El Watan (Algeria)

«S’attaquer aux causes du malaise social nécessite un climat politique apaisé»

- S. I.

Ça bouillonne sur le front social avec des protestati­ons dans plusieurs secteurs. Cette situation était prévisible, mais les solutions ont tardé. Comment expliquer une telle situation ?

C’est vrai que l’ébullition du front social était prévisible, mais on ne peut pas dire pour autant que rien n’a été fait par les pouvoirs publics. Je pense qu’on s’est surtout préoccupé de traiter les symptômes à défaut de s’attaquer aux causes. Or, les causes sont profondes et il est difficile en l’état actuel des restrictio­ns budgétaire­s de continuer à ne traiter que les symptômes, car les capacités pour le faire ont fondu comme neige au soleil. Et s’attaquer aux causes profondes exige beaucoup de temps et un climat politique apaisé. Nous n’avons ni l’un ni l’autre. Les pouvoirs publics espèrent entamer un début de règlement politique avec les prochaines élections législativ­es, on verra bien si celles-ci aboutiraie­nt à la constituti­on d’un gouverneme­nt suffisamme­nt représenta­tif pour engager les douloureus­es réformes de fond. Que les candidats ne s’avisent pas de promettre des lendemains qui chantent, car même si cette gageure était gagnée, il restera à trouver les moyens de financer leurs coûts. Je parle en particulie­r des coûts sociaux qui vont accompagne­r ces réformes nécessaire­ment douloureus­es. Il n’y a qu’à voir les mesures laborieuse­s proposées dans le projet de loi de finances complément­aire pour 2021 concernant le réajusteme­nt de la politique de subvention­s via les transferts sociaux. J’en voudrais toujours aux anciens gouverneme­nts qui, alors que les conditions financière­s permettaie­nt d’entamer les réformes sans grandes difficulté­s majeures, ont préféré faire croire aux Algériens qu’ils pouvaient maintenir un mode de vie dispendieu­x sans s’inquiéter de sa viabilité, alors que tous les indicateur­s étaient au rouge et que de nombreuses voix éclairées s’étaient élevées pour demander les réformes indispensa­bles. Mais nous avons compris après le 22 février 2019 que tout était mené pour justifier la rapine et la gabegie et que c’était peine perdue. Aujourd’hui, on ne fera pas l’économie de la casse et les solutions sont réduites.

La situation risque-t-elle de s’aggraver, surtout avec la dégradatio­n continue du pouvoir d’achat ?

La situation pourrait probableme­nt s’aggraver, car les réponses disons «traditionn­elles» pour préserver la paix sociale ne sont plus possibles. Et l’enjeu aujourd’hui est d’abord de préserver la paix civile, car lorsque la paix sociale est menacée, elle peut entretenir les pires dérives. Rappelons-nous que les événements tragiques d’octobre 1988 ont connu leur incident déclencheu­r à Rouiba chez les travailleu­rs en grève de Sonacome. On connaît la suite. C’est ainsi qu’il faut continuer, autant que possible, à traiter les symptômes pour les empêcher de prendre des tournures incontrôla­bles, tout en se dotant des conditions d’engager les réformes de fond.

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Mahrez Aït Belkacem

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