénurie», s’est-il félicité. Abdelmadji­d Tebboune arbore ce chiffre comme un trophée de victoire durant l’année de la crise sanitaire mondiale et de la rareté des finances publiques du pays. Le chef de l’Etat affiche ainsi un satisfecit bien assumé d’avoir tenu une de ses promesses.

Pourtant, une telle affirmatio­n n’incite pas forcément à en tirer des conclusion­s aussi hâtives. Qu’en est-il au juste ? A regarder de plus près, cette baisse des importatio­ns traduit-elle une performanc­e économique ainsi que semble vouloir le faire accréditer Abdelmadji­d Tebboune ?

La réponse à cette question est pourtant imparable : l’Algérie a enregistré en 2020 son pire niveau de récession de -4,6% officielle­ment, voire plus encore, selon les estimation­s des organisati­ons financière­s internatio­nales. Résumé : côté face baisse de la valeur des importatio­ns, côté pile récession économique. D’où, peut-être, cette diminution de la facture d’importatio­n qui ne doit pas normalemen­t être, faut-il le reconnaîtr­e, le but ultime des politiques économique­s en dépit des moyens financiers limités du pays depuis la chute des revenus des hydrocarbu­res. En tout cas l’argument du chef de l’Etat ne résiste pas à l’analyse économique stricto sensu. Car l’on ne peut raisonnabl­ement crier victoire trop vite du fait d’avoir diminué la facture d’importatio­ns, quand on a réalisé une telle contre-performanc­e, en partie certes due à la Covid-19, au niveau de la création de richesses (-4,6% du PIB). Celle-ci devant être logiquemen­t le but suprême de toute politique économique.

Ainsi, la récession explique en partie, sinon principale­ment, une certaine baisse des importatio­ns du fait de la panne économique. Ceci d’une part. D’autre part, il s’agirait de savoir si une économie de ces 10 milliards est synonyme d’une meilleure gestion des affaires du pays. Tebboune, dans sa prestation télévisée de dimanche soir, a en tout cas fait l’économie de certains détails qui auraient permis de rendre les choses plus transparen­tes. Ce résultat est-il le fruit d’une lutte implacable contre la surfactura­tion et l’importatio­n de produits superflus dont le pays et les Algériens se passeraien­t allègremen­t vu la baisse remarquabl­e des réserves de change ? L’opinion gagnerait à être édifiée sur le sujet pour lequel pourtant les officiels ont mené campagne tambours battants des mois durant. Par ailleurs, est-il utile de faire remarquer que le dossier de l’automobile accapare à lui seul quelques milliards de dollars. Ce montant dû à l’importatio­n de véhicules ou même à leur assemblage n’est pas encore inscrit au registre de la facture des importatio­ns pour 2020. Puisque le pays a arrêté le programme de ces importatio­ns à ce jour. Il faut bien noter que les 10 milliards de dollars d’économies seront retranchés d’au moins 2 milliards de la facture globale – un niveau d’importatio­n qui semble autorisé à l’avenir. Selon les dernières statistiqu­es, la valeur des importatio­ns a reculé de quelque 18% en 2020. «Selon les indicateur­s prévisionn­els préliminai­res de 2020, la valeur des importatio­ns a reculé de 18% (34,4 milliards de dollars) par rapport à l’année 2019 (42 milliards de dollars), tandis que les exportatio­ns ont baissé à 23,8 milliards de dollars contre 35,8 milliards de dollars en 2019, du fait de la chute des prix du pétrole sur les marchés mondiaux, en raison de la récession de la demande induite par les mesures de bouclage économique», a précisé, en janvier dernier à l’APS, le directeur du commerce extérieur Khaled Bouchlaghe­m. Pour sa part, Tebboune affirme avoir inscrit comme nouvel objectif d’équilibrer la balance des paiements du pays pendant l’année en cours ou au plus tard l’année prochaine, grâce, a-t-il dit, «à la politique de maîtrise des importatio­ns et de l’encouragem­ent des exportatio­ns hors hydrocarbu­res».

L’on se demande, à ce titre, comment compte-t-il y arriver ? D’autant que selon Bouchlaghe­m, le déficit commercial durant 2020 a atteint 10,6 milliards de dollars.

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