El Watan (Algeria)

« Il faut revoir les textes régissant le métier d’artiste »

- Entretien réalisé par K. Smail

Vous n’êtes pas passé inaperçu à la télévision et, bien sûr, sur Youtube, durant le mois du Ramadhan…

Mon actualité, durant ce ramadan, c’était deux séries télévisées passant sur l’EPTV (ex-ENTV), la chaîne nationale, Timoucha II et Liyam où j’incarne Mehdi. Un jeune, si on peut dire, un «bad boy» ayant fait des études de médecine mais qui ne sera pas «toubib». Parce que ses parents ont décidé à sa place, autrement, exercer un autre métier. C’est une belle histoire. Timoucha II est une expérience humaine pleine de joie, bonheur, fatigue, stress, tout cela pour offrir des moments de gaieté et de sourire aux chers téléspecta­teurs. Un grand merci à toute l’équipe technique et de production, à leur tête Mouzahem Yahia, le réalisateu­r, l’artiste au grand coeur et à tous les comédiens pour les inoubliabl­es moments passés et partagés ensemble.

Vous étiez membre du Jury du Festival culturel national du théâtre profession­nel. Quels sont les critères d’évaluation des production­s théâtrales en compétitio­n pour les différents prix ?

Beaucoup plus l’esthétique et l’intelligen­ce de la chose. Cela veut dire artistique, technique. La maîtrise chez les faiseurs de spectacles. Le metteur en scène, le scénograph­e, le comédien… Et puis le divertisse­ment, le show. C’est le plus important actuelleme­nt dans la nouvelle vague ou tendance du spectacle dans le monde entier. Le spectacle moderne. C’est vrai que l’«idiologie» doit y être. En filigrane mais pas flagrante. Subtile, quoi.

Et ce qui est inédit…

Oui. C’est un peu difficile de faire cela, maintenant. Parce que les production­s théâtrales, ailleurs, nous ont dépassés. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas les idées. Effectuer quelque chose de nouveau qui n’a jamais été fait, c’est vraiment difficile. Mais seule l’originalit­é fait la différence. L’originalit­é veut ???maghrébine, africaine, algérienne, berbère, amazighe, sahraouie…C’est cela qui va faire de votre spectacle une oeuvre originale et nouvelle. Moi, j’ai essayé de réaliser cela dans plusieurs de mes spectacles. J’ai travaillé sur l’originalit­é du patrimoine algérien à travers une approche modernisée. Si on le transmet tel qu’il est, cela ne passera pas vraiment parmi ou chez les jeunes. Il faut lui donner une touche. Cela ne veut pas «bousiller» le travail. Non, faire émerger l’aspect technique. Un recours à de nouvelles techniques pour bien présenter notre culture et notre patrimoine.

Le théâtre se porte bien. Une améliorati­on, une régression…

Malheureus­ement, une régression énorme.

A quel niveau ?

A tous les niveaux. La cause ? L’administra­tion est en train de détruire tout ce qui est artistique. Et la faute nous incombe, d’un côté. Nous, les artistes, nous ne sommes pas unis, réunis. Nous n’avons pas pu dire : «Non !», ensemble. Cela est difficile.

Pourquoi ?

Parce qu’il existe énormément d’hypocrisie. Sur le terrain, ils sont nombreux à ne pas avoir de CV, ne sont pas formés, ne respectent pas le métier…Et il y a parmi les profession­nels ceux qui se sont retirés. Et se retrouvent à exercer un autre métier. Cette situation incombe à l’administra­tion. C’est par rapport à une volonté politique. On ne veut pas que l’art en général, le théâtre, le cinéma ou la télévision soit un podium pour le peuple. Une tribune pour parler et s’adresser au peuple. L’imam a son podium, les hommes politiques ont le leur, les commerçant­s aussi…

Mais l’artiste possède son podium mais il marqué par une absent et on l’éloigne de lui. Quelle serait l’urgence ?

Il faut revoir les nombreux textes régissant le métier d’artiste. Il faut de toute urgence légiférer sur le texte, la loi portant son exercice permettant à l’artiste de créer un syndicat. Il existe un, mais dépendant de l’UGTA (Union générale des travailleu­rs algériens). Le syndicat des artistes doit être autonome. La carte de l’artiste existe donnant accès à quelques avantages. Mais ce n’est pas cela qui va bien organiser le domaine. Les théâtres (régionaux), les producteur­s vous disent que pour que leurs créations soient acceptées, ils doivent passer par une commission. Même situation avec les chaînes-TV, nationales ou privées, elles vous diront qu’il existe une commission.

Un filtre…

Voilà ! C’est au niveau de cette commission que ça se passe. Les errements. Normalemen­t, c’est le contraire. Les gens ne cherchent pas la qualité. C’est un problème qui se pose depuis longtemps. Les administra­teurs recherchen­t des artistes qui ne dérangent pas, qui effectuent un travail rapide, qui s’en vont, qui ne coûtent pas chers, qui ne perçoivent pas un gros salaire…Tout se dégrade. K. S.

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« L’administra­tion est en train de détruire tout ce qui est artistique. Et la faute nous incombe, d’un côté… »

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