Comment guérir un malade qui croit que ce sont les autres qui sont malades ?
Chaque jour, il faut compter un nouvel absent pris dans le grand filet, journaliste, facebookeur, poète, manifestant ou islamologue. Dernier en date, un jeune patron de laboratoire privé et premier exportateur de médicaments, accusé d’avoir vendu un produit à perte, incarcéré là où un simple tribunal commercial aurait pu établir les faits. Ce suicide du régime, qui a réussi à se mettre tout le monde à dos en dehors des apparatchiks en poste qui essaient tant bien que mal de justifier toutes ces dérives, est d’autant plus inquiétant qu’il ne s’agit pas de l’une des nombreuses administrations liberticides qui se sont succédé depuis l’indépendance, mais d’un régime particulier, arrivé grâce à une révolution populaire pacifique et qui utilise quotidiennement des adjectifs comme «Algérie nouvelle»,
«libre», «juste» et «moderne». Dans cette énième triste affaire pour l’économie nationale, deux faits auront sauté aux yeux, le prisonnier Nabil Mellah est actionnaire de la société qui édite Maghreb Emergeant et Radio M, deux médias tantôt censurés tantôt accessibles, et surtout, le médicament importé en cause est un immunosuppresseur, Imurel, qui diminue les réactions de défense de l’organisme face à un corps étranger, dans le cas notamment de greffes. Il y a donc une logique, avec la main étrangère qui se faufile partout, il fallait bien mettre en prison l’importateur de cet immunosuppresseur qui réduit les défenses. Sauf qu’à bien y réfléchir, ce médicament pourrait s’avérer utile, car il s’agit bien d’une greffe, celle de responsables largement associés à la faillite du régime précédent, installés de force sur le dos des millions de manifestants qui avaient demandé autre chose. Dans tous les cas, c’est d’un traitement médicamenteux à prescrire pour le régime dont il faut parler, tranquillisants, antipsychotiques et neuroleptiques contre la paranoïa. Mais que fait le ministère de l’Industrie pharmaceutique ? Pas de chance, c’est lui qui a attaqué Nabil Mellah en justice.