Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ?
LA FACTURE D’IMPORTATION, UN TRISTE CONSTAT MALGRÉ LES POTENTIALITÉS, DONT DISPOSE L’ALGÉRIE
L’évolution des marchés n’est plus liée aux politiques économiques, mais aux performances économiques et à la capacité de l’entreprise sur les marchés en réponse aux attentes des consommateurs en termes de prix et de qualité et de diversité des produits offerts.
Dans cette conjoncture marquée par la chute vertigineuse du prix du baril de pétrole, de près de 60% de sa valeur et une baisse substantielle des réserves de change pour atteindre aujourd’hui un niveau couvrant 12 mois d’importation, face à un marché énergétique mondial incertain et une démographie pesante avec un taux de croissance qui évolue entre 2 et 3% et la dépense publique représente près de 50% du PIB. Dans ce contexte, l’entreprise algérienne produit très peu et ne rapporte que très peu de devises pour le pays, elle dépend fortement des importations (matières premières, pièces de rechange, équipements, matériels, assistance technique …) et donc des réserves de changes constituées de l’exportation des hydrocarbures. Il va sans dire, c’est Sonatrach qui nourrit à ce jour notre pays, l’Etat et les entreprises étant réduites à transformer les pétrodollars dans les importations, alors que le management industriel et la rentabilité économique et financière importaient peu. Ainsi, l’Algérie a échoué à passer d’une économie de rente à une économie de marché, puisque nos entreprises gardent encore la mentalité étatique (beylik), après cinquante-neuf ans de notre indépendance. «Notre pays est donc menacé d’une paralysie de son système économique et financier», après avoir dépensé des milliards de dollars de la rente pétro-gazière, voire le recours excessif à la planche à billets sur lesquels ont reposé la politique économique des députés et gouvernements de ces dernières décennies. Mais là est tout le problème : un faux importateur ou un faux investisseur est un mauvais contribuable ! En somme, rien d’extraordinaire pour libérer le pays de la forte dépendance d’un système économique et budgétaire par rapport aux hydrocarbures. En effet, la facture d’importation a dépassé durant ces deux dernières décennies les 40 milliards de dollars annuellement ; quant à la facture des services importés dans plusieurs secteurs, elle s’élève à 12 milliards de dollars ; par an contre, une production locale, estimée entre industrie et agriculture, l’équivalent à 35 milliards de dollars, avec une croissance excessive de la demande interne qui a presque triplé au détriment de l’acte de produire, à l’heure où le constat est particulièrement sévère aujourd’hui au regard de la conjoncture énergétique internationale plutôt enfoncée, car on est passé de la politique de la demande à la politique de l’offre. En effet, notre pays ne pouvant désormais compter sur l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (l’OPEP), qui ne peut s’engager dans une guerre des prix en raison de l’évolution de la concurrence devenue très rude avec la révolution des hydrocarbures de schiste, le développement rapide des énergies renouvelables, le marché spot et, enfin, du fait que l’OPEP est faiblement intégrée dans l’économie mondiale et dans les espaces géostratégiques puisque cette dernière ne contrôle qu’environ 30% du marché mondial pétro-gazier. Ce qui peut inquiéter l’équilibre socio-économique présent et futur du pays, car faut-il le rappeler, près de 75% de la population vit aujourd’hui de la rente et la fiscalité pétrolière continue à financer le budget de l’Etat pour près de 60%, et un niveau d’intégration de production de nos entreprises demeure très faible à moins de 15%. Ainsi, l’écart est très important avec notamment un impact économique et financier douloureux, sans une maîtrise technologique ou management industriel. Cela nécessite une seconde révolution industrielle, comme ce fut le cas dans les années 1970, où l’Algérie avait une politique industrielle et agricole, comme nous le verrons dans les lignes qui suivent. Pour rappel, l’évolution de nos importations, passant de 6 milliards de dollars en 1970 à 14 milliards de dollars en 1990, pour atteindre aujourd’hui 50 milliards de dollars. Notre industrie est sinistrée, qui est ainsi passée de 18% du PIB dans les années 1970 à 10% en 1996 pour chuter à 5% en 2000 et un taux d’intégration de 15% qui reste relativement très faible, contre 40%, voire 80% dans le secteur de la mécanique et la sidérurgie