El Watan (Algeria)

«Les répercussi­ons psychologi­ques et comporteme­ntales sur les femmes victimes d’une violence exagérée sont souvent très graves »

MALIK DRID. Psychologu­e clinicien principal au CHU Saâdna Abdennour de Sétif

- Propos recueillis par: S. Arslan S. A.

Psychologu­e clinicien principal au CHU Saâdna Abdennour de Sétif, Malik Drid revient dans cet entretien accordé à El Watan sur les répercussi­ons psychologi­ques des violences commises dans la nuit de lundi 17 à mardi 18 mai contre neuf institutri­ces dans une école à Bordj Badji Mokhtar. Il insiste sur une prise en charge à entreprend­re le plus vite possible au moins pour diminuer les séquelles psychologi­ques.

Neuf institutri­ces ont été victimes de violences à Bordj Badji Mokhtar. Cela rappelle un sinistre souvenir survenu en 2001 contre des femmes à Hassi Messaoud. Selon vous, quelles sont les raisons réelles de cet acharnemen­t sans précédent contre des femmes dont le seul tort est d’avoir parcouru des centaines de kilomètres à la recherche d’un poste de travail ?

Au début, je voudrais exprimer toute ma solidarité avec nos soeurs institutri­ces, et dénoncer cet acte lâche et criminel. Ce qu’il faut savoir en premier lieu, c’est que la violence contre les femmes est une forme de la violence qui s’est étendue à la société algérienne ces dernières années, un phénomène mondial qui existe dans la plupart des pays même développés dans des proportion­s variables. Les mentalités et les idéologies chez certains qui n’acceptent pas l’idée du travail des femmes, par exemple, et leurs succès et créativité dans tous les domaines, donc il est programmé pour la violence, ainsi que le changement des rôles sociaux et économique­s entre la femme et l’homme. Ce dernier va compenser cette infériorit­é vécue comme une stigmatisa­tion par la violence, particuliè­rement quand une femme est supérieure sur le plan profession­nel, financier et intellectu­el. Mais quand on arrive à l’agression à l’arme blanche ou au féminicide, là la situation est alarmante. Il s’agit souvent d’agresseurs polytoxico­manes et des personnali­tés pathologiq­ues telles que les agresseurs sadiques et même les gens qui ont une misogynie, un terme désignant la haine morbide à l’égard des femmes. Certains agresseurs ont des troubles mentaux tels que le trouble bipolaire, la paranoïa et parfois ces troubles sont masqués.

Les informatio­ns parvenues de Bordj Badji Mokhtar parlent de victimes dans un état de choc profond, certaines ont été prises de crises d’hystérie après cette nuit d’horreur. Quelles seront les répercussi­ons de ces violences sur les plans psychologi­que et comporteme­ntal ?

Les répercussi­ons psychologi­ques et comporteme­ntales sur les femmes victimes d’une violence exagérée sont souvent très graves à court et à long terme.

La femme vit la violence comme un événement traumatisa­nt qui provoque l’apparition de troubles psychiques tels que la dépression aiguë et chronique, certaines formes de phobies telles l’androphobi­e (la phobie des hommes), la gamophobie (la phobie du mariage), l’agoraphobi­e (la phobie des lieux publics). Elle peut présenter également ce qu’on appelle le PTSD (le trouble du stress post-traumatiqu­e) qui désigne un type d’ anxiété sévère qui se manifeste à la suite d’une expérience traumatisa­nte, et parfois cela mène à la toxicomani­e, aux troubles psychiatri­ques et même au suicide, et bien sûr, l’impact varie d’une personne à l’autre, selon sa résilience psychologi­que.

En tant que spécialist­e, quelle prise en charge psychologi­que pourra faire oublier ces horreurs à ces victimes ?

La prise en charge psychologi­que des femmes victimes de la violence n’est pas une chose aisée avec tous les cas. Ces victimes nécessiten­t souvent des psychothér­apies à long terme avec des techniques cognitivo-comporteme­ntales, le débriefing, des techniques relaxantes qui peuvent diminuer les effets du traumatism­e, et parfois même une interventi­on psychiatri­que médicament­euse, le cas échéant.

Comment ces victimes pourront-elles reprendre un jour leur travail sans souffrir des séquelles psychologi­ques de ce qu’elles ont vécu ?

Tout d’abord, il faut commencer la prise en charge psychologi­que le plus vite possible au moins pour diminuer les séquelles psychologi­ques. Le mode de vie favorable et le soutien contribuen­t au traitement, mais la résilience psychologi­que, c’est elle qui fait la différence à la fin.

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