El Watan (Algeria)

L’entente difficile sur un partage équitable des revenus du pétrole

● Les Libyens évitent d’aborder les questions qui fâchent, comme les mercenaire­s ou la répartitio­n des richesses ● Ils discutent patiemment des préparatif­s des élections du 24 décembre 2021. Attentisme prudent en Libye.

- Mourad Sellami

Les nouveaux Conseil présidenti­el et chef du gouverneme­nt libyens ont été désignés depuis le 5 février dernier à Genève. Les nouveaux dirigeants étaient déjà à Tripoli le 17 février pour fêter la décennie de la révolution. Le gouverneme­nt de Abdelhamid Dbeyba a prêté serment devant le Parlement depuis le 15 mars. Tout semble baigner dans l’huile. Mais, il est clair que les problèmes de fond n’ont pas été débattus. Même pour le budget 2021, seule sa partie salaires a été adoptée. La question du rapatrieme­nt des mercenaire­s étrangers est toujours en suspens.

ATTENTISME

L’ombre de l’accord passé, sous l’égide de Moscou, en septembre 2020 entre l’ancien vice-président du Conseil présidenti­el, le Misrati Ahmed Myitigue, et Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, plane encore sur la Libye. Il s’agissait alors d’un cessez-le-feu définitif contre une répartitio­n équitable des revenus du pétrole. Les bruits courant à l’époque parlaient de 60% pour la Tripolitai­ne et 40% pour la Cyrénaïque. L’argent du pétrole avait été bloqué depuis septembre 2020 dans une banque extérieure libyenne, avec l’aval de l’Entreprise nationale du pétrole, dont le PDG est Mustapha Sanaallah, un homme de Washington, au-dessus de la mêlée Est-Ouest. Et alors que les observateu­rs croyaient que le litige était levé avec l’arrivée du nouveau pouvoir, voilà que Sanaallah se limite à filtrer juste ce qu’il faut, comme Fonds, vers la Trésorerie de Tripoli. Sanaallah est allé jusqu’à bloquer l’exportatio­n de pétrole de l’important port de Ras Lanouf, pour faire pression sur la Banque centrale libyenne, afin de débloquer le budget des investisse­ments dans le secteur du pétrole.

Le PDG de l’Entreprise nationale du pétrole continue donc à s’inspirer de l’accord HaftarMyit­igue de septembre dernier, qui n’a pas encore été concrétisé­e sur le terrain. La répartitio­n équitable des revenus du pétrole n’ayant pas été encore appliquée. Partant de là, le Parlement n’a pas, lui-aussi, adopté le budget 2021, se limitant aux fonds nécessaire­s pour les salaires et les activités courantes de l’Etat. Le gouverneme­nt Dbeyba dispose juste des prérogativ­es réunies d’Al Sarraj à l’Ouest et Thenay à l’Est. Malgré les apparences, ce n’est point un gouverneme­nt à pleins pouvoirs. Il n’a pas d’autorité sur l’armée, ni sur tous les fonds. Et Abdelhamid Dbeyba en est conscient et c’est pour cela qu’il a gardé pour lui le ministère de Défense, qui n’a rien à faire de l’état actuel de division des troupes libyennes entre l’Est et l’Ouest. Dbeyba s’occupe à améliorer le vécu des Libyens, en essayant de stabiliser la monnaie et contrôler l’inflation. La nouvelle formule de gouvernanc­e charge le Conseil présidenti­el de gérer les questions politiques et attribue au gouverneme­nt les questions économique­s.

SOLUTIONS

Les Libyens n’ont pas chômé depuis l’installati­on du nouveau pouvoir en février dernier. Ils ont travaillé sur la Constituti­on, le départ des troupes étrangères, les élections, etc. Et ils ont le mérite de faire tout cela en silence. C’est plutôt le chef du gouverneme­nt Abdelhamid Dbeyba qui est sous les feux des projecteur­s, puisqu’il s’occupe des affaires courantes des citoyens. Le président du Conseil présidenti­el, Mohamed El Menfi, et ses deux suppléants, s’occupent, eux, des questions politiques litigieuse­s.

Ainsi, une nouvelle loi électorale est en cours d’élaboratio­n, de concert avec la délégation spéciale de l’ONU. Les politiques libyens et internatio­naux cherchent également à trouver une solution aux différends concernant le projet de Constituti­on, validé par la majorité des membres de la commission des 60 à Oman. Mais, ledit projet, quoique majoritair­e, ne réunit pas le compromis que nécessite une Constituti­on.

Les observateu­rs constatent néanmoins que les questions litigieuse­s piétinent, notamment celle des milices étrangères. L’assassinat du président tchadien, Idriss Deby, a par ailleurs compliqué la situation, puisque le Tchad est voisin de la Libye et protège les intérêts stratégiqu­es de plusieurs pays, notamment de la France. De là, comprendre les liens étroits entre Haftar et les Français. Par ailleurs, il est utile de rappeler que les milices en Libye sont d’origines et d’obédiences diverses. Le politologu­e libyen Ezzeddine Aguil parle de quelques centaines de militaires turcs, basés essentiell­ement à la base aérienne d’El Witya, et de près de 6000 miliciens syriens à l’Ouest. Du côté des forces de Khalifa Haftar, le politologu­e parle de plusieurs centaines formant les unités russes Wagner, de quelques milliers de Soudanais et de quelques centaines de Tchadiens du Front de l’alternance et de la concorde au Tchad. Lesquelles unités sont nécessaire­s, selon Ezzeddine Aguil, pour l’équilibre des forces en place sur le terrain. D’où les réticences, de part et d’autre, concernant leur départ. Le contentieu­x libyen mûrit à feu doux.

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Le pétrole libyen serait-il devenu la pomme de discorde ?

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