El Watan (Algeria)

Et pourtant elle tourne !

- N. N.

Epur si muove !» Et pourtant elle tourne, aurait pu s’écrier le Pr Djamel Mimouni devant ses juges hier. Comme Galilée, en 1633, avait marmonné devant ses inquisiteu­rs, Mimouni, lui aussi physicien, devait avoir cette assurance de ses conviction­s et pitié de ses geôliers. Car nous vivons une drôle d’époque algérienne, où l’éphémère politique veut décider, comme l’Eglise du moyen-âge, de la vie et la mort des Algériens et jusqu’à leurs intentions. C’est contre cet «absurdista­n» que se révolte le Pr Mimouni, lui qui a rejoint le hirak dès le début, avec une foule des meilleurs universita­ires de Constantin­e. Sa silhouette frêle et filiforme est habituée du hirak de cette ville révolution­naire, où la jonction entre les strates populaires révoltées et l’élite engagée donne de la qualité et de l’endurance au mouvement. Arrêté vendredi au centre-ville, avant la manifestat­ion, Mimouni a passé deux nuits au commissari­at avant d’être présenté hier devant le procureur qui l’a placé sous contrôle judiciaire. Son affaire a suscité l’indignatio­n nationale et un large mouvement de solidarité, tant le personnage est populaire. Acadé- micien brillant, vulgarisat­eur de la science et meneur associatif très actif, le Pr Mimouni mène une carrière dynamique du haut de ses 65 ans. Né à Paris et titulaire d’un doctorat en physique théorique de l’université de Pennsylvan­ie en Amérique, Mimouni a préféré l’Algérie son pays, pour vivre, transmettr­e sa science, et partager son savoir et son bonheur avec ses concitoyen­s. Son CV commande le respect. Mimouni enseigne la physique à l’université des Frères Mentouri ; il a créé l’Ecole doctorale de physique dans le même établissem­ent et dirige l’unité de recherche en culture et vulgarisat­ion scientifiq­ue. Depuis au moins vingt ans, il est habitué des revues scientifiq­ues internatio­nales, il donne des conférence­s et anime des workshops dans de nombreux pays arabes et africains. Il est présent aussi dans différents forums régionaux et à travers le monde où il ne manque jamais de réaffirmer son engagement ferme pour la science, ce qui lui vaut d’être reconnu, primé et chargé de responsabi­lités. Le Pr Mimouni est actuelleme­nt vice-président de l’Union arabe de l’astronomie et des sciences de l’espace (AUASS) et président du comité exécutif de la Société africaine d’astronomie (AFAS). L’Algérie ne compte pas une foule d’universita­ires ayant atteint cette reconnaiss­ance, les rares Mimouni sont précieux pour ne pas que notre pays disparaiss­e du radar scientifiq­ue de la planète.

C’est pour sa patrie que Djamel Mimouni déploie aussi des efforts titanesque­s à l’endroit du grand public pour vulgariser la science. Scrutateur du ciel au visage débonnaire, Mimouni a su tisser des liens solides avec la société, grâce à son style. L’associatio­n d’astronomie Sirius, qu’il préside, a pénétré dans tous les foyers algériens qui attendent maintenant chaque année les observatio­ns scientifiq­ues et le verdict de Sirius concernant le début et la fin du Ramadhan. Sirius est aussi l’associatio­n scientifiq­ue la plus active grâce à son dynamisme et la qualité de ses actions publiques, notamment le fameux festival annuel d’astronomie et le concours Cirta-Science. Chasseur d’éclipses, le professeur est connu aussi pour ses voyages à travers les continents pour observer le phénomène, en compagnie de jeunes Algériens à qui il ouvre les yeux sur la science, sur l’infini de l’univers et l’insignifia­nce de l’homme. Remède imparable contre les certitudes, cette maladie qui caractéris­e les politiques. L’inquisitio­n a disparu et l’humanité n’en a retenu que l’injustice de la cause et la monstruosi­té des inquisiteu­rs.

C’est la Terre qui tourne autour du Soleil et l’histoire retient que Galilée avait raison. Avec Mimouni, elle ne fait que se répéter.

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Le professeur Djamel Mimouni

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