Sur fond de divergences entre Washington et Moscou
• Moscou et Washington ont échangé de vives accusations et des sanctions dès le début du mandat du démocrate Joe Biden. Ce dernier affiche une grande fermeté à l’égard de Moscou, qualifiant son homologue russe, Vladimir Poutine, de «tueur».
Le sommet du Conseil de l’Arctique a débuté hier à Reykjavik (Islande). Cette rencontre de deus jours des ministres des Affaires étrangères des huit pays riverains de l’Arctique (la Russie, les Etats-Unis, le Canada, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Islande) intervient au moment où les relations entre les Etats-Unis et la Russie sont sous tension. Alors que le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a semblé vouloir faire de l’Arctique un nouvel enjeu géopolitique, un laboratoire d’une certaine coopération ciblée sur des défis communs, comme la lutte contre le réchauffement climatique, son homologue russe, Sergueï Lavrov, a fait monter la tension. «Il est clair pour tout le monde depuis longtemps que ce sont nos terres, notre territoire», a-t-il en effet lancé lundi au sujet du Grand Nord, défendant une sorte de pré carré russe et dénonçant notamment les velléités «offensives» des Occidentaux via l’OTAN et la Norvège. L’«activité militaire» de la Russie dans l’Arctique est «parfaitement légale et légitime», a-t-il plaidé. La mise en garde russe a inévitablement suscité une réponse d’Antony Blinken, qui a appelé mardi à «éviter» ce genre de «déclarations», mais aussi «une militarisation» de l’Arctique, riche en ressources naturelles, autour du Pôle Nord. Hier, au cours d’une rencontre avec son homologue canadien, Marc Garneau, il a réaffirmé vouloir «préserver cette région en tant qu’endroit de coopération pacifique» en matière de climat ou d’avancées scientifiques.
Depuis son arrivée à la MaisonBlanche en janvier, le président Biden affiche une grande fermeté à l’égard de Moscou, qualifiant son homologue russe, Vladimir Poutine, de «tueur» pour mieux marquer la rupture avec son prédécesseur Donald Trump. Ce dernier est accusé de complaisance à l’égard du maître du Kremlin.
La zone en question englobe l’océan Arctique, les régions septentrionales de Norvège, Suède, Finlande et Islande en Europe, le Groenland (territoire autonome danois), le Grand Nord du Canada et de la Russie, et une partie de l’Alaska (Etats-Unis).
Lors du sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) le mois prochain, les Etats-Unis comptent convaincre l’Alliance de se doter de «ressources appropriées pour assurer la sécurité dans l’Atlantique nord», a-t-il affirmé. La Russie n’a cessé d’accroître son dispositif militaire dans ses territoires arctiques ces dernières années, y rouvrant et modernisant plusieurs bases et aérodromes abandonnés depuis la fin de l’époque soviétique. Elle y a aussi déployé ses systèmes de défense anti-aérienne dernier cri S-400. Les Etats-Unis ont envoyé cette année des bombardiers stratégiques s’entraîner en Norvège et ont déployé des navires l’année dernière en mer de Barents, dans la zone économique exclusive de la Russie.
Moscou et Washington ont échangé de vives accusations et des sanctions dès le début du mandat du démocrate. Mais depuis, les deux capitales assurent vouloir une forme d’apaisement.
LE PROJET DU GAZODUC NORD STREAM 2 REFAIT SURFACE
Juste avant la rencontre de Reykjavik, une information a filtré dans des médias américains selon laquelle la Maison-Blanche a finalement décidé de ne pas sanctionner la principale société impliquée dans le projet controversé de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne, Nord Stream AG, et son directeur général. Des sanctions sont prévues contre des entités mineures, mais le gouvernement Biden veut éviter de se fâcher avec Berlin, selon le site internet Axios et la chaîne de télévision CNN. Cette décision, si elle est confirmée, revient à laisser le champ libre à ce gazoduc dont les Etats-Unis ne veulent pourtant pas. Mardi encore, dans un appel à son homologue allemand Heiko Maas, Antony Blinken, qui menace de sanctions depuis des semaines, a ainsi «mis l’accent sur l’opposition américaine au gazoduc», assurant vouloir travailler avec les pays alliés «pour contrer les efforts russes visant à saper» leur «sécurité collective», selon le département d’Etat. Plusieurs ténors républicains ont fustigé à Washington le recul démocrate sur le dossier Nord Stream 2. «Nous avons dit très clairement que si la Russie choisissait de prendre des mesures irresponsables ou agressives contre nos intérêts ou nos partenaires et alliés, nous riposterions», a prévenu Antony Blinken en Islande. Il a toutefois jugé «important de pouvoir parler de cela en tête-à-tête pour voir s’il est possible d’avoir une relation avec la Russie plus stable et prévisible», ainsi que des terrains d’entente en matière climatique ou de désarmement. Pour y parvenir, Joe Biden et Vladimir Poutine semblent d’accord pour avoir leur premier sommet en juin dans un pays européen. «Nous pensons que cela aura lieu dans les prochaines semaines», a confirmé mardi le chef de la diplomatie américaine. «Pour l’instant, il n’y a pas d’accord sur l’heure ou l’endroit. Avant de s’entendre sur ces points, il nous faut analyser la position des Etats-Unis concernant l’ordre du jour» d’une telle rencontre, a nuancé hier le viceministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.