«L’accélération du rythme de déploiement des TPE est impérative»
Madjid Messaoudene >> Administrateur du GIE monétique
La loi de finances de 2018 obligeait les commerçants à avoir un TPE, la loi de finances de 2020 a étendu cette obligation à tout «instrument» de paiement électronique. Où en est justement la généralisation des TPE en Algérie depuis ?
Le GIE monétique, sous le pilotage du ministre des Finances, a mis en place un plan d’action allant jusqu’en 2022. Ce plan d’actions a pour objectif la généralisation du paiement électronique sous toutes ses formes. La question cruciale est d’aller chercher l’adhésion des commerçants au système de paiement, chose pas très aisée au regard de la part du marché informel dans l’économie nationale. Le GIE monétique a donc tracé toute une stratégie pour accompagner les commerçants et plus globalement les accepteurs dans leur adhésion au système de paiement. Cette généralisation répond à une stratégie basée sur le principe des «nénuphars», cela veut dire qu’une segmentation des commerçants est faite par type d’activité et par densité de flux transactionnel. Il s’agit par la suite d’équiper progressivement les différents segments d’activité jusqu’à la généralisation. Il s’agit aussi de doter chaque accepteur avec un dispositif de paiement adapté à son activité.
Quels sont justement les types de dispositifs dans ce cadre ?
Il faut savoir qu’il existe plusieurs types de dispositifs et de modes de paiement : les Terminaux de paiement électroniques (TPE) ; le M-POS : point de paiement mobile ; Soft POS : terminal virtuel ; les solutions de monétique intégrée ; les automates de vente ; les bornes de péage d’autoroute… ; le téléphone mobile (mobile paiement) ; les automates de paiement et le paiement à distance. Dans une première étape (le premier nénuphar dit), nous avons oeuvré à intégrer le paiement électronique, de proximité ou à distance, au niveau des opérateurs de la sphère publique générateurs d’importants flux transactionnels (facturiers, services de télécom, de transport, assurance, AADL, distribution de carburant…) service qui concerne surtout toutes les franges de la société. Une manière pour nous d’éduquer le client et lui rendre le paiement électronique comme un réflexe. En parallèle, nous avons aussi priorisé certains types de commerces de proximité tels que les supérettes, épiceries, boucheries, les restaurants, pizzerias, fast-foods, les salons de thé cafeterias, salons de glaces, les hypermarchés, les magasins de prêt-à-porter, la vente de chaussures, les boulangeries et pâtisseries, les hôtels, services télécom, crèches et écoles privées, blanchisseries, lavages de véhicules, contrôle technique des véhicules, pièces détachées, les agences de voyages, les agences de location de voitures, les stations-service, les prestataires de services courrier, les laboratoires médicaux et cliniques, les instituts de beauté, les salles de sport ; les bijouteries ; les quincailleries, les merceries.
Pour quel bilan ?
Jusqu’à aujourd’hui, les banques ont
installé plus de 38 000 TPE et nous avons un potentiel de 15 000 unités en cours de déploiement. Par ailleurs, nous avons homologué une solution de soft POS (TPE virtuel plus facile à déployer, ne nécessite pas d’équipements spécifique) qui pourraient combler le déficit en matière de déploiement.
Comment expliquez-vous cette évolution ?
Il est clair que sur la partie acceptation, bien qu’il y ait eu évolution, nous sommes passés de 6000 TPE en 2016 à plus de 38 000 en 2020. Cette cadence est en deçà des attentes. L’accélération du rythme de déploiement est impérative, et pour cela, le GIE monétique a intégré de nouveaux acteurs dans l’écosystème (des installateurs de TPE, des mainteneurs qui ont une envergure sur le territoire national), et ce, pour fluidifier le déploiement. Ces acteurs viendront en support aux banques et aux commerçants en leur assurant un service après-vente. Il a également homologué de nouvelles solutions d’acceptation (en plus des TPE), et ce, en plus d’une conception en vue d’une diffusion imminente d’une campagne de sensibilisation s’adressant aux commerçants.
Mais la production des TPE pose problème. Où en est-on dans ce cadre ?
La problématique de production des TPE en Algérie répondait à une équation purement économique. Il est clair qu’équiper deux millions de commerçants en TPE s’avère être une tâche colossale au regard du processus d’acquisition des TPE (souvent fabriqués à l’étranger, et même que les applications de paiement embarquées sont développées à l’étranger). Leur fabrication (ou montage dans un première temps) s’est avérée être une solution pour, d’un côté,
atteindre les objectifs de déploiement et de l’autre, acquérir une certaine expertise technologique locale. Aujourd’hui, deux industriels ont saisi cette opportunité et ont mis en place des chaînes de production, il s’agit de l’ENIE (entreprise publique) et de TELETIC (représentant d’un fabricant de TPE leader mondial dans le domaine).
Quel est l’apport des systèmes et des moyens de paiement électronique sur la performance des banques, surtout en cette période où l’on parle de la nécessité d’accélérer la numérisation du secteur ?
La banque la plus performante est celle qui propose à sa clientèle les produits les plus adaptés à son besoin. Ce besoin d’excellence ne peut être atteint si les processus métiers ne sont pas digitalisés. La digitalisation des paiements de masse permet aux banques (i) d’offrir un service de qualité aux clients (ii) de disposer d’outils lui permettant d’anticiper les besoins des clients et aussi de prendre en charge, en des temps records, leurs doléances (iii) de rendre nulles toutes les contraintes liées à gestion du cash qui aujourd’hui coûte très chers aux banques et enfin (iiii) participer à réaliser l’inclusion financière de la population qui favoriserait la disparition du marqués informel.
La pandémie a dévoilé le besoin de développer le paiement en ligne mais aussi le retard enregistré dans ce domaine. Comment rattraper ce retard ?
La pandémie a dévoilé le besoin de développer le commerce en ligne tout d’abord, une activité longtemps ignorée par les commerçants algériens. Le paiement en ligne vient compléter la prestation. Ce retard est facilement rattrapable si les
commerçants en ligne ne reproduisent pas les pratiques du marché informel. Nous travaillons d’arrache-pied avec le ministère du Commerce, le ministère des Finances, le ministère de la Numérisation et la Banque centrale pour que l’adhésion des commerçants en ligne au paiement électronique se fasse de la manière la plus fluide. Pour cela, le GIE monétique a largement allégé, tant sur l’aspect technique que sur l’aspect, coût, le processus de certification des modules de paiement en ligne. Tout se passe aujourd’hui de manière automatisée via un portail web (www.cib.dz). Nous travaillons aussi sur des facilitations réglementaires pour encourager les commerçants à se lancer dans la vente en ligne et accepter le paiement en ligne. Par ailleurs, le client (acheteur) doit aussi être encouragé et rassuré quant à l’utilisation de sa carte sur internet. Un travail de pédagogie est engagé avec les banques pour rassurer leur clientèle sur la sécurité du paiement. Nous encourageons aussi la mise en place de Marketplace, qui ont fait par ailleurs dans le monde que le e-commerce prenne de l’ampleur et le paiement en ligne avec.
Comment s’annoncent les perspectives ?
Les perspectives de développement, dans le strict périmètre de compétences du GIE monétique sont telles que nous les avons inscrites dans le plan de développement. Cela via une généralisation du paiement électronique à l’horizon 2022/2023. L’objectif stratégique ultime, au-delà de l’aspect paiement qui reste un moyen qui peut prendre plusieurs formes, c’est de réaliser l’inclusion financière de l’ensemble de la population. Cette inclusion, une fois réalisée, permettrait à l’économie algérienne de passer de l’ombre à la lumière.