Zone d’ombre !
Finalement, toutes les zones d’ombre ne se valent pas. Il y a celles que l’on veut bien scruter des yeux, tant le regard du chef se montre insistant dans sa direction. Le vocable est aussi nouveau que l’Algérie nouvelle. Il se conjugue à tous les temps et à longueur des comptes rendus relayés par des médias publics. Si dans la foulée des orientations du président de la République des hameaux reculés sortent de l’oubli pour bénéficier de quelques avantages d’une vie décente à l’aune du XXIe siècle, il n’en demeure pas moins que bien d’autres, loin des yeux complices, restent encore dans le noir. La bravoure des femmes qui partent répandre le savoir dans des zones si obscures n’attire pas les regards. Ces enseignantes martyrisées dans la nuit noire au fin fond du Grand Sud n’ont pas eu droit à la bénédiction des autorités locales. Des femmes courageuses armées du seul moyen du savoir repoussent toutes les frontières dressées devant elles et leurs semblables. Elles se sont senties utiles dans ces contrées naturellement hostiles. Elles ont fait confiance à l’autorité de l’Etat, garant de la protection de ses citoyens et citoyennes partout où ils se trouvent sur le territoire national. Ces enseignantes agressées dans leur logement de fonction ont sollicité cette protection par souci de précaution. Cette zone d’ombre, loin des calculs politiques, n’a pas attiré sur elle les feux de la rampe. Elle se retrouve aujourd’hui au centre d’une pure émotion. Un sentiment d’essence éphémère prouvé à longueur des cas aussi sensibles que la séquestration, le viol et l’agression de ces enseignantes. Elle nous rappelle le grand chagrin suscité par l’assassinat de la petite Nihal dans son village de Kabylie. Bien d’autres drames ont vivement secoué les consciences sans pour autant introduire un quelconque changement dans les lois régissant notre comportement social. Les larmes de circonstance sont vite séchées, comme s’évanouissent les promesses électorales. Le sacrifice des enseignantes ne date pas des récents événements de Bordj Badji Mokhtar, il remonte aux premières années de feu et de sang qu’a vécues le pays. Il remonte au jour où le chemin de 11 jeunes enseignantes de Sfisef (Sidi Bel Abbès) a croisé celui d’une horde d’obscurantistes. En cette fatidique journée du 27 septembre 1997, la lame aiguisée d’un sinistre «Dhib el jiaâne» a décapité les malheureuses, parce qu’elles ont osé dispenser le savoir au moment où un projet ténébreux est lancé par les intégristes islamistes. Le même sens du sacrifice anime encore d’autres générations, qui n’hésitent pas à s’aventurer dans des zones éloignées et enclavées pour accomplir leur noble mission éducative au profit de jeunes enfants. Les privations des commodités d’une vie plus confortable n’ont pas entamé cette volonté altruiste. Il importe aux hautes autorités du pays d’accompagner ces fers de lance en temps réel. Les regrets ne serviront à rien, sinon à perpétuer le laxisme, synonyme de complicité !