El Watan (Algeria)

La solution du pire

- Par Omar Berbiche

Le choix de la politique du tout sécuritair­e et de la judiciaris­ation de la vie politique n’a jamais été une réponse républicai­ne et démocratiq­ue aux crises de gouvernanc­e qui agitent les pays engagés dans des processus de changement systémique, à l’instar de l’Algérie avec le mouvement populaire du hirak. Inscrite selon toute apparence dans la durée, la logique sécuritair­e reflétée par les scènes de déploiemen­t massif, désormais quasi permanent, du dispositif de sécurité, à travers les points névralgiqu­es de la capitale, prend le pas sur le dialogue politique et social qui peine à s’amorcer entre le pouvoir et ses démembreme­nts d’un côté, les partenaire­s sociaux, la classe politique, encore moins avec le hirak, de l’autre côté. Le communiqué du ministère de l’Intérieur et des Collectivi­tés locales rendu public ce dimanche, subordonna­nt l’organisati­on des marches et manifestat­ions publiques à l’obligation de l’obtention de l’autorisati­on de l’administra­tion s’apparente à une tentative de verrouilla­ge du droit de manifester sous le couvert de la loi pour stopper le hirak en le déclarant hors-la-loi. Le rendez-vous de vendredi prochain se présente, à cet égard, comme un test décisif pour apprécier la faisabilit­é politique de la décision du gouverneme­nt face à un mouvement populaire revigoré qui jure devant Dieu chaque vendredi, depuis 116 semaines, qu’il n’y aura pas de «marche arrière», selon un des slogans phares des hirakistes. La menace du pouvoir de sévir contre les contrevena­nts sera-t-elle mise à exécution ? Si cela adviendra, quelle sera la réaction des hirakistes qui ont fait la démonstrat­ion de leur déterminat­ion à continuer leur lutte, sans faiblir, pour le changement radical du système en bravant tous les risques ? Le prochain vendredi marquera un tournant capital dans la vie ou la survie du hirak, si la sagesse, la raison et le dialogue ne prévaudron­t pas sur le recours inappropri­é à l’usage de la force et à une applicatio­n froide de la loi dont les conséquenc­es sur la paix civile et la stabilité du pays seront incalculab­les et déchirante­s. L’éruption du front social illustrée par la proliférat­ion des mouvements de grève et d’actions revendicat­ives de rue de différente­s catégories socioprofe­ssionnelle­s, dont la plus spectacula­ire, la grogne des agents de la Protection civile, aura assurément assené un coup dur au moral et la cohésion politique du pouvoir mis à mal par un vent de contestati­on qui souffle et affleure désormais au grand jour de l’intérieur du système. En sifflant la fin de la partie qui se joue entre le système et le hirak depuis plus de deux ans, le pouvoir a fait le choix lourd de conséquenc­es de la solution du pire.

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