L’ALGÉRIE EST-ELLE À L’ABRI D’UN ENDETTEMENT EXTÉRIEUR ?
Le recours à l’endettement extérieur semble une ligne que les autorités du pays ne veulent pas franchir, du moins à court terme. Selon le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, ainsi que le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, l’Algérie ne recou
Selon le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, ainsi que le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, l’Algérie ne recourra pas à l’endettement extérieur auprès du Fonds monétaire international (FMI), pour une raison de souveraineté.
Abdelaziz Djerad a encore confirmé cette option la semaine dernière en précisant que «l’enjeu de cette démarche est de protéger notre souveraineté et notre décision car certains des pays qui ont recouru à cette démarche se sont complètement effondrés, ce qui est inacceptable en Algérie». Le chef de l’Exécutif emboîte le pas au chef de l’Etat qui avait souligné auparavant que «nous n’irons ni au FMI ni à la Banque mondiale (BM) car l’endettement porte atteinte à la souveraineté nationale, une expérience que nous avons vécue au début des années 1990».
En effet, l’expérience amère qu’a connue l’Algérie durant les années 1990 avec le FMI et le Plan d’ajustement structurel (PAS) qui a été imposé par l’institution de Bretton Wood ont laissé des traces et de mauvais souvenirs chez les décideurs qui considèrent que le recours à un emprunt extérieur est une démarche à ne pas réitérer. Autant dire un «tabou».
Mais la crise économique et financière que connaît actuellement le pays et les différents déficits qu’elles engendre, incitent certaines voix à préconiser le recours à l’endettement extérieur tant que la situation financière laisse une marge de manoeuvre pour les négociateurs. Le financier Omar Berkouk a considéré que si les autorités ne sont pas pressées d’aller vers un emprunt extérieur, «c’est parce qu’elles ne sont pas encore acculées, malgré le déficit budgétaire et celui de la balance des paiements.» Mais ils «savent très bien qu’à terme le temps joue contre eux», estime-t-il. Selon ses explications, «l’endettement des années 90’ reste encore dans les souvenirs des dirigeants, notamment ceux qui demeurent toujours au pouvoir». A cette époque aussi, «il y avait un peu de démagogie, mais le pays s’est quand même endetté», estime le même expert qui met en évidence les craintes nourries par les «autorités qui ne savent pas réellement si elles peuvent aller au FMI ou pas et comment s’y prendre». Selon M. Berkouk, en posant la question de souveraineté, l’objectif est «de diaboliser l’endettement», mais en réalité, c’est «la nécessité et les circonstances futures qui détermineront cette décision et ce ne sont pas les politiques ou le gouvernement».
«Les exportations hors hydrocarbures n’ont pas repris suffisamment pour soutenir les recettes pétrolières, et le niveau des réserves de change ne couvrent qu’environ 18 mois», explique l’économiste pour qui le danger sera «de ne pas trouver des prêteurs, notamment avec le mauvais classement qu’accordent les agences de notation pour l’Algérie à l’instar de celui de la Coface». M. Berkouk déconseille d’aller vers un emprunt auprès de la Chine, qui a «des conditions plus strictes» et «risque d’être pire que celui des Occidentaux».
Pour le financier Souhil Meddah, «c’est le moment pour que les autorités se préparent à un financement extérieur». Il est «temps de penser au futur et de ne pas rester figés dans le présent», dit-il, avant de recommander de dépasser «la position politique qui continue d’exprimer son veto et penser surtout à la vision économique qui a besoin de l’évolution du PIB, ainsi que le pouvoir d’achat». Le même financier qui alerte sur la gravité de la situation actuelle soutient : «Nous nous dirigeons vers un blocage du pays, sachant que les investissements ne seront plus soutenus par les taux bonifiés. L’activité économique se base sur des ressources», rappelle Souhil Meddah qui considère que «notre souci est dans le choix des investissements à faire et les modèles à développer». Une fois que des décisions sont prises, «les modalités de financement seront choisies en fonction des modèles d’affaires de chaque secteur et segment d’activité».
Le financier plaide pour un modèle d’endettement extérieur «sélectif qui donne un effet de levier pour les investissements». Il suggère «d’encourager les Investissements directs étrangers (IDE) qui apporteront une masse supplémentaire de monnaie et feront reculer le déficit, à condition qu’ils soient en continu». En 2020, le déficit de la balance commerciale a atteint 11,9 milliards de dollars, contre un déficit de 6,01 milliards de dollars en 2019. Concernant l’exercice 2021, le FMI a prévu un déf icit de la balance des paiements de l’ordre de 16% du PIB, soit près de 23 milliards de dollars. Il est à noter que la dette publique externe de l’Algérie a atteint 1202,6 millions de dollars à fin décembre 2020, soit une augmentation de 7,25% par rapport à 2019. «Cette dernière demeure toutefois soutenable», estiment les autorités monétaires.