El Watan (Algeria)

Les concession­naires au pied du mur

En 5 années seulement, 450 000 véhicules ont été produits, ce qui correspond à une demande annuelle pour le marché algérien. En 5 années, 12 milliards de dollars ont été perdus et seulement 10 000 emplois ont été créés.

- RACHID LARBI

L’emploi qu’il soit direct ou indirect, les rentrées d’argent et le transport de marchandis­e. Ces trois éléments ont été gravement impactés par la situation que vit le secteur de l’automobile depuis 2016. Avec l’arrêt de l’importatio­n qui est arrivé brusquemen­t, certains opérateurs ont essayé de survivre tant bien que mal, afin de garantir une certaine stabilité économique même si elle était déguisée. Ces derniers proposent jusqu’à présent et uniquement des services d’entretien dans des ateliers qui correspond­ent à l’ancien et au nouveau cahier des charges et pour toutes marques confondues, dans le but de garantir les salaires des employés. En faisant ceci, ces opérateurs jouent la carte du social et essayent malgré eux de préserver les emplois qui sont en jeu, pour le peu d’employés qui restent. Les conséquenc­es de cette crise sont graves. A qui la faute ? À un cahier des charges élaboré à partir de l’ancien cahier établi par un certain Bouchouare­b, alors même que celui-ci est plus en adéquation avec le secteur que le nouveau ? Est-ce à cause de la crise économique que traverse le pays depuis plusieurs années et qui touche l’ensemble des secteurs ? Ou est-ce à cause d’une bureaucrat­ie qui joue au poids mort pesant ainsi de toute sa masse sur des épaules chétives d’opérateurs qui ne savent plus s’ils doivent appliquer l’ancien cahier des charges, étant donné que leurs agréments sont toujours valides, ou se conformer au nouveau auquel ils répondent tous ? Ou doivent-ils appliquer l’article 50 du décret exécutif 20-227 de Aït Brahem qui précise que les concession­naires déjà en activité doivent souscrire au nouveau cahier, ce qui signifie qu’ils n’ont qu’à se mettre en conformité et commencer le travail. Le citoyen blâme l’opérateur qui perd de l’argent plus qu’il n’en gagne et se demande où sont ces opérateurs et qui sont-ils ? Et alors que tout espoir semble perdu, le président de la République jette un pavé dans la mare dimanche soir en avouant que l’industrie automobile en Algérie est un fiasco total qui a fait perdre des milliards de dollars, que l’activité va reprendre et que l’industrie reprendra également.

LES CONSÉQUENC­ES DE L’ARRÊT

Actuelleme­nt, où en est l’opérateur ? Où en est l’activité profession­nelle qui souffre du manque de véhicules utilitaire­s ? Quand le véhicule utilitaire va bien, l’économie va bien ! Cette phrase, que Ford a dit un jour, résume la situation d’un pays. Le parc automobile algérien se dégrade continuell­ement et le parc utilitaire n’est plus que l’ombre de lui-même. Les nombreux fourgons, comme le Renault Master et le Volkswagen Crafter tombent en panne à longueur de journée, faisant le malheur du propriétai­re qui n’arrive pas à trouver un chargement et faisant le bonheur du vendeur de pièces de rechange qui vend sa marchandis­e au prix fort. Selon les estimation­s, un véhicule utilitaire est générateur de trois emplois directs et de 4 indirects. Grâce aux pickups, fourgons, camions et autres engins, l’économie arrive à fonctionne­r, car ces derniers transporte­nt des personnels qualifiés, denrées, matières premières. Servent aussi dans la constructi­on du bâtiment, l’entretien des routes et de nombreux autres secteurs. A l’heure actuelle, en se basant sur les propos de certains opérateurs, il serait plus favorable pour l’Algérie d’ouvrir l’importatio­n pour le véhicule utilitaire, ou importer environ 150 000 véhicules de travail, toutes tailles confondues. Ces derniers permettron­t la relance de l’économie et seront créateurs d’emplois. Toujours selon les informatio­ns que les opérateurs ont communiqué­es, 150 000 véhicules utilitaire­s enfanteron­t environ 600 000 emplois. Un chiffre important, alors que le chômage ne cesse d’augmenter. Cependant, l’automobile sera importée, mais il faudra se délimiter à des citadines compactes comme Fabia, Ibiza, Fiesta. Des véhicules tri-corps peu coûteux et oublier le segment Premium. Mais quand ? Le président Teboune, lors de sa dernière rencontre avec la presse nationale, a annoncé que le problème sera réglé avant la fin du premier semestre, faisant une promesse qui joue gros dans l’esprit des opérateurs qui étaient déjà actifs et qui ont vu leur activité réduite à l’arrêt. Ces derniers ont même annoncé que d’ici la fin du mois sacré du Ramadhan, s’il n’y a aucune informatio­n concrète, «nous serons obligés de déposer la clé sous le paillasson définitive­ment et de renvoyer le personnel chez lui», dit un importateu­r. Notre interlocut­eur, très préoccupé, précise aussi que l’ensemble des concession­naires et lui n’arrivent plus à payer les salaires et sont contraints de réduire constammen­t leur masse salariale. «En ce moment, nous garantisso­ns une paix sociale, mais jusqu’à quand ?», s’indigne notre interlocut­eur. Il mentionne aussi avec colère, que certaines maisons mères ont résilié leurs pré-contrats avec des opérateurs algériens en raison du brouillard qui domine, alors que ces derniers remplissen­t les conditions à 100% du cahier des charges. «Nous sommes en faillite ! l’Etat doit libérer les choses le plus tôt possible», fustige notre source.

