«Le tourisme est le parent pauvre de notre économie»
Que pensez-vous de la situation du secteur du tourisme en Kabylie, où les potentialités sont importantes ?
La situation du tourisme en Kabylie est identique à celle qui prévaut, malheureusement, à l’échelle nationale. C’est-à-dire, un secteur à l’abandon par les pouvoirs publics, faute de volonté politique. Ce n’est pas la construction de nouveaux hôtels, de bonne ou de mauvaise architecture, nombreux certes ces dernières années, qui va booster la destination touristique. Et le foisonnement surdimensionné de nouvelles agences de voyages aussi. Le tout évolue dans une économie de tourisme de bazar, dans une situation de non-tourisme depuis au moins une trentaine d’années.
Pour en revenir au tourisme en Kabylie, il ne diffère pas des autres régions, à cause de l’absence rigoureuse d’une organisation appropriée. La région possède effectivement un gros potentiel, tourisme balnéaire, culturel, de montagne, de randonnées pédestres et d’écotourisme. La Kabylie demeure en sous-capacités litières, moins de 20 000 lits pour les trois wilayas de la région. C’est insuffisant, et peu d’hôtels, anciens ou nouveaux, sont aux normes internationales. Victimes aussi du manque de personnel formé et qualifié.
Y a-t-il réellement une volonté des pouvoirs publics de relancer le tourisme, vecteur de création de richesses et d’emplois ?
Non. Il n’y a pas de volonté politique depuis une trentaine d’années minimum. Elle est surtout textuelle et non factuelle, exprimée par des faits palpables et concrets. Ce sont surtout des voeux pieux. Une sémantique creuse et verbeuse. Par exemple, l’ancien ministre du Tourisme, Mermouri, avait annoncé en 2019 la création d’un Conseil national du tourisme. Des paroles sans lendemain, surtout que dans la réalité des faits, il s’agissait de sa réanimation, car ce Haut Conseil du tourisme fut créé en 2002 et installé en 2003, sous la présidence du Premier ministre de l’époque. Il devait se réunir chaque semestre afin de faire des évaluations sectorielles liées au tourisme. Sa composante humaine devait être d’une dizaine de ministres. Une autre information factice au sortir d’un Conseil des ministres en mars 2019, un communiqué émanant du ministère de tutelle avait détaillé un plan d’action qui permettrait à notre tourisme de se hisser à un niveau d’industrie mondiale. Comment ? Avec quoi ? Quand ? Vision ? Stratégies ? Dans les chancelleries installées en Algérie, on doit rire sous cape. Essayons de se hisser au niveau de nos deux voisins maghrébins, c’est déjà un grand défi et un challenge de longue haleine dans la durée. Minimum une dizaine d’années. Le niveau d’une industrie mondiale, il faut l’oublier, car aucun pays arabe ne pourra l’atteindre. Les troubles des intégristes, de temps en temps, ici et là, sont un frein pour atteindre un développement du niveau de l’Italie, Espagne, Grèce, France, Suisse, Canada, Etats-Unis, Brésil. Une seule exception, Dubaï et sa région. Une dimension surréaliste.
Fantastique. Unique au monde !
Quelle est donc la stratégie à adopter et à suivre pour développer le secteur ?
La stratégie à adopter et à suivre pour développer ce secteur souffreteux a été exprimée à travers le Schéma directeur d’aménagement touristique (SDAT). 200 pages créées en 2007 sous la direction de Cherif Rahmani et consacrées lors des assises nationales et internationales de février 2008 au Palais des nations, avec 1200 participants, dont 160 étrangers. Cela est négligé depuis, faute de conviction, de volonté politique et de manque de compétences avérées qu’il faut chercher ici et ailleurs au sein de la diaspora. Au mois d’août dernier, sous l’égide du Premier ministère et sous la houlette du patronat, 11 ateliers ont été installés afin de dégager des plans de relance de notre économie en difficulté. Aucun atelier n’a été consacré au tourisme, parent pauvre de notre économie. Orphelin des pouvoirs publics et doté d’un des plus faibles budgets du gouvernement. Celui des anciens combattants en 2020/2021 est 74 fois plus important que celui du tourisme. Non, l’Algérie ne veut pas de son tourisme, elle fait semblant, ayant opté depuis très longtemps pour une position nolens volens, voulant et ne voulant pas. Le «ne voulant pas» prédomine depuis des lustres.