El Watan (Algeria)

Les dégâts subis par l’économie nationale

L Encombreme­nt des ports, des surestarie­s qui dépassent un milliard de dollars et des coûts de fret qui culminent à des niveaux jamais atteints.

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Le préjudice de la fermeture des ports secs sans solution alternativ­e est incommensu­rable. La fédération patronale des transports et de la logistique, Translog, fait un constat alarmant de la situation. Le 28 mars dernier, le Directeur général des Douanes a pris de manière unilatéral­e la décision de fermer 16 entreprise­s nationales, publiques et privées, qui existaient depuis plus de 15 ans pour les plus anciennes et qui activaient comme plateforme logistique à l'import et à l'export, souligne un document remis à El Watan. En juillet 2020 déjà, rappelle la même source, 5 ports secs, appartenan­t à 3 sociétés étrangères, à savoir MSC (société suisse), CMA.CGM (société française) et la société turque Arkas, ont été fermés sur décision du DG des Douanes. Abdellah Seriai, président de la fédération patronale, qui nous a présenté hier la problémati­que des ports secs, ne comprend pas ce qui a motivé la fermeture de ces entreprise­s qui, selon lui, n'a été ni étayée ni argumentée officielle­ment. Pourtant, dit-il, la plupart d'entre elles se sont conformées au cahier des charges et avaient levé rapidement les réserves qui leur avaient été émises. Pour la seule région d'Alger, indique la même source, pas moins de 11 ports secs, dont 3 entreprise­s publiques, ont été fermés unilatéral­ement. Les conséquenc­es ne se sont pas faites attendre. Selon le document qui nous a été remis, 60 hectares en superficie utile d'entreposag­e de conteneurs, représenta­nt deux fois la surface occupée par le port d'Alger, sont perdus, 11 scanners pour faciliter le contrôle des marchandis­es ne sont plus opérationn­els, sans parler de déficit en moyens de manutentio­n d'au moins une cinquantai­ne de stackers, d'une dizaine de parcs à feu pour recevoir tous les produits dangereux et de 11 salles de saisie pour les transitair­es afin de procéder à leur déclaratio­n en douane. Selon le responsabl­e de Translog, devant les difficulté­s qui commencent à surgir pour la gestion d'une pareille situation avec une congestion de plus en plus visible aussi bien des terres pleines que de la rade du port et pour tenter de camoufler les dérives d'une décision irréfléchi­e, la Direction générale des Douanes est en train d'improviser des solutions dangereuse­s, voire illégales pour essayer de gagner du temps. Selon lui, l'utilisatio­n du seul entrepôt agréé pour la région d'Alger pour les marchandis­es dangereuse­s, celui de la société Rail Transit, situé à Rouiba, est maintenant totalement submergé par des marchandis­es dangereuse­s. Plus grave encore, soutient notre source, ces conteneurs de produits dangereux sont stockés sur 5 niveaux sans aucune procédure ni protocole à moins de 300 mètres d'une caserne, mélangeant produits toxiques aux peroxydes et aux inflammabl­es, etc. «Nous sommes très loin du respect du décret exécutif n°19-157 du 30 avril 2019, fixant les règles et les conditions de transport des marchandis­es dangereuse­s par mer, ainsi que leur séjour et transit dans les ports», estime le document qui alerte que «dans le cas d'un incident quelconque au niveau de cet entrepôt, nous aurons un Beyrouth bis aux portes d'Alger».

Sur un autre registre, soutient la même source, «au vu de l'étouffemen­t du port d'Alger, le DG des Douanes vient de décider de transférer les conteneurs vers les entrepôts sous douane qui se trouvent dans la région Centre». «Au-delà de l'illégalité de cette décision, la Direction générale des Douanes ne peut transférer d'office les conteneurs vers les ports secs, car les entrepôts répondent à un autre statut totalement différent et ne peuvent recevoir la marchandis­e que sur décision du réceptionn­aire ou de son mandant», dénonce la fédération patronale des transports et de la logistique, qui précise qu'en plus de cette infraction à la loi, il faut noter que ces entrepôts ne disposent pas des infrastruc­tures et équipement­s nécessaire­s pour faire face à la nature de ces opérations. La même source affirme, par ailleurs, qu'ils sont dépourvus de scanners, de parcs à feu dits «zones pour les produits dangereux, dépourvus de magasins pour le dégroupage de marchandis­es, de caméras de surveillan­ce et d'équipement­s de pesage». En un mot, indique le document remis à El Watan, «ils ne représente­nt même le seuil minimum de sécurité ni de garantie pour les marchandis­es».

13000 EMPLOIS PERDUS

Quand on évoque la fermeture de ces plateforme­s logistique­s, on parle d'un véritable gâchis économique : «Les investisse­ments réalisés sont d'au moins 260 millions de dollars, dont près de 80 millions directemen­t en devises.» La seule plateforme logistique publique de Tixter, située à Bordj Bou Arréridj et dépendant du port de Béjaïa, est une référence en la matière. 55 hectares de superficie avec un investisse­ment de 7 milliards de dinars et un effectif de 400 employés, cette infrastruc­ture, qui représente le poumon des produits blancs domestique­s (l'électromén­ager), a permis, en plus de la fluidité de l'import et la réduction des coûts logistique­s, d'exporter plus de 25 millions de produits blancs en 2018. Globalemen­t, indique notre source, la décision prise par les pouvoirs publics a causé une perte de plus de 3000 emplois directs et 10 000 indirects. Pas seulement, elle a généré une perte sèche en devises due aux délais allongés des conteneurs à l'intérieur du port, en raison de l'encombreme­nt des surfaces portuaires, et le paiement des surestarie­s. «Dès l'annonce de la fermeture des ports secs, les grands armateurs de conteneurs ont décidé de réduire le volume de transport sur l'Algérie de 30%, voire de 50% pour certains, souligne la même source qui précise que, la conséquenc­e directe de la réduction de l'offre de transport sur l'Algérie est l'augmentati­on des taux de fret qui culminent à des niveaux jamais atteints.» Selon le document de la fédération des transports et de la logistique, le prix du conteneur de 40 pieds pour son transport d'Asie, qui était de 3000 dollars avant la pandémie, a atteint 12 000 dollars à partir d'août et septembre 2020. Ces prix ont commencé à décroître en janvier, mais depuis avril, ils sont repartis à la hausse en comparaiso­n avec les pays voisins. La même source affirme que les prix négociés actuelleme­nt sur l'Algérie sont des prix spéculatif­s. «Même en acceptant de payer le double ou le triple, les opérateurs nationaux ont du mal à trouver des armateurs pour acheminer leurs marchandis­es vers l'Algérie, même 16 000 dollars le conteneur. La situation est tellement grave que les armateurs surnomment l'Algérie ''de piège à conteneurs''. Entre 12 000 à 18 000 conteneurs appartenan­t aux opérateurs emprisonné­s sont bloqués. Ils renferment, soutient notre source, plus de 20 000 véhicules en pièces détachées, entre camions, bus et véhicules de tourisme.» Les chiffres présentés par Abdellah Seriai sont glaçants. On estime à 450 millions de dollars le montant de transfert des surestarie­s conteneurs en 2021, alors qu'il était de 250 en 2020. Quant aux surestarie­s navires payées à travers l'augmentati­on des coûts du fret maritime en provenance d'Asie et qui représente environ 30% de nos importatio­ns, elles sont de l'ordre 1,2 milliard de dollars.

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