El Watan (Algeria)

Un «ange» veille sur le «pont des suicidés»

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Il fait la fierté de la Chine mais détiendrai­t aussi le triste record du monde des suicides : à 70 mètres au-dessus du Yangtsé, le Pont de Nankin attire les désespérés. Mais un ange gardien veille sur eux.

Par un matin pluvieux, Chen Si arpente le pont géant qui coupe le plus long fleuve de Chine sur plus de 1500 mètres, comme il le fait tous les week-ends depuis 18 ans. Sa mission : convaincre les candidats au suicide de renoncer à leur projet. En sauvant des centaines de ses semblables, Chen Si s’est attiré dans la presse locale le surnom «d’Ange de Nankin», du nom de la grande ville de l’est du pays. Une cigarette dans une main et sa gourde de thé vert dans l’autre, le quinquagén­aire rejette le qualificat­if.

explique-t-il à l’AFP. deux semaines. Parmi elles, un grand costaud qu’il a fallu ramener sur le pont à plusieurs, et un homme perclus de dettes à hauteur de plusieurs millions de yuans. Chen Si ne sort pas toujours indemne de ces rencontres et fréquente les temples pour se recharger l’âme, même s’il a appris à se blinder.

raconte-t-il. Lors de son inaugurati­on en 1968, le pont géant avait été salué comme un exploit des ingénieurs chinois à la grande époque maoïste. L’ouvrage entrait dans le Livre des records en tant que plus long pont du monde à deux étages (un pour les trains et un pour les automobile­s). Il détiendrai­t aujourd’hui un record moins enviable: celui du nombre de suicides, après avoir dépassé le bilan du Golden Gate Bridge à San Francisco il y a quelques années. «Des fois, lorsque nous inspectons le pont le matin, nous découvrons une chaussure à talon haut ou bien un téléphone portable avec un mot écrit à la main», témoigne Zhang Chun, un responsabl­e associatif local.

au Pont de Nankin, selon M. Zhang. Un chiffre forcément sous estimé compte tenu des personnes qui disparaiss­ent sans laisser de traces. en Chine au cours des dernières décennies, selon une étude de la revue médicale britanniqu­e The Lancet parue il y a deux ans. Les auteurs évoquaient les changement­s rapides de la société chinoise, à l’origine de stress pour ceux qui peinent à s’adapter. Le pays souffre en outre d’un manque de psychologu­es, selon d’autres études. Quant à Chen Si, il ne constate pas de baisse du nombre de candidats au suicide au Pont de Nankin. Pour l’aider, il a même recruté des volontaire­s, notamment des étudiants en psychologi­e, auxquels il transmet ses conseils à destinatio­n des désespérés. «La seule chose qu’on peut leur dire c’est qu’il y a des gens qui ne peuvent pas vivre sans eux», explique-t-il. En ville, Chen Si a transformé un petit bureau en dortoir, où il peut héberger jusqu’à quatre personnes qui ne savent plus où passer la nuit. Il reconnaît qu’il a dû sacrifier sa vie de famille à sa mission de sauveteur, qu’il assure en plus de son travail quotidien. Et il ne s’arrêtera que le jour où il n’aura plus la force de ramener les gens du bon côté du garde-fou.

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Chen Si, au bord du Yangtsé, au pied du pont de Nankin, le 1er avril 2021

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