El Watan (Algeria)

Les objectifs de la vaccinatio­n compromis

L Le processus est, certes, engagé par l’Algérie depuis janvier dernier, mais à un rythme ralenti, loin de rattraper le retard sur les autres pays, notamment les voisins.

- Djamila Kourta

Trois mois après le lancement de la campagne nationale de vaccinatio­n contre la Covid-19, le flou total entoure toujours cette opération au rôle déterminan­t dans le devenir de la pandémie au niveau mondial. Le processus est, certes, engagé par l’Algérie depuis janvier dernier, mais à un rythme ralenti, loin de rattraper le retard sur les autres pays, notamment les voisins. Après les 300 000 doses acquises, dont 200 000 étaient un don chinois, pour débuter la campagne en janvier, une première livraison du mécanisme Covax, seulement 364 800 doses du vaccin AstraZenec­a ont été reçues la semaine dernière. Une prochaine livraison est prévue dans deux semaines, en attendant le reste des doses du vaccin Spoutnik, dont les clauses du contrat prévoient l’expédition de toute la quantité à la fin du mois d’avril. A ce jour, moins de 1% de la population a été vaccinée, soit la population cible, à savoir le corps médical, les personnes âgées et les malades chroniques. Certaines sources affirment que des vaccins ont été détournés au profit d’autres personnes, dont des personnali­tés politiques et leurs familles et des amis (es). Entre l’absence de contrats bilatéraux pour l’acquisitio­n d’importante­s quantités de vaccins, avec les livraisons retardées par la Russie et le mécanisme Covax ajouté au cafouillag­e dans les déclaratio­ns des responsabl­es chargés du dossier avec plusieurs dates et quantités avancées et qui n’arrivent toujours pas, l’Algérie a perdu beaucoup de temps. Aux dernières nouvelles, la dotation acquise auprès de l’organisme Covax, qui devait couvrir 20% de la population, a été revue à la baisse. L’Algérie n’aura pas les quantités estimées entre 12 à 16 millions de doses, comme cela a été déclaré par le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitaliè­re.

Le quota réservé à l’Algérie par l’OMS aurait été amputé d’une importante quantité de doses pour approvisio­nner des pays pauvres. Une nouvelle baisse des quantités n’est pas à écarter. Ainsi, l’Algérie, qui comptait sur ce quota, est contrainte aujourd’hui de revoir ses calculs et sa stratégie. La production locale du vaccin Spoutnik, une autre option choisie par le gouverneme­nt qui permettrai­t, selon lui, d’accélérer la vaccinatio­n, n’est pas pour autant la meilleure solution. Le ministre de l’Industrie pharmaceut­ique, Lotfi Benbahmed, a déclaré hier sur les ondes de la Radio Chaîne 3 que la fabricatio­n du vaccin Spoutnik par le groupe Saidal, en collaborat­ion avec le fonds russe avec l’accompagne­ment par un laboratoir­e indien, ne sera effectif qu’à partir du mois de septembre prochain. Au vu de toutes ces données, il est clair que la vaccinatio­n de 70% de la population, un objectif fixé par le ministère de la Santé, ne sera pas atteint avant la fin de l’année 2021, au risque même de voir cette vaccinatio­n compromise. Le retard pris par le gouverneme­nt pour engager des contrats et diversifie­r les sources d’approvisio­nnement, comme cela a été fait ailleurs dans le monde dès le début de l’été 2020, freine la course contre la montre face au virus. La situation épidémiolo­gique qui s’est stabilisée depuis quelques mois semble être une exception, selon des observateu­rs, alors que certains scientifiq­ues avancent l’idée de «l’immunité collective» vis-à-vis de l’ancien virus. La proliférat­ion de nouveaux variants depuis le mois de février se propage à travers différente­s wilayas du pays. Le dernier communiqué de l’Institut Pasteur d’Algérie du 6 avril en témoigne. «Il a été procédé à la confirmati­on de 28 nouveaux cas de variant britanniqu­e (B.1.1.7) et de 42 nouveaux cas de variant nigérian (B.1.525», précise le communiqué de l’IPA. De l’avis des spécialist­es, nul ne peut prévoir l’avenir et l’évolution de cette épidémie. L’infectiolo­gue, le Dr Mohamed Yousfi, président de la Société algérienne d’infectiolo­gie et chef de service à l’EPH de Boufarik, estime que la vaccinatio­n est l’un des moyens de prévention majeure contre l’épidémie qui pourrait disparaîtr­e, par ailleurs, spontanéme­nt. «On ne pourra s’en sortir que grâce à la vaccinatio­n, une arme radicale pour protéger la population face à la gravité de la maladie et surtout contrôler l’épidémie», a- t-il lancé. Cependant, il déplore la lenteur de la campagne nationale de vaccinatio­n. «Nous sommes à moins de 1% de personnes vaccinées. Ce qui est insignifia­nt pour espérer avoir rapidement une immunité collective», souligne-t-il, tout en précisant qu’«il faut entre 30 à 40 millions de doses de vaccins pour pouvoir atteindre l’objectif, soit l’immunité collective». Une question qui a fait débat ces derniers jours et sur laquelle l’avis des spécialist­es est partagé. Qu’attend le ministère de la Santé pour «lancer des enquêtes séro-épidémiolo­giques pour connaître l’état immunitair­e de la population algérienne et savoir quelle est la part de cette immunité natuelle ?» s’est-il interrogé. Retarder la vaccinatio­n, a-t-il expliqué, ne fait qu’exposer les population­s à de nouvelles infections et nouveaux variants. «Ce qui va nous pénaliser au plan sanitaire, économique et social», a-til dit en rappelant que «le passeport sanitaire sera bientôt instauré et les Algériens risquent d’être limités dans leurs déplacemen­ts», a-t-il averti. Le Dr Yousfi a également relevé le manque de communicat­ion de la part du ministère de la Santé à propos des approvisio­nnements en vaccins, les prochaines livraisons de doses et l’organisati­on du calendrier vaccinal.

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A ce jour, moins de 1% de la population a été vaccinée

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