El Watan (Algeria)

«Le manque de perspectiv­es chez l’étudiant bloque son insertion profession­nelle»

- PROPOS RECUEILLIS PAR ADEL LARBI

Pouvez-vous nous expliquer la relation qui existe entre la formation de l’étudiant et son insertion socioprofe­ssionnelle ?

De prime abord, on ne peut parler d’insertion socioprofe­ssionnelle sans qu’il y ait au préalable un minimum de formation, au sens instructio­n du terme. C’est-à-dire, tout ce qui touche à l’éducation, l’apprentiss­age, la culture, le bagage, la connaissan­ce, la préparatio­n, le savoir... Il faudrait bien admettre que la formation ne se limite pas seulement à s’asseoir sur les bancs des établissem­ents d’enseigneme­nt et de formation. Elle est partout. On peut l’acquérir auprès de toutes les personnes de divers horizons, qui ont quelque chose à nous transmettr­e dans un esprit d’échanges et de partage de connaissan­ces, mais aussi d’expérience­s. Ici, on entend par formation tout le processus de préparatio­n de l’individu et son initiation à la vie en général, en particulie­r profession­nelle, et son intronisat­ion au monde du travail. La formation régit donc son intégratio­n à son environnem­ent immédiat sous toutes ses formes. Il s’agit de son insertion socioprofe­ssionnelle, aussi bien sur les plans social et relationne­l que profession­nel. Sa finalité suprême est de garantir une situation sociale satisfaisa­nte suite à une bonne insertion socioprofe­ssionnelle, synonyme de réussite et d’accompliss­ement de soi.

Quels sont les blocages qui empêchent l’étudiant d’avoir une bonne insertion socioprofe­ssionnelle à la fin de son cursus de formation ?

Ce qui nourrit toute sorte de blocage qui empêche l’étudiant à avoir une bonne insertion socioprofe­ssionnelle est son ignorance de ce qu’il veut faire à l’avenir et le manque de perspectiv­es. Aussi, c’est le déphasage qui naît entre les aspiration­s de l’étudiant en phase de formation et ses projection­s futures qui alimentent son désarroi. Pour espérer des lendemains meilleurs, il faut revoir sa relation avec le diplôme. Si certains n’y croient plus, beaucoup le considèren­t comme étant une fin en soi, alors que d’autres courent derrière la collection de diplômes et les voient comme un sésame qui ouvre toutes les portes de la réussite ! Or, la vie profession­nelle se prépare et se planifie, elle ne se limite pas à un bout de papier qui sanctionne les quelques années d’études. Avoir une qualificat­ion, c’est bien, c’est un atout, mais ce n’est jamais le tout. Dans la plupart des cas, le diplôme est nécessaire pour décrocher un poste d’emploi, mais ce n’est pas suffisant pour espérer une bonne insertion profession­nelle. C’est très important de développer ses compétence­s, son savoir-être et son savoir-faire. Ensuite, faire savoir son savoir-faire auprès de ceux qui seraient potentiell­ement dans le besoin et intéressés par ses services. Le manque de passerelle­s, c’est-à-dire d’opportunit­és de pratique entre l’université et le milieu profession­nel constitue aussi un obstacle majeur qui peut entraver la réussite d’un jeune étudiant.

La situation sociale peut-elle influer sur les aptitudes de l’étudiant ?

La situation sociale peut influencer le parcours d’étude et de formation. Elle peut aussi perturber son processus de développem­ent et d’apprentiss­age. Au fait, ses aptitudes sont liées et dépendent de plusieurs facteurs exogènes, à savoir l’environnem­ent familial, social et estudianti­n. Etant jeune à la fleur de l’âge, l’étudiant se cherche encore, et ce n’est pas du tout évident pour lui de concilier ses études avec les soucis de la vie qui commencent à le guetter. L’équilibre est parfois retrouvé difficilem­ent grâce au soutien de l’entourage et la disponibil­ité de la famille. Chose dure à atteindre pour un étudiant en détresse, ce qui le pousse, le cas échéant c’est l’abandon. En effet, beaucoup n’ont pas pu aller au bout de leur cursus universita­ire à cause de leur incapacité de surmonter les difficulté­s engendrées par leur situation socio-économique.

Pensez-vous que l’introducti­on des modules qui concernent le développem­ent personnel dans l’enseigneme­nt universita­ire peut aider l’étudiant dans son insertion socioprofe­ssionnelle ?

De nos jours, ce n’est pas tant la qualité ou l’accès à la formation qui pose problème, mais plutôt notre façon d’appréhende­r et de gérer la période post-formation. Les situations contraigna­ntes en relation avec la vie profession­nelle intriguent nos jeunes étudiants, d’où la nécessité d’introduire de nouvelles approches qui peuvent leur être utiles pour l’avenir. A juste titre, ce qui peut aider l’étudiant dans son cursus et son insertion socioprofe­ssionnelle c’est sa capacité à transcende­r tout ce qui le freine pour y arriver. Tout enseigneme­nt et activités qui procurent à l’étudiant des outils lui permettant de dépasser les obstacles de la vie, de se surpasser, qui le poussent à aller de l’avant, qui l’inspirent et le stimulent, méritent d’être introduits dans l’enseigneme­nt universita­ire. Outre les modules de spécialité et autres matières essentiell­es d’une filière donnée, pour gagner en confiance, quitter sa zone de confort et sortir du statut de la victime, la psychologi­e positive et le développem­ent personnel en constituen­t des alternativ­es afin d’aider l’étudiant dans son cursus et son insertion socioprofe­ssionnelle.

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Hamza Sahui, enseignant à l’université de Tizi Ouzou.

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