des années 1970. A l’heure où nos entreprises, nos banques et nos importateurs qui se montrent incapables de se développer avec les règles et les mécanismes de l’économie de marché. Cela met en avant de grandes questions sur l’apport du commerce de l’importation dans la vie économique et sociale du pays. Existe-t-il une offre nationale de substitution qui pourrait faire face aujourd’hui à la réduction de 50% de nos importations qui absorbent déjà nos exportations ces dernières années ? Combien sont-ils les importateurs qui sont dotés aujourd’hui d’une organisation managériale ou d’une culture économique et commerciale au service de notre développement économique et du commerce extérieur pour l’image de l’Algérie ? Exemple : à une époque, le Japon importait des voitures russes reconnues pour leur qualité supérieure en tôle, non pas pour les besoins de leur marché en revente en l’état, mais tout simplement destinées pour la Re-transformation, et l’entreprise japonaise produisait l’équivalent de deux à trois véhicules. Notre pays est aujourd’hui confronté à une vulnérabilité structurelle d’ordre socioéconomique, dont la structure de l’économie algérienne reste fort dominée par les personnes physiques qui représentent 91% (commerces et services), et 50%, composés de matières premières et d’équipements industriels sont destinés au fonctionnement de nos entreprises. Ceci dit, le gouvernement est devant la gravité de la facture des importations, qui représente près de 75% de nos besoins qui absorbent déjà nos recettes pétro-gazières. Plus dramatique encore, la politique budgétaire n’est guère idéale face à cette chute des prix du baril de pétrole de près de 60% de sa valeur qui risque de se poursuivre et aussi d’un record des transferts de devises de l’Algérie vers l’étranger. Ce qui constitue aujourd’hui le vrai noeud de la crise actuelle, en effet, le gouvernement devra réduire la facture d’importation et les plans de développement de 50% pour équilibrer la balance des paiements afin de maintenir et sécuriser nos réserves de change pour l’attrait des Investisseurs directs étrangers (IDE). Aujourd’hui, le monde de l’entreprise est l’oeuvre du professionnalisme (esprit d’entreprise, culture économique, expertise) et des banques d’affaires qui développent de nouveaux mécanismes de la micro-économie, comme étant l’une des mesures essentielles avec laquelle nos entreprises et nos importateurs peuvent s’ouvrir sur le monde de l’économie et par voie de conséquence ouvrir le marché aux grands investisseurs pour développer des partenariats stratégiques, et par conséquent attirer une croissance externe de soutien à la production nationale, le vrai défi à relever pour une économie hors hydrocarbures. En ce sens, on ne doit pas soumettre l’entreprise à une instrumentation juridique ou procédurale de droit public trop forte. L’économie, encore une fois, ne se décrète pas, elle se fait et se développe avec l’action et le propre de l’homme de la vision économique ou de l’évolution des marchés. Ceci dit, nous devons plaider pour des entreprises stratèges et un Etat régulateur orienté par les règles et les mécanismes du marché pour faire croître notre économie, car l’administration algérienne, restant imprégnée de l’esprit de l’Etat-providence plutôt que de l’esprit d’entreprise fonctionne toujours selon l’ancien mode de gestion et ignore presque tout des évolutions de la globalisation et de la mondialisation de l’économie. Notre état d’esprit est toujours : c’est l’Etat qui édifie l’économie en oubliant l’entreprise, l’importateur et l’investisseur qui sont bien l’outil principal de diversifier notre économie en tant les vrais acteurs-clés dans le processus du développement économique et du commerce extérieur. Certes, des efforts énormes ont été consentis par l’Etat ces dernières années en matière d’infrastructures et d’équipements collectifs, mais l’on s’interroge quant au rôle et la place de nos banques dans le financement de l’économie : sont-elles à bout de souffle devant la gravité de l’expansion du commerce de l’importation sans développement économique, ou du moins dégager un budget devises pour le pays lorsque l’on sait d’un côté que nos importateurs n’assurent pas de revenus en devises au pays et ne disposent pas également de budgets ou de comptes devises à caractère commercial, et de l’autre que près de 45% de la masse monétaire est dans les circuits du commerce de l’informel et par conséquent échappe à nos banques ? Elles sont censées