Retour aux fondamentaux
Les prochaines élections législatives ne constitueront pas la solution à la crise, comme l’ont déclaré des organisations politiques qui n’entendaient prendre aucun risque vis-à-vis de leur base ou de la rue. La nouvelle Assemblée nationale fera en effet office d’un instrument supplémentaire de gouvernance et, subsidiairement, un moyen de rehausser le statut social des nouveaux arrivants, un aspect que les mêmes organisations aujourd’hui investies dans la plus grande radicalité n’avaient pas spécialement abhorré par le passé. Ce que les acteurs politiques de l’opposition omettent de dire, c’est que le boycott de l’échéance électorale de juin, qui paraît couler de source en raison du climat général dans le pays, ne sera pas non plus une solution à la crise. Cette pédagogie à rebours, qui fait du boycott une victoire politique et de l’empêchement des élections une avancée citoyenne, se révélera à court terme improductive, sinon dangereuse. Le 12 juin, le «système» ne sera ni vaincu ni restauré. Parce qu’il n’existera probablement plus ou alors irrémédiablement en ruines. Le système politique est en fait totalement à rebâtir. Plus de deux années après le début du mouvement populaire, et l’éphémère théorie des «4 B», il n’est toujours pas possible d’identifier l’artisan de l’impasse et l’obstacle au progrès. Est-ce le clan Bouteflika, l’actuelle équipe au pouvoir, ou le commissariat le plus proche ? Les adversités sont diffuses, les perspectives incertaines. Beaucoup d’enthousiasme avait été affiché à l’annonce d’une rencontre de concertation à Kherrata. Il s’est avéré au final qu’il fallait obtenir un consensus avant de tenter d’esquisser une feuille de route consensuelle, et mettre en place un comité organisationnel après avoir rejeté toute idée de structuration ou de représentation du mouvement de contestation. Le retour aux fondamentaux de la politique est une urgence vitale. Ils ont pour noms : les partis et le suffrage universel. Ce sont les formes les plus structurées et les plus abouties de l’exercice politique et de l’expression citoyenne. Parce que décidées unilatéralement, les prochaines législatives sont en train de passer par pertes et profits et les candidats à la députation sont immanquablement couverts autant de quolibets que de condamnations sans appel. Mais la diabolisation définitive de tout processus électoral, sous le prétexte de l’omniprésence d’une «bande» encore aux affaires, est le scénario catastrophe qu’il faudra éviter. Cette posture de rejet tous azimuts montrera très vite ses limites, dès lors qu’il est impossible de concevoir une Assemblée communale sans élus ou un comité de village et autre association sans représentants. Or, c’est à ce niveau-là que commence la construction d’un nouveau destin national. Au registre de la lutte contre la grande corruption, les rebondissements ou les soubresauts claniques ont provoqué une forme de «nettoyage» par le haut, avec un certain succès et quelques dégâts humains. Mais pour rebâtir un nouvel édifice institutionnel qui réponde aux normes de transparence et de performance, l’ouvrage démarre à l’échelle locale.