El Watan (Algeria)

La Tunisie au creux de la vague

L L’annonce de croissance négative de 3% tombe au mauvais moment. Cela va compliquer la tâche des négociateu­rs tunisiens avec le FMI, ce mardi à Washington l Le pire, c’est que les politiques brillent par leurs querelles qui n’en finissent pas.

- De notre correspond­ant Mourad Sellami

La Tunisie entamera ce mardi 18 mai la phase technique de ses négociatio­ns avec le Fonds monétaire internatio­nal (FMI), afin que l’institutio­n de Breton Woods parraine un plan de réformes économique­s et financière­s en Tunisie, étalé sur quatre ans, en vue de faire sortir le pays de sa crise. La Tunisie a, entre autres, besoin de six milliards de dollars pour boucler son budget 2021. Un éventuel accord servirait de plateforme aux autres bailleurs de fonds, comme la BAD, l’Union européenne, etc. Mais, voilà que l’Institut national des statistiqu­es (INS) balance les résultats catastroph­iques du 1er trimestre 2021.

Le rapport de l’INS, publié hier, a révélé que la Tunisie a engendré une croissance négative de 3% durant le 1er trimestre 2021, traduisant la grave crise socioécono­mique traversée par le pays. Les autorités tablaient sur une croissance positive de 2% pour toute l’année 2021 et, au pire, une croissance nulle pour le 1er trimestre. Ce résultat s’explique par la régression de la valeur ajoutée des secteurs de l’agricultur­e et de la pêche de 6,7%, en raison d’une récolte très moyenne des olives, la chute de 6% des services marchands, suite à la régression de 30% des résultats des hôtels, restaurant­s et cafés, ainsi que le repli de 13% des services de transport. En plus, les industries agroalimen­taires ont reculé de 17,3%, alors que les industries chimiques ont régressé de 10,1%. Un tableau pas très reluisant ajouté à la décadence du secteur des phosphates, dont la compagnie risquant la faillite continue à payer plus de 20 000 employés. Si tels sont les ratios officiels de l’INS, les observateu­rs remarquent des grèves sauvages dans tous les secteurs publics, pour un oui ou un non. Les Recettes fiscales sont en grève depuis 15 jours, parce que leurs primes de recouvreme­nt ont été amputées de 10%, en proportion avec la quête fiscale qui a régressé du même pourcentag­e. Ces services du ministère des Finances menacent de bloquer tous les salaires des fonctionna­ires de l’Etat.

NÉGOCIATIO­NS

Par ailleurs, les ingénieurs des entreprise­s publiques sont, eux-aussi, en grève depuis cinq semaines, réclamant des améliorati­ons de leurs salaires. Et tout ce monde-là continue à recevoir les salaires mensuels sans qu’il y ait aucun service rendu. «C’est toute l’institutio­n de l’Etat qui part en vadrouille et il sera difficile de reprendre les rênes, surtout que les politiques ne font que se chamailler», constate Mustapha Ben Ahmed, président du bloc parlementa­ire de Tahya Tounes. Une délégation de la Banque mondiale, conduite par le vice-président en charge de la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient, le Tunisien Farid Belhaj, a passé une dizaine de jours en Tunisie, lors de la deuxième moitié du mois de mars. Elle a rencontré tous les intervenan­ts sur la scène politique et les principaux acteurs économique­s et financiers.

Farid Belhaj est arrivé à la conclusion que «les Tunisiens doivent s’unir pour faire sortir leur pays de sa crise». Il a conclu que «les partenaire­s sociaux doivent accepter les accords que le gouverneme­nt va signer avec le FMI, pour s’assurer de leur applicatio­n sur le terrain». Pour montrer cette entente aux institutio­ns financière­s internatio­nales, les centrales ouvrière et patronale ont signé des convention­s générales avec le gouverneme­nt. En termes pratiques, le rééquilibr­age de la trésorerie tunisienne nécessite, d’abord et essentiell­ement, la reprise du travail, assure l’ex-ministre des Finances Hakim Ben Hamouda. Ensuite, il s’agit de remodeler la compensati­on des produits de première nécessité et l’énergie afin qu’elle vienne en soutien aux couches les plus démunies. «Cette compensati­on revient aux contribuab­les à près de 12% du Budget et il est impératif de la ramener à 5% du Budget, en deux ans», assure le ministre des Affaires sociales, le syndicalis­te Mohamed Trabelsi, ajoutant que «des bons de cash seront distribués mensuellem­ent aux plus démunis pour compenser les augmentati­ons des prix, afin que les plus démunis ne ressentent pas le nivellemen­t des prix». Néanmoins, la centrale syndicale UGTT avertit, via son secrétaire général, Noureddine Taboubi, que «le gouverneme­nt ne doit pas toucher au pouvoir d’achat des Tunisiens». Et comme ces «Tunisiens ne discutent pas entre eux, l’équation est difficile à résoudre», conclut l’ex-ministre Hakim Ben Hammouda.

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Après la crise sanitaire, la Tunisie fait face à une crise économique et sociale

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