s’adapter avec les outils du management moderne telles que l’ ingénierie financière et l’intelligence économique de manière à surveiller le niveau de confiance et à maîtriser l’évolution économique et financière des agents économiques, dont notamment les importateurs, et ce, afin d’évaluer de manière tout risque et par voie de conséquence le développement du commerce extérieur doivent être intégrés dans la croissance économique et le contrôle des flux financiers vers l’étranger en relation avec les exportations et les importations. L’évolution des marchés n’est plus liée aux politiques économiques, mais aux performances économiques et à la capacité de l’entreprise sur les marchés en réponse aux attentes des consommateurs en termes de prix et de qualité et de diversité des produits offerts. Cela signifie qu’il faut mobiliser de nouvelles ressources pour financer leurs importations via les exportations qui marquent définitivement la rupture avec l’ère de l’aisance financière et du pétrole plus cher des années 2000, tant l’impératif d’assurer la transition économique vers une économie d’entreprise et d’adapter les règles et les mécanismes de l’économie de marché. La course au profit maximum n’est justifiée dorénavant que si en même temps l’activité commerciale de l’importateur s’intègre dans une approche économique et sociale. En guise de propositions, il serait judicieux d’engager la réflexion sur «l’importation sans paiement», ce qui veut tout simplement dire n’ouvre pas droit au transfert sur l’étranger. Par conséquent, ce qui protège les intérêts financiers du Trésor public pour permettre à l’Etat de dépenser l’argent public de façon judicieuse et de faire donc un bon usage des finances publiques en créant plus de valeurs d’activités économiques et technologiques pour une nouvelle vie économique et sociale des Algériens dont l’enjeu est très important et décisif dans les mutations mondiales qui nous font face. Oui, en effet, ce n’est pas normal dans une économie de marché que les importateurs continuent de fonctionner avec le concours financier de l’Etat pour financer leurs opérations de commerce d’importation, notamment les subventions du taux de change bancaire par rapport au marché de la devise et sur les réserves de change provenant de la rente pétro-gazière, lorsque l’on considère que seules les exportations hors hydrocarbures peuvent financer le marché et soutenir la croissance, l’emploi et le pouvoir d’achat. En effet, le marché doit être au service des intérêts stratégiques du pays et préserve les intérêts du Trésor public pour permettre à l’Etat de dépenser l’argent public de façon judicieuse et de faire donc un bon usage des finances publiques au profit de la collectivité nationale. C’est bien pourquoi ces derniers doivent jouer un rôle économique et commercial stratégique dans les relations du commerce extérieur et intérieur bien établi, notamment comme acteurs à l’exportation et à l’importation appelés à participer effectivement et efficacement dans la production de richesses et prendre des initiatives économiques. Oui, plus on accélère les règles et les mécanismes de l’économie de marché, plus on donne aux entreprises et aux banques les grandes possibilités d’évoluer en croissance économique interne et externe. Une telle approche nous conduit à aborder la question concernant l’heure de vérité pour l’aprèspétrole, car prendre conscience de l’enjeu de l’entreprise, c’est prendre conscience de l’importance des politiques publiques pour renforcer le budget de la nation en matière de fiscalité ordinaire et de la balance des paiements en devises fortes. Comment expliquer une telle situation ? Tout a commencé au milieu des années 1980 par l’introduction du fameux Programme anti-pénurie (PAP) pour concrétiser pleinement le slogan «Pour une vie meilleure». Ce qui exclut toute perspective de développement industriel et de l’économie des entreprises. Et puis vint l’avènement de milliers d’importateurs sur la base d’un simple registre de commerce aux dépens des règles du jeu de l’économie de marché et d’une économie diversifiée, ce qui a valu la suppression du ministère du Plan dont-on connaît aujourd’hui les répercussions négatives sévères. «Les Algériens et le prix du baril de pétrole». En effet, mis à part les hydrocarbures, l’Algérie n’exporte presque rien. Nous terminons par une question qui s’impose d’elle-même : l’Algérie a-t-elle un modèle d’économie de marché permettant à l’économie nationale de se développer ?