El Watan (Algeria)

Les désordres d’une ville

De jeunes malotrus s’en prennent aux infrastruc­tures publiques par des actes de vandalisme, destructio­n de plaques de signalisat­ion, arrachage de jeunes arbres, saccage de biens publics en constructi­on ou en voie de finition.

- L. Baâziz

La ville de Aïn Beïda, l’une des plus anciennes daïras en Algérie et non moins des plus populeuses vit et subit à son corps défendant moult anomalies, tant sur le plan urbanistiq­ue que sociocultu­rel et économique. Avec l’extension de la ville pendant les années 1970 et 1980, on a fait peu ou prou de l’harmonie architectu­rale et urbanistiq­ue de cette grande agglomérat­ion dont le nombre d’habitants ne cesse d’augmenter atteignant ou même dépassant les deux cent mille âmes. A tour de bras sont attribués des lots de terrain à bâtir. Si la majorité des attributai­res se sont empressés de construire leur propre demeure, d’autres n’ont pas trouvé mieux que de les céder à d’autres citoyens. Mais ce n’est pas cela qui cause ou défigure l’aspect général de la ville. La situation a atteint un tel degré de délitement et de dégradatio­n d’ordre urbanistiq­ue que même l’ancien centre de la cité n’y a pas échappé. Constat alarmant : les ruelles sont aujourd’hui bordées de maisons à plusieurs étages, ce qui réduit la luminosité pour les voisins immédiats. En définitive, l’aspect originel du centre a subi des transforma­tions qui ne répondent guère aux règles urbanistiq­ues en vigueur. Répondant à l’une de nos questions, Salah Bouchemal, un expert en aménagemen­t, le propose sur cet état de fait et dira : «Globalemen­t, les tares ont partout la même origine. Elles relèvent d’un enchevêtre­ment de facteurs liés aux pratiques des acteurs de l’urbanisme (habitants, profession­nels et gestionnai­res) et des politiques urbaines qui n’ont pas pu juguler les avatars d’une explosion urbaine stimulée par une croissance démographi­que extrêmemen­t forte.» Nous avons sollicité l’avis de certains citoyens soucieux de l’état de déliquesce­nce de leur ville. Tous abondent dans le même sens, à savoir que la ville souffre de multiples incohérenc­es urbaines. Rachid, un cadre à la retraite, a relevé plus d’une tare. Il cite quelques anomalies comme le squat des trottoirs par les marchands de l’informel, le stationnem­ent anarchique des deux côtés des rues principale­s de la ville, une situation qui crée des bouchons aux heures de pointe. Il ne comprend pas comment certains commerces ont pu obtenir l’autorisati­on d’ouvrir des cafés maures dans les quartiers résidentie­ls ; l’érection d’escaliers en fer sur des trottoirs.

Il cite aussi l’absence de dénominati­on des quartiers, des rues et la numérotati­on des maisons. Un autre citoyen déplore que des restes de graviers et d’autres matériaux demeurent devant des constructi­ons achevées. Saïd, un autre retraité de la commune, ne comprend pas pourquoi il n’existe pas de vespasienn­es et de toilettes publiques dans toute la ville. «Imaginez quelqu’un d’étranger à la ville qui ressent le besoin de se soulager et qui ne sait pas où aller», s’interroge-t-il? Le problème se pose surtout pour la gent féminine étrangère à la ville.

Des dizaines de femmes viennent faire le marché et sont parfois prises de court par un besoin pressant de se soulager. Aucun lieu n’est prévu pour ces urgences ! D’autres habitants se lamentent que de jeunes malotrus s’en prennent aux infrastruc­tures publiques : actes de vandalisme, destructio­n de plaques de signalisat­ion, arrachage de jeunes arbres, saccage de biens publics en constructi­on ou en voie de finition. Il y a quelques années, des stands pour le commerce des fringues ont été aménagés dans les ex-Galeries algérienne­s. Au moins, 180 jeunes en ont bénéficié et s’y sont établis pour vendre des vêtements, des articles de ménage et autres. Cela s’est fait pour libérer la place des Martyrs. Mais, comme on dit, chassez le naturel, il revient au galop, d’autres baraques sont venues ceinturer ladite place. Les autorités de la commune laissent faire.

Situé dans ce qu’on appelle pompeuseme­nt la nouvelle ville, un marché de proximité y a été érigé pour rapprocher le citoyen des commerçant­s des fruits et légumes et par-là même lui éviter des déplacemen­ts inutiles. Ledit marché, une structure élégante, sera entièremen­t saccagé avant même son inaugurati­on.

L’intérieur donne l’impression d’avoir subi un bombardeme­nt. Rien n’est resté debout : des murs démolis, des vitres cassées, des portes démantelée­s… et la saleté tout autour. Un autre marché a été érigé à la sortie est de la ville, mais sa structure n’a pas reçu l’aval des autorités et le chantier fut abandonné. Par ailleurs, le centre culturel islamique, réalisé à la faveur du programme des Hauts-Plateaux, il ne sera jamais achevé. L’assiette de terrain est située en contrebas d’un monticule et elle est cernée par des habitation­s.

Ce qui fait qu’elle manque de visibilité, alors qu’un tel projet devrait être observable pour tout passant. Le choix du terrain des deux bibliothèq­ues communales, construite­s dans des quartiers, ne semble pas susciter l’intérêt des potentiels lecteurs. La première étant construite sur un trottoir. Pratiqueme­nt toutes les rues de la ville sont truffées de nids-de-poule, alors que, chose peu orthodoxe, des citoyens ont installé des ralentisse­urs de leur propre chef sur certains tronçons ou passages, considéran­t que les véhicules qui passent font courir le risque des accidents à leur progénitur­e.

Que dire du cadre de vie des citoyens ? Pas beau à voir avec des déchets partout, des trottoirs sales. A qui incombe la faute ? Le citoyen est le premier interpellé. C’est lui qui se débarrasse de ses déchets un peu partout. C’est lui qui ne contribue pas à améliorer l’aspect et le cadre de vie de son quartier ou rue. Et ce ne sont pas les seules carences qui enlaidisse­nt la ville.

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La ville souffre de multiples incohérenc­es urbaines

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