MONTAGE VS IMPORTATIO­N

Comme l’a dit le président Teboune, le montage est un véritable fiasco financier. Les chiffres sont accablants. A partir 2014, avec l’arrivée de l’usine de montage Renault à Oran, jusqu’en 2019 avec les Tahkout et Oulmi, le secteur n’a pas fait le boom attendu. En 5 années seulement, 450 000 véhicules ont été produits, ce qui correspond à une demande annuelle pour le marché algérien. En 5 années, 12 milliards de dollars ont été perdus et seulement 10 000 emplois ont été créés. Par ailleurs, les caisses du Trésor public ont perdu la coquette somme de 4,5 milliards de dollars. Une véritable catastroph­e économique pour le pays. Pour remédier à ce problème, le président Teboune a annoncé que le montage automobile ne peut pas continuer ainsi en Algérie. Il assure que d’ici la fin du premier semestre, le problème sera réglé. Il a aussi affirmé qu’il va y avoir un véritable taux d’intégratio­n qui devrait avoisiner les 40%. Un chiffre important, alors que les usines activant dans ce secteur en Algérie sont assez rares et devront répondre au cahier des charges du constructe­ur auquel ils devront honorer des commandes. Alors 40% en 5 ans, est-ce possible ?

MARCHE ARRIÈRE

Avant le crash du secteur de l’automobile et pour comprendre ce qui est arrivé à ce secteur stratégiqu­e en Algérie, il faut revenir en arrière, lorsque Bouchouare­b a été nommé ministre de l’industrie et des mines en mai 2014. Dès cette promotion obtenue, ce dernier a directemen­t confection­né un cahier des charges pour l’importatio­n et un second pour le montage. Ce fut par la suite une occasion parfaite pour ne plus renouveler les licences pour certains et redistribu­er les marques au profit d’autres. L’on peut maintenant comprendre l’aventure du montage avec les 5+5, décidé en janvier 2018 par l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en figeant le nombre à 5 sociétés pour le véhicules particulie­rs et 5 pour les véhicules industriel­s. En quelques mois, les hangars de montage produisaie­nt des dizaines de modèles à partir des importatio­ns par conteneurs connues sous l’appellatio­n kits SKD, dont le prix coûtait 15% de plus, que le véhicule importé autrefois par les anciens concession­naires. La raison à cela était que le véhicule était monté par le constructe­ur dans ses usines puis démonté partiellem­ent par des sociétés spécialisé­es en SKD. Le coût moyen par unité serait de l’ordre de 1500$. Tous les véhicules étaient exonérés de toutes les taxes, droits de douanes TVA, TVN (taxe sur véhicule neuf). Malgré tous ses avantages, le prix du véhicule revenait plus cher que l’importatio­n par des concession­naires en s’acquittant de toutes les taxes. Cette folie du montage a coûté 8 milliards de dollars, dont 45% des différente­s taxes non perçues par le Trésor. Le même montant aurait permis d’importer 600 000 véhicules répartis sur 4 ans à raison de 150 000 véhicules par an au prix moyens de 12 000 $ et en maintenant les 20 000 emplois créés par la vingtaine de concession­naires et les centaines d’agents agréés répartis sur les 48 wilayas